Biographie
Sidonie Gabrielle Colette est née le 28 janvier 1873 à Saint-Sauveur-en-Puisaye, dans l'Yonne. Elle y vit une enfance paisible et heureuse avec ses parents, sa sur et ses frères. Sa mère, Sido, qui a passé son adolescence en Belgique, sera, dans l'esprit du futur écrivain, indissociable de sa Bourgogne natale, avec sa faune et sa végétation luxuriante. Colette y apprend l'amour du terroir et, mieux que personne, elle transmettra la saveur et la quiétude de ce pays d'agriculteurs et d'artisans dans plusieurs ouvrages.
À l'âge de seize ans, elle fait la connaissance d'Henri Gauthier-Villars, journaliste célibataire trentenaire, qu'elle épouse en 1893. Dès son mariage, le couple Willy-Colette s'installe à Paris. La jeune femme y côtoie le Tout-Paris culturel, de Debussy à Proust, d'Anna de Noailles à Anatole France. Mais son bonheur conjugal dure peu; son époux est volage et elle en souffre. Willy s'est cependant rendu compte des dispositions innées de sa femme et l'incite à écrire ses souvenirs d'écolière, qu'il retouche à sa manière. La première uvre de Sidonie Gabrielle est une histoire enjolivée, quelque peu romancée, qui se déroule dans son village natal. C'est Claudine à l'école, en 1900, publié sous la seule signature de Willy, ce qui assurera, aux dires de ce dernier, le succès en librairie. C'est bien le cas, au-delà de toute espérance. Suivent : Claudine à Paris, en 1901, Claudine en ménage, l'année suivante et Claudine s'en va, en 1903. L'héroïne de ces romans jouit d'une célébrité inouïe. Dans le milieu littéraire, personne n'est dupe. La fin de la série coïncide avec la rupture du couple, et la véritable naissance de l'écrivain Colette. Même si le nom de Willy apparaît encore à côté du sien à deux ou trois reprises, les Quatre dialogues de bêtes, en 1904, lui assurent une reconnaissance définitive.
La séparation du couple a lieu en 1905, le divorce est prononcé en 1910. Dans l'intervalle, pour gagner sa vie, Colette devient mime et fait scandale par ses audaces et sa manière de vivre. Sa liaison avec Missy, la marquise de Belbeuf, qui durera six ans, crée le mythe de la liberté totale, désormais attaché à son nom. En trois ans, de 1908 à 1910, elle fait paraître La Retraite sentimentale, Les Vrilles de la vigne, L'Ingénue libertine, et entame la publication en feuilleton de La Vagabonde. Dans ces ouvrages, elle prend une distance avec sa première manière, agrémentée par son mari d'équivoques expériences sensuelles; désormais, elle traitera celles-ci dans un autre registre, empreint de finesse et de sensibilité.
Sa vie affective se complique : Missy accepte mal que Colette tombe amoureuse d'Henry de Jouvenel et l'épouse en décembre 1911, déjà enceinte de sa fille Colette, qu'elle appellera Bel-Gazou. Trois mois auparavant, Sido, sa mère, est morte sans qu'elle soit présente. Son chagrin est immense.
Avec son mari, Colette mène une vie mondaine, au point de peu écrire pendant quelques années, en dehors d'articles qui paraissent en revues. Pendant la première guerre mondiale, elle partage son temps entre des gardes de nuit dans un hôpital militaire, des activités journalistiques et l'élaboration de textes qui aboutissent en 1916 à la parution de La Paix chez les bêtes, et de Mitsou en 1919.
Mais c'est l'année suivante, au moment même où son second mariage bat de l'aile, que Colette publie l'un de ses chefs-d'uvre : Chéri, qui sera adapté à la scène. Elle n'a pas renoncé à une littérature un peu provocatrice, aux accents audacieux. Dans ce roman, elle se met elle-même en scène, avec ses sensations, d'une rare acuité. Colette est une observatrice de premier ordre, et comme l'idée de transcendance ne la concerne pas, elle étudie avec la même rigueur la nature animale, homme ou bête, et c'est souvent au profit de cette dernière que penche la balance. Son attachement particulier pour les chats sera un fréquent sujet d'inspiration. Après le prononcé de son divorce, en 1925, elle se met en ménage avec Maurice Goudeket, son cadet de seize ans, qui sera son dernier compagnon et relatera plus tard la fin de sa vie avec une grande objectivité.
Avec son nouveau mari, Colette voyage beaucoup et travaille tout autant. Les livres se succèdent : Le Blé en herbe, en 1923, La Fin de Chéri, en 1926, La Naissance du jour en 1928, La Seconde, l'année suivante, la réédition de La Maison de Claudine en 1930, et puis Sido et Douze dialogues de bêtes. En 1931, elle se fracture le péroné. Une arthrite envahissante l'immobilisera presque complètement durant ses dernières années.
Devenue un auteur consacré, Colette donne de nombreuses conférences et, sur le papier bleu qu'elle a adopté, elle écrit sans cesse : romans, nouvelles, contes, récits, critiques, dialogues de films, adaptations théâtrales. Elle collabore à de nombreux journaux ou revues. Elle publie des ouvrages que la presse et le public accueillent bien : La Chatte (1933), Duo (1934), Mes apprentissages, dans lequel, en 1936, elle règle ses comptes posthumes Willy est mort quatre ans auparavant avec son premier mari. Élue à l'Académie royale de langue et de littérature françaises le 9 mars 1935, elle y prononce un discours mémorable le 4 avril 1936.
La seconde guerre mondiale est une période d'angoisse pour Colette. Son mari, d'origine juive par son père, est arrêté en décembre 1941 et envoyé dans un camp. Elle parvient à le faire libérer, aidée par de nombreux amis. Mais la menace persiste, et le couple se déplace sans cesse, ce qui accentue les maux physiques de Colette. En 1947, elle est immobilisée et subit divers traitements. C'est cette année-là qu'elle entame la révision de ses livres en vue de la parution de ses uvres complètes, qui seront éditées en sept ans.
Élue à l'Académie Goncourt en 1945, elle accumule les honneurs, et sa production ne se ralentit pas. Entre 1944 et 1949, Gigi, Belles Saisons, Pour un herbier et Le Fanal bleu, pour ne citer que quelques titres, paraissent à intervalles réguliers. Elle meurt paisiblement à Paris le 3 août 1954.
– Jean Lacroix Bibliographie critique
- Michèle Sarde, Colette, libre et entravée, Paris, Seuil, 1978.
- Europe, novembre-décembre 1981.
- Michel Gauthier, La Poïétique de Colette, Paris, Klincksieck, 1989.
- Marie-Christine Bellosta, «Colette», L'Hymne à l'univers, Paris, Belin, 1990.
- Marie-Christine et Didier Clément, Colette gourmande, Albin Michel, 1990.
- Herbert Lottman, Colette, Paris, Fayard, 1990.
- Marie-Françoise Berthu-Courtivron, Espace, demeure, écriture. La Maison natale dans l'uvre de Colette, Paris, Nizet, 1992.
- Lynne Huffer, Another Colette : The Question of Gendered Writing, Ann Arbor, University of Michigan Press, 1992.
- Mère et fille : l'enjeu du pouvoir. Essai sur les écrits autobiographiques de Colette, Genève, Droz, 1993.
- Carmen Boustani, L'Écriture-corps chez Colette, Villenave d'Ornon, Fus-Art, 1993.
- Jacques Dupont, Colette ou l'univers concentré, Paris, Hachette Supérieur, 1995.
- Régine Detambel, Colette, comme une Flore, comme un Zoo, un répertoire des images du corps, Paris, Stock, 1997.
- Nicole Ferrier-Caverivière, Colette l'authentique, Paris, PUF, 1997.
- Claude Francis et Fernande Gontier, Colette, Paris, Perrin, 1997.
- Francine Dugast-Portes, Colette, les pouvoirs de l'écriture, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 1999.
- Michel Del Castillo, Colette, une certaine France, Paris, Stock, 1999.
- Claude Pichois et Alain Brunet, Colette, biographie critique, Paris, de Fallois, 1999.
- Julia Kristeva, Le Génie féminin 3, Colette, Paris, Fayard, 2002.
- Jeanne Augier, Colette et la Belgique, Bruxelles, Éditions Racine / Éditions de l'ARLLFB, 2004.
- Sylvain Bonmariage, Willy, Colette et moi, Paris, Anagramme éditions (réédition, avec une préface de Jean-Pierre Thiollet, 2004).
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