Académie Royale de Langue et de Littérature Françaises de Belgique
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Gérald Antoine

Gérald Antoine / Photo © Nicole Hellyn, AML Membre étranger philologue du 9 octobre 1982 au 26 janvier 2014
Prédécesseur : Robert-Léon Wagner
Successeur : Georges Kleiber
Fauteuil 31

Biographie

Gérald Antoine naît le 5 juillet 1915 à Paris, où il poursuivra ses études jusqu’à l’agrégation de grammaire en 1939. Mobilisé à la déclaration de guerre, il est prisonnier de 1940 à 1942. Rapatrié sanitaire, il enseigne alors au Lycée Ronsard à Vendôme de 1943 à 1947, tout en préparant ses thèses sous la direction de Bruneau, Wagner et Levaillant. En 1954, l’année même de leur soutenance, il succède à son maître Bruneau en Sorbonne dans la chaire d’histoire de la langue française. Aussi est-il tout désigné pour assurer, avec l’aide de Gougenheim et de Wagner, la réédition de la célèbre Histoire de la langue française des origines à nos jours de Ferdinand Brunot. En 1985, 1995 et 2000, avec la collaboration de Robert Martin, il la complète de trois tomes correspondant aux périodes 1880-1914, 1914-1945 et 1945-2000.

La publication en 1958 et 1961 des deux forts volumes de sa thèse consacrée à La Coordination en français situe l’auteur dans la voie des recherches linguistiques alors «non seulement en plein essor, mais en pleine croissance». Gérald Antoine a choisi de s’intéresser à la syntaxe, «moins courtisée». Pour la première fois, une étude démontre par la pratique l’impossibilité de traiter d’un phénomène linguistique sans prendre en compte les aspects synchronique et diachronique, ainsi que les dimensions psychologique, rythmique, logique et sémantique de chacune des phrases où apparaît ce type de mots. L’approche se réclame d’une stylistique où le fait de style est considéré comme «l’expression la plus consciente, la plus subtilement révélatrice du fait psychologique». Cette prise de position rencontre la vive opposition de son maître Wagner, mais Gérald Antoine ne renonce pas pour autant à la développer dans des applications pratiques et des essais théoriques.

Dès 1956, son analyse stylistique de La «Bérénice» de Racine fait sienne la définition de Max Jacob pour qui le style est la volonté de s’extérioriser par des moyens choisis. À côté des éditions critiques des Poésies de Nerval en 1947 et de Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme de Sainte-Beuve en 1957, Gérald Antoine poursuit sa réflexion théorique. Celle-ci se concrétise en 1959 par la publication d’un article demeuré classique, La Stylistique française, sa définition, ses buts, ses méthodes, et de nombreuses études consacrées plus particulièrement à ses auteurs de prédilection, comme Stendhal, Baudelaire, Apollinaire, Péguy ou Claudel. Certaines d’entre elles sont rassemblées en 1952 dans Vis-à-vis, ou le double regard critique. Antoine y prend ses distances par rapport à Meschonnic, dans le champ de la poétique, à Riffaterre, dans celui de l’analyse textuelle, à Ruwet enfin, dans le sillage de Jakobson et de Chomsky. Se méfiant de la «nomenclature» en pleine inflation comme de «l’esprit de système», Antoine veut atteindre l’originalité de modes d’expression dont importent les dimensions individuelle et temporelle. Dès lors, pour lui, il ne peut exister de démarche critique ne varietur accordée à n’importe quelle œuvre du répertoire littéraire.

C’est à Claudel que Gérald Antoine devait s’attacher avec le plus d’attention. En 1960, son bref essai intitulé Les «Cinq Grandes Odes» de Claudel ou la poésie de la répétition part d’une constatation indubitable : «La répétition est l’une des clés de son système non seulement esthétique mais aussi métaphysique.» Suivant une philologie exemplaire qui associe langue et littérature, Antoine analyse successivement «les répétitions d’idées, de perceptions, de symboles inséparables des reprises de mots et d’ensembles de mots qui leur répondent». En 1989, Antoine change de perspective et ose braver l’anathème jeté par Claudel sur «l’abject et hideux Sainte-Beuve». Sa biographie Paul Claudel ou l’Enfer du génie, aussi éloignée de l’hagiographie que du pamphlet, cerne non seulement un immense écrivain, mais un «homo duplex» dont les visages contradictoires n’ont pas fini d’intriguer les critiques. Parurent ensuite d’un côté l’édition critique des Portraits littéraires puis celle des Portraits de femmes de Sainte-Beuve en 1993 et 1998, et de l’autre celle des premières versions du Partage de midi, en 1994.

À côté de la recherche et de l’enseignement, Antoine a mené une troisième carrière. À l’initiative de Gaston Berger, il est chargé de la section «Pensée française» à l’Exposition internationale de Bruxelles en 1958. Conseiller technique au cabinet du ministre de l’Éducation nationale, il est appelé en 1962 à créer l’Académie d’Orléans-Tours dont il sera recteur jusqu’en 1974. Durant l’année universitaire qui suit mai 68, il met en chantier la loi d’orientation de l’enseignement supérieur, auprès d’Edgar Faure qui, devenu président de l’Assemblée nationale, le rappellera en 1973. Ses conceptions ont été exprimées en 1968 dans La Réforme de l’Université, publié en collaboration avec Jean-Claude Passeron.

Vice-président du Comité éducation à la commission française pour l’Unesco et maire du village familial d’Allarmont, dans les Vosges, Gérald Antoine tient à exprimer son attachement aux valeurs fondatrices de la République dans le recueil Liberté, égalité, fraternité paru en 1981. Cette recherche sémantique débouche sur une profession de foi : «Il fut entendu que l’originalité de mes recherches consisterait à céder l’initiative aux mots, pour parler comme Mallarmé, sans jamais cependant les dissocier des mouvements de conscience et de sensibilité qu’ils traduisent.»

Gérald Antoine a été fait commandeur de la Légion d’honneur, de l’Ordre national du Mérite et des Palmes académiques, officier des Arts et Lettres et officier de l’Ordre de la Couronne (Belgique). À partir de 1997, il a été membre de l’Académie des Sciences morales et politiques. Il a été élu à l’Académie royale de langue et littérature françaises le 9 octobre 1982. Gérald Antoine est mort à Paris le 26 janvier 2014.

– Georges Kleiber et Manuel Couvreur

Bibliographie

  • Gérard de Nerval, Poésies, texte établi et annoté par Gérald Antoine, Paris, Fernand Hazan, 1947.
  • Vis-à-vis ou le Double regard critique, Paris, Gallimard, 1952 (rééd. Paris, P. U. F., coll. «Écriture», 1982).
  • Sainte-Beuve, Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme, établissement du texte, notes et lexique par Gérald Antoine. Paris, Nouvelles éditions latines, 1957.
  • Les Cinq grandes Odes de Claudel ou la Poésie de la répétition, Paris, Lettres modernes, 1959.
  • «La stylistique française, sa définition, ses buts, ses méthodes», Revue de l'Enseignement Supérieur, 1959, n° 1.
  • La coordination en français, Paris, Éditions d'Artrey, 1959-1962, 2 volumes.
  • Liberté, égalité, fraternité ou les Fluctuations d'une devise, Paris, UNESCO, 1981.
  • Histoire de la langue française des origines à nos jours (1880-1914), Paris, CNRS, 1985.
  • Paul Claudel ou l'Enfer du génie, Paris, Robert Laffont, 1988.
  • Sainte-Beuve, Portraits littéraires, édition établie par Gérald Antoine, Paris, Robert Laffont, 1993.
  • Paul Claudel, Partage de Midi, version de 1906 suivie de deux versions primitives inédites et de lettres, également inédites, à Ysé, édition présentée, établie et annotée par Gérald Antoine, Paris, Gallimard, 1994.
  • Histoire de la langue française des origines à nos jours (1914-1945), Paris, CNRS, 1995.
  • Sainte-Beuve, Portraits de femmes, édition présentée, établie et annotée par Gérald Antoine, Paris, Gallimard, 1998.
  • Histoire de la langue française des origines à nos jours (1945-2000), Paris, CNRS, 2000.

Bibliographie critique

  • Au bonheur des mots. Mélanges en l'honneur de Gérald Antoine, Presses Universitaires de Nancy, 1984.
  • Jean-Claude Chevalier, Combats pour la linguistique, de Martinet à Kristeva : essai de dramaturgie épistémologique, Lyon, Ens Éditions, 2006, p. 83-93.

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