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Fernand Verhesen

Fernand Verhesen / Photo © Nicole Hellyn Membre belge littéraire du 31 mars 1973 au 20 avril 2009
Prédécesseur : Paul-Henri Spaak
Successeur : Éric Brogniet
Fauteuil 21

Biographie

Fernand Verhesen est né à Bruxelles le 3 mai 1913. Après des études secondaires à l’Athénée de Saint-Gilles, il entre en philologie romane à l’Université libre de Bruxelles et obtient, sous la direction d’Émilie Noulet, son agrégation de l’enseignement. Entre 1934 et 1935, il travaille à Madrid où il découvre dix des Autos sacramentales de Calderón, puis décroche un diplôme en phonétique historique du français à l’Université de Besançon. En 1937, il poursuit des études à l’Institut de phonétique de la Sorbonne et enseigne, dès 1938, à l’Athénée Adolphe Max. Un temps lecteur à l’Institut d’études hispaniques de l’ULB, il démissionnera de l’université en 1948.

Co-directeur du Journal des poètes (1939), il crée les éditions Le Cormier (1949), actives aujourd’hui encore. Verhesen y fait paraître des auteurs comme Maurice Blanchard, Pierre della Faille, Claire Lejeune, Philippe Jones, Michel Lambiotte et d’autres. On lui doit aussi le Courrier du centre international d’études poétiques (1954). Cette revue a publié nombre de travaux remarquables, et ce, jusqu’au début des années 2000. Il n’est peut-être pas inutile de rappeler ce dont elle se revendiquait, tant sa ligne de conduite était à l’image de Verhesen lui-même. Voici : «Le Courrier présente des études critiques dont le choix répond au critère de haute exigence appliqué à l’analyse de l’activité poétique et maintient un lien d’amitié entre ceux qui estiment que la poésie a sa place dans l’ordre général des connaissances et des activités humaines.»

Fernand Verhesen a ainsi été un passeur hors normes. Traducteur de dizaines d’auteurs de langue espagnole, il est impossible d’en dresser une liste exhaustive mais citons Paz, Carrera Andrade, Huidobro, Vallejo, Pizarnik, Porchia (Voix abandonnées, Unes, 1990) ou Estrada. Mais s’il fallait en nommer un seul, ce serait, à coup sûr, Roberto Juarroz dont il a été le premier traducteur en langue française et dont il a publié les cinq premières Verticales au Cormier ainsi que d’autres, chez Lettres vives, La Différence ou Le Taillis Pré.

Il est également l’auteur de plusieurs anthologies : Anthologie de la poésie ibéro-américaine (1956), Poètes d’Espagne et d’Amérique latine (1960), Poésie vivante en Argentine (1962), De l’incidence des pierres (1966), etc.
Mais qu’on ne s’y trompe pas : Verhesen, s’il est un remarquable traducteur de l’espagnol, est d’abord poète et il mène, parallèlement, une intense réflexion sur la poésie elle-même. Son premier recueil qu’il signe Verhesen-Gaudy, Fontaine aux mensonges, paraît, en 1939, aux éditions Îles de Lérins, bientôt suivi par Passage de la terre (1940), Le Temps caché (1941) ou Les Échos et les ombres (1943). Peu après la guerre paraîtront Voir la nuit et Le Jour naturel. S’en suivra une vingtaine d’années de silence puis, en 1970, la publication de Franchir la nuit (Le Cormier, 1970).

De cet ouvrage, Éric Brogniet a dit, lors de sa réception à l’Académie, qu’il s’agit d’«un livre-narthex, où le poète, comme initié aux mystères, affrontant ses brisures, rend compte d’un processus de mort symbolique et de renaissance». De son côté, André Miguel parle d’une œuvre «où s’élève un accord polyphonique qui relie étroitement l’expérience du regard, des sensations et l’anima, selon un terme cher à Jung». Ce recueil, une centaine de pages, est en réalité un ensemble de poèmes en prose, genre que Verhesen pratiquera beaucoup. Il est aussi le livre par lequel il entre dans une ère nouvelle et une pensée revisitée.

Il publie ensuite Les Clartés mitoyennes (1978), L’Archée (1981), Secrète assonance (1990), L’Instant sans appel (1996), L’Instant de présence (2007), À juste prise (2007) et enfin Nulle part, ici (2001).

Ce qui frappe le lecteur, c’est l’attention constante de Verhesen au réel qu’il creuse jusqu’à espérer entrevoir ce «troisième espace» dont parlait René Char et que l’on pourrait appeler l’espace de l’impossible ou de l’indicible. «La lumière élabore à ciel ouvert l’insaisissable réel où la vie s’accomplit» écrira-t-il dans Nulle part, ici. Dans un texte critique, Le Déclin des absolus, Verhesen affirme d’ailleurs, à propos de l’acte du poème, qu’il «consiste toujours à mieux percevoir, comme disait Joë Bousquet, la lumière du réel».

Si L’Archée prend de la distance avec les formes conventionnelles, à partir de Secrète assonance mais tout particulièrement avec L’Instant sans appel et Nulle part, ici, le poète use de compositions typographiques telles que l’espace ainsi créé et le vide participent au sens qu’il voudrait nous suggérer. Certes, il reste un fervent pratiquant du poème en prose ou, à tout le moins, d’une structure en apparence rigide — chacune de ses publications compte des poèmes ainsi organisés — mais une composition quasi spatiale investit les pages. Le poème a décidément vocation à s’ouvrir et, selon lui, il se révèle par nature toujours inachevé et ne répond jamais à «aucune finalité prédéterminée». Si Verhesen a probablement été rangé, à tort, parmi les poètes minimalistes, il faut le situer dans la constellation d’un André du Bouchet ou d’un Michel Lambiotte.

À côté de ce travail de création, il a constamment été un penseur qui a publié de nombreux articles critiques, des préfaces et quelques essais dont À la lisière des mots (La Lettre volée, 2003), mais surtout ces Propositions (Le Courrier, 1994). Un ensemble couvrant des études sur science, mathématique et poésie, sur César Vallejo, Octavio Paz, Roberto Juarroz, René Char, etc. Dans La Clarté en partage, il dit du poème qu’il est rebelle à toute affabulation, à toute narration, à toute redite, à toute confusion. Il offre, comme l’affirmait Schelling à propos du savoir, «un point où la pensée et l’être coïncident». Tel était Fernand Verhesen.

Il a été élu à l’Académie le 31 mars 1973. Il est décédé le 20 avril 2009.

– Yves Namur


Bibliographie

  • Fontaine aux mensonges, poèmes, Nice, Éditions Îles de Lérins, 1939.
  • Passage de la terre, poèmes, Bruxelles, chez l'auteur, 1940.
  • Le Temps caché, poèmes, Anvers, Éditions du Carrousel, H.c., 1940.
  • Le jour naturel, frontispice de René Mels, poèmes, Bruxelles, Éditions Cahiers du Journal des Poètes, 1947.
  • Voir la nuit, frontispice de René Mels, poèmes, Bruxelles, Éditions Cahiers du Journal des Poètes, 1947.
  • Voies et voix de la poésie française contemporaine, essai, Bruxelles, Éditions des Artistes, Bruxelles, 1960.
  • Poésie française de Belgique, anthologie, trad. A. Mouratov, Sofia, Éditions Narodan Kultura, 1960.
  • Un quart de siècle de poésie française de Belgique, par Fernand Verhesen et P. Bourgeois, anthologie, trad. en anglais par S. Verdin, Bruxelles, Éditions Manteau, 1970.
  • La poésie française de Belgique, par A. Miguel et Fernand Verhesen, anthologie, Paris, Éditions Saint-Germain-des-Prés, 1971-72. 4 vol.
  • Les Clartés mitoyennes, poèmes, Bruxelles, Éditions Le Cormier, 1978.
  • L'Archée, poèmes, Bruxelles, Éditions Le Cormier, 1981.
  • Secrète assonance, poèmes, Châtelineau, Éditions Le Taillis Pré, 1990.
  • Lieu d'être, poèmes, Amay, Éditions L'Arbre à paroles, 1991.
  • Propositions, essai, préface de F. De Haes, Ph. Jones, P.-Y. Soucy, Bruxelles, Éditions Le Courrier du C.I.E.P., 1994.
  • L'Instant sans appel, poèmes, Bruxelles, Éditions Le Cormier, 1996.
  • Nulle part, ici, poèmes, Bruxelles, Éditions Le Cormier, 2001.
  • À la lisière des mots, essai, Bruxelles, Éditions La Lettre volée, 2003.

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