Académie Royale de Langue et de Littérature Françaises de Belgique
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Émile Boisacq

Émile Boisacq / Photo © Ph. de Lonthie Membre belge philologue du 10 décembre 1929 au 2 juin 1945.
Prédécesseur : Auguste Doutrepont
Successeur : Robert Guiette
Fauteuil 2


BIOGRAPHIE

Après de brillantes études secondaires à Namur, où il a vu le jour le 26 novembre 1865, Émile Boisacq s'inscrit à l'Université libre de Bruxelles, en section de philologie classique. Sa vocation de comparatiste, domaine où il va s'illustrer, date de son initiation aux langues anciennes. Il remarque que nombre de mots wallons présentent un aspect plus archaïque, plus proche du latin que les mots français correspondants. Quelques ouvrages empruntés à la bibliothèque publique, notamment Français et Wallons, parallèle linguistique et La lexicologie indo-européenne d'Honoré Joseph Chavée répondent à ses interrogations et le marquent durablement.

Boisacq sort de l'Université de Bruxelles avec le titre de docteur en philosophie et lettres avec la plus grande distinction en 1899. Deux ans plus tard, pour l'obtention du grade de docteur spécial (on a dit ensuite agrégé de l'enseignement supérieur), il défend une thèse sur la phonétique et la morphologie des parlers doriens. L'ouvrage étonne les spécialistes tant par sa richesse que par sa rigueur. Une bourse d'études lui permet de passer deux semestres à Paris et deux semestres à Heidelberg, où il suit les cours de grammaire comparée d'Herman Osthoff. À la Sorbonne, il assiste aux leçons de Victor Henry et de l'indianiste Sylvain Lévy. À l'École des hautes études, il est l'auditeur du celtologue Louis Duvau et du linguiste Antoine Meillet. À l'École des langues orientales, il suit des cours de slavistique et d'arménien... Un monde nouveau s'ouvre à l'étudiant avide de s'instruire. En Belgique, en effet, la grammaire comparée est alors une discipline à peu près inconnue. Elle laisse les défenseurs de la philologie traditionnelle partagés entre la suspicion et le mépris. En quoi le vieux haut-allemand ou le slavon pourraient-ils aider à mieux comprendre leurs chers auteurs grecs et latins?

À son retour, Boisacq doit songer à assurer sa matérielle dans un contexte aussi peu encouragent que possible. Le pays vit depuis 1884 sous la férule d'un gouvernement catholique homogène. Un diplôme décerné par l'Université de Bruxelles, qui se réclame de la libre pensée, est un titre d'exclusion. Boisacq finit par trouver quelque chose à Virton, dans un vieux collège communal. Les circonstances qui l'envoient en Gaume y ont aussi conduit Fernand Severin. Leurs tempéraments tout à fait dissemblables se sont pourtant accordés. Durant ses loisirs, Severin cultive la poésie lyrique; Boisacq, loin de toute bibliothèque, travaille à ses études, et tout particulièrement à son Dictionnaire étymologique de la langue grecque, mis en chantier en 1892.

En 1895, enfin, l'Université de Bruxelles peut lui confier un poste : seulement une chaire de latin et un cours d'encyclopédie de la philologie classique. Cet intitulé vague lui permet d'introduire l'archéologie dans la formation des jeunes philologues. Nommé professeur extraordinaire en 1897, il est élevé à l'ordinariat en 1902. À partir de 1912, il enseigne aussi la grammaire comparée et le sanscrit. Jusqu'à l'âge de la retraite, il donne également des cours de linguistique générale, de lithuanien et de letton à l'Institut des hautes études de Belgique.

Les charges professionnelles n'ont pas empêché Boisacq de mener à bien l'œuvre de sa vie : son Dictionnaire étymologique de la langue grecque. Prêt dès 1903, l'ouvrage n'a commencé à paraître que quatre ans plus tard. Les imprimeurs pressentis ont tous déclaré forfait devant la complexité du texte. C'est à Berlin, finalement, que l'impression a eu lieu. Il a fallu neuf ans pour tirer, fascicule par fascicule, les 1150 pages du volume.

Servi par une érudition et un sens critique exceptionnels, le comparatiste est intervenu d'une manière décisive dans son domaine. Le prix Gantrelle, en Belgique, et le prix Volney, la plus haute distinction que l'Institut de France puisse décerner à un philologue, ont couronné son entreprise. Aujourd'hui le Boisacq - comme on dit communément - a pris un certain âge, mais les spécialistes le consulteront encore longtemps.

Tenté par la création littéraire, Boisacq a collaboré au Coq rouge, à La Jeune Belgique… Par la suite, la recherche l'a absorbé, mais sans étouffer son intérêt pour la littérature. On lui doit de belles traductions d'Hérondas, de Bacchylide, de Plaute et de Térence. Ses contributions aux périodiques témoignent de l'étendue de ses curiosités. Ses articles portent sur l'art et l'archéologie, la papyrologie, la dialectologie, la toponymie et l'onomastique. Sortant volontiers du monde antique, Boisacq a consacré des études à l'origine de mots français (lapin, goujon, pantoufle, galimatias) ou wallons (escavèche), de noms de personnes (Astrid) ou de lieux (Oslo, Waterloo). Il a aussi donné une brève préface à la deuxième édition du Dictionnaire wallon-français (dialecte de Namur) de Pirsoul.

L'Académie l'élit le 10 décembre 1929. Elle répare ainsi l'oubli de l'Académie royale de Belgique. Boisacq meurt à Ixelles le 2 juin 1945.

Dans le monde savant, Boisacq jouissait d'une réputation considérable. En 1935, quand il prit congé de son université, plus de cent érudits, venus de partout, ont apporté chacun une étude au gardien du trésor de la langue grecque, et il a fallu plus de mille pages pour contenir l'ensemble de ces hommages. Le philologue se doublait d'un homme engagé dans les problèmes de l'actualité. Il était partisan du mouvement wallon, anticlérical décidé et socialisant... Il ne faisait aucun mystère de ses opinions et il les exprimait sans détours dans sa conversation comme dans ses comptes rendus. «Si, dans la vie quotidienne, la vérité, croit-on, n'est pas toujours bonne à dire, j'estime qu'il faut toujours la dire quand on exerce le métier de critique : sceptre, d'ailleurs, veut dire bâton; ici, toute faiblesse est coupable, comme le serait toute faiblesse de l'examinateur. Il y a des intérêts supérieurs à ceux d'un auteur aventureux et ignare ou d'un récipiendaire présomptueux.»

– Jacques Detemmerman



BIBLIOGRAPHIE

L'élégie en Grèce et à Rome, Bruxelles, Édition de L'Idée libre, 1902.

Comment vivait la femme dans l'antiquité grecque, Bruxelles, P. Weissenbruch, 1905

Dictionnaire étymologique de la langue grecque, étudiée dans ses rapports avec les autres langues indo-européennes, Heidelberg, Carl Winter, 1907

L'archéologie grecque et romaine en Belgique, 1830-1930, Renaix, Imprimerie Leherte, 1933.



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