Académie Royale de Langue et de Littérature Françaises de Belgique
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Composition


Giulio Bertoni

Giulio Bertoni / Photo © ARLLFB Membre étranger philologue du 10 décembre 1938 au 28 mai 1942.
Prédécesseur : Ferdinand Brunot
Successeur : Mario Roques
Fauteuil 31

BIOGRAPHIE

Giulio Bertoni naît à Modène le 26 août 1878. Dans sa ville natale, il fait ses études primaires et les premières années du secondaire; il termine celui-ci au Liceo Gioberti de Turin. Si l'ancienne capitale de la Savoie joue un rôle déterminant dans sa carrière, c'est à Modène que sa recherche scientifique prend son essor. Jeune lycéen, il fréquente assidûment la Biblioteca estense, qui avait autrefois nourri l'expérience d'un Ludovico Antonio Muratori, auquel l'illustre médiéviste consacrera d'ailleurs une courte mais dense monographie. Encore étudiant, il publie «Il complemento del canzoniere provenzale di Bernart Amoros» dans l'austère Giornale storico de la letteratura italiana. Son maître Rodolfo Renier apprécie le travail et l'accueille dans l'important périodique, dont il partage la direction. Un autre professeur devait exercer sur le disciple une durable influence : le titulaire de la chaire de littérature italienne, Arturo Graf, qui avait réuni autour de lui des jeunes, venus parfois d'autres facultés; le professeur, poète lui-même, sera le mentor des crépusculaires du groupe turinois. À Bertoni il inspire le désir de mettre en vers ses sentiments : Primavera di rime (1906); le lyrisme de ce recueil montre que le jeune érudit pouvait s'évader de la rigueur philologique. Il inspirera plus tard la réflexion sur les problèmes de la langue : Lingua e pensiero (1932), Lingua e pœsia (1937), Lingua e cultura (1939), dont il est permis de ne pas toujours partager les idées.

En 1901, il conquiert à l'Université de Turin le titre de docteur ès lettres; l'année suivante, il passe à Florence, où il travaille sous la direction de l'illustre Pio Rajna et il entre en contact avec le futur historien de la littérature du XIXe siècle, Guido Mazzoni. Une bourse lui permet d'aller se perfectionner à Paris; dans la capitale française il se met à l'écoute de maîtres tels que Paul Meyer, Albert Jeanroy, Jules Gilliéron, Antoine Thomas. À pareille école, il ne peut qu'affirmer ses dons innés de médiéviste et de linguiste. Il les confirmera ensuite à Berlin, sous l'égide d'Adolf Tobler. Rentré en Italie, il se remet au travail à Turin, nanti de la bourse Passaglia. La valeur des travaux qu'il a publiés lui vaut en 1905 le titre de libero docente (agrégé). Cette consécration lui ouvre les portes de la carrière universitaire. En cette même année, il est appelé à Fribourg, en Suisse; il y enseigne jusqu'en 1921, quand son ancienne université le rappelle. Avec l'aide de l'éditeur Olschki, fixé alors à Genève, il fonde, en 1917, la revue Archivum romanicum, qu'il porte à bout de bras jusqu'au vingt-cinquième volume. Il invite collègues et surtout jeunes chercheurs à collaborer à cette revue, qui se donne pour tâche de se consacrer à l'histoire de la pensée et de la parole des peuples néolatins, surtout pour la période antérieure à la Renaissance. Cette parenthèse suisse sera féconde en publications importantes.

À Turin, il poursuit avec bonheur son activité de chercheur et d'enseignant. Jamais il ne négligera, ne fût-ce que pour peu de temps, un des aspects de ce qu'il considère comme sa mission; il s'impose avec éclat à Rome, lorsque la mort de Cesare de Lolis le fait appeler dans la Ville éternelle, en 1928. Il y est chargé de fonctions absorbantes. Lors de la création de l'Académie d'Italie (1929), il est désigné comme chancelier-gérant; en 1932, il est élu comme membre effectif. L'augmentation du nombre d'étudiants alourdit sa charge d'enseignant, d'autant plus que lors du transfert de sa Faculté du palais Carpegna vers la nouvelle et mussolinienne cité universitaire, il crée l'Institut de philologie romane (inauguré le 3 juin 1936) qui s'articule autour du legs Crescini. Il serait fastidieux d'évoquer les nombreuses publications du romaniste et du médiéviste; la liste ne comporte pas moins de 1379 titres. Il faut cependant citer quelques travaux importants.

Bertoni a été avant tout un éditeur de textes. En 1911, il donne Il canzoniere provenzale di Bernart Amoros qui avait fait l'objet de son premier article de 1899; l'année suivante, il publie une excellente traduction du Cantar del mio Cid. Mais c'est son édition critique du manuscrit V4 (de la Marciana de Venise) de La Chanson de Roland, dans laquelle il s'éloigne des théories de Bédier sur la précellence du texte de la Bodléienne d'Oxford qui l'impose définitivement. Dans le même temps, il publie dans la Storia letteraria d'Italia de Vallardi, l'ouvrage essentiel sur le XIIIe siècle (Il Duecento, 1910, réédité en 1930, complété en 1939).

On l'a vu, il ne s'enferme pas dans cette spécialité; il s'intéresse à la linguistique, s'inspirant, parfois maladroitement, de Benedetto Croce ou de Giovanni Centile. Il ne dédaigne pas les travaux didactiques : Prontuario di pronuncia e d'ortografia (en collaboration avec son élève FA. Ugolini, l'un de ses brillants disciples). Le professeur qui, du haut de sa chaire, séduit des étudiants de plus en plus nombreux, reçoit, avec une douce bonhomie, ceux qui vont le consulter dans son séminaire. Mais il ne se cantonne pas dans le Moyen Âge : la preuve en est L'Orlando furioso e la Rinascenza a Ferrara (1919) qui apporte nombre d'éléments neufs.

Fondateur de l'Archivum romanicum, il saborde son périodique pour lancer la Cultura neolatina. Ces revues sont accompagnées de volumes dont certains manuels qui accueillent, entre autres, les Testi valloni antichi e moderni de notre compatriote Albert Henry. L'Académie d'Italie lui confie la direction de dictionnaires, ceux des professions (un seul verra le jour : Dizionario di marina medievale e moderna (1937) et surtout le Vocabolario delta lingua italiana dont le premier tome (A-B) paraît en 1941. Les critiques que ce volume déclenche ne sont pas propices à sa santé déclinante. Bertoni succombe aux assauts d'une lourde maladie le 28 mai 1942.

Membre, entre autres compagnies, de la prestigieuse Accademia dei Lincei, de l'Accademia delta Crusca, de nombreuses académies locales, Bertoni avait été élu au siège de Ferdinand Brunot à l'Académie royale de langue et de littérature françaises, le 10 décembre 1938. Les événements ne lui permirent pas de prendre séance.

– Robert Van Nuffel



BIBLIOGRAPHIE

Il duecento, Milano, Vallardi, Storia letteraria d'Italia, 1910.

Lingua e pensiero. Studie saggi linguistici, Firenze, Leo S. Olschki, 1932.

Cinque «letture» dantesche, Modena, Societa Tipografica Modenese, 1933.

La Chanson de Roland, Introduzione, testo, versione, note, glossario da Giulio Bertoni, Firenze, Olschki, 1935

Storia letteraria d'Italia : il Duecento, Milano, Vallardi, 1939.

Note di erudizione storica e letteraria, Modena, Società Tipografica Modenese, 1942.



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