Académie Royale de Langue et de Littérature Françaises de Belgique
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Edouard Montpetit

Edouard Montpetit / Photo © ARLLFB Membre étranger littéraire du 14 juillet 1923 au 27 mars 1954.
Successeur : Marthe Bibesco
Fauteuil 37
BIOGRAPHIE

Premier membre canadien de l'Académie, Édouard Montpetit est né à Montmagny le 26 septembre 1881. Son père était avocat et homme de lettres. Admis au Collège de Montréal en 1892, il y termine sa rhétorique en 1899. Il passe ensuite au Séminaire de philosophie où il obtient son baccalauréat ès arts. Le chemin du jeune homme paraît alors tout tracé : à l'instar de son père, il plaidera. Ses études de droit, menées à l'Université Laval, sont terminées en 1904. La même année, Montpetit est admis au barreau. Le jeune avocat pratique aussi le journalisme et il lui arrive de monter sur les planches en amateur. Ces activités sont moins frivoles qu'il n'y paraît : elles ont pu contribuer à développer chez Montpetit une aptitude à exécuter un travail avec célérité et une certaine aisance à se produire en public.

Vers vingt-cinq ans, Montpetit découvre sa vraie vocation : l'économie politique, domaine auquel il s'initie par ses propres moyens. L'université canadienne d'alors, qui se sclérosait en perpétuant inlassablement le passé, prépare à la prêtrise, à la médecine et au droit. Au-delà, il n'y a à peu près rien. Sur l'économie politique et la sociologie, un tout petit nombre seulement d'esprits curieux ont quelques lumières.

Montpetit, s'éprenant d'une science humaine inconnue autour de lui, entrevoit les possibilités que doit ouvrir à son pays, le Canada français, une étude rationnelle de ses ressources et de leur mise en valeur. Désireux d'approfondir la matière qu'il a obtenu d'enseigner, il séjourne à Paris durant deux ans. Il y suit des cours à l'École libre des sciences politiques et au Collège des sciences sociales. Il passe une troisième année en France comme délégué commercial du Canada.

Revenu au pays, il se voit confier un cours d'économie politique à l'École des hautes études commerciales et à la Faculté de droit de l'Université Laval. De 1913 à 1920, il est titulaire d'une chaire de législation financière, commerciale et industrielle. À partir de 1915, il enseigne aussi le droit romain.

En 1920, devenu secrétaire général de l'Université de Montréal, il y accomplit ce qui est depuis longtemps son grand dessein : la création de l'École des sciences sociales, économiques et politiques. Jusqu'en 1950, Montpetit occupe de multiples postes au sein de l'université : doyen de la Faculté des sciences sociales, membre de la Commission administrative, membre de la Commission des études… Une vie d'honneurs peut-être, une vie de labeur assurément.

L'œuvre scientifique de Montpetit est doublée d'une œuvre d'orateur et d'essayiste. Très tôt, il se trouve engagé dans la lutte pour la sauvegarde de la personnalité française de sa terre natale. Pour lui, la restauration de la langue française au Québec est un des éléments de l'action de salut public.

Son premier ouvrage, Les survivances françaises au Canada (1914), réunit deux conférences données à Paris l'année précédente. Il y brosse un tableau des Canadiens français, volontaires et courageux dans une lutte qui a conduit à l'avènement de la confédération. Montpetit considère le Québec comme une province de la France, la plus éloignée, la moins connue, la plus oubliée, mais une province de France quand même. Un esprit similaire anime un essai de 1920 : Au service de la tradition française. Nous venons de France, nous avons choisi de demeurer français, répète-t-il. Il préconise l'imitation des modèles littéraires de la mère patrie. La langue s'en trouverait améliorée et les lettres s'évaderaient d'un provincialisme blâmable. Mais, alors, comment définir l'identité canadienne française? Montpetit ne semble même pas concevoir le problème.

Le Front contre la vitre (1936) est plus varié : souvenirs de voyage en Europe, considérations sur la pédagogie et sur l'enseignement qui devrait être axé sur le vécu plutôt que sur le livresque et offrir plus de place aux sciences, éloge du travail d'évangélisation dans le Grand Nord et dans la vallée du Saint-Laurent… Pour être un défenseur inébranlable du français, Montpetit n'en souhaite pas moins voir ses compatriotes entretenir un commerce intellectuel actif avec les Canadiens anglophones.

Édouard Montpetit a été élu à l'Académie le 14 juillet 1923. Henry Carton de Wiart, prononçant le discours de bienvenue, a pu lui rappeler qu'il l'avait rencontré à Montréal, le 24 septembre 1914, alors qu'il parcourait le continent américain avec Émile Vandervelde et Paul Hymans pour y faire valoir la cause de la Belgique envahie : «Dès la frontière canadienne, l'accueil fait aux délégués belges dépassa tout ce que nous avions pu prévoir. Étaient-ils des vaincus accablés par l'angoisse, des pèlerins du droit que toute une foule ardente acclamait et traînait comme en triomphe par les rues de Montréal, pavoisées de rouge, de jaune et de noir? Au Monument National, où nous fûmes conduits, des voix gouvernementales nous rendirent l'écho qu'avaient éveillé, en ce Dominion que nous avions cru si lointain, la loyauté de la Belgique et sa résistance à l'agression. Puis nous vîmes paraître à la tribune un homme encore jeune (…). En un admirable discours, dont l'émotion exaltait à chaque phrase l'enthousiasme de l'auditoire, cet orateur, —c'était vous, Monsieur, — rappela quel avait été l'apport incessant de la Belgique au patrimoine de la civilisation universelle. Il évoqua la gloire de nos vieilles villes. Il célébra nos initiatives dans le domaine de l'industrie, de l'art et de la pensée. Puis, face au présent, il salua, — de quel fervent hommage —, ce peuple tout à coup trahi, opposant son honneur à l'ultimatum du 2 août et les poitrines de ses enfants à l'agression d'une armée formidable. Cette Belgique, il l'appelait le pays du droit vengé, des libertés conquises, de la parole gardée. Nous ferons tout, continuait-il, pour que votre peine immense soit un peu apaisée par nous.»

Édouard Montpetit est mort à Outremont, au Canada, le 27 mars 1954.

– Jacques Detemmerman



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