Académie Royale de Langue et de Littérature Françaises de Belgique
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Iwan Gilkin

Iwan Gilkin / Photo © Duquesne Membre belge littéraire du 19 août 1920 au 28 septembre 1924.
Successeur : Louis Dumont-Wilden
Fauteuil 5

Biographie

Né à Bruxelles le 7 janvier 1858, Iwan Gilkin, originaire d'un milieu catholique aisé et cultivé, fait à Louvain des études de droit qui contrecarrent ses aspirations profondes à la poésie. Il s'y lie d'amitié avec Verhaeren, Giraud, Van Arenbergh et Max Waller, participant aux réunions de la Société littéraire présidée par Léon de Monge. Il fait partie des membres fondateurs de La Jeune Belgique. Ses premiers vers, d'une sentimentalité toute superficielle, selon ses dires, paraissent dans des revues estudiantines. Quelques poèmes en prose, Les Primeroses (1887), seront publiés dans La Jeune Belgique. De retour à Bruxelles, après de brillantes études, il s'inscrit au barreau et, comme Verhaeren et Van Arenbergh, devient stagiaire chez Edmond Picard. Il entre aussi dans le journalisme, collaborant au Journal de Bruxelles, auquel il fournit des articles de critique littéraire et musicale, ne négligeant pas pour autant le domaine politique. Parallèlement, il continue à se consacrer à la carrière des lettres, restant fidèle à La Jeune Belgique durant ses seize années d'existence (il en assumera la direction en 1893, puis de 1895 à 1897) et réunissant, pour Le Parnasse de la Jeune Belgique, un choix de poèmes de ses confrères.

Publiée en 1897, La Nuit reprend le contenu de trois recueils parus précédemment, La Damnation de l'artiste (1890), Ténèbres (1892) et Stances dorées (1893). L'auteur l'avoue en tremblant : il tente d'accomplir sur un plan lyrique le sublime pèlerinage de l'Enfer, du Purgatoire et du Paradis. Seule la première partie du programme sera accomplie : véritable voyage intérieur, La Nuit invite à se plonger dans les profondeurs tourmentées d'une âme satanique, dans l'espoir avoué de contaminer à son tour celle du lecteur, à la manière d'un poison corrupteur. Influencé par Baudelaire, même s'il se démarque en bien des points des Fleurs du mal, le recueil doit aussi beaucoup aux Chants de Maldoror de Lautréamont, découvert en 1885 par les Jeunes Belgique. Dominés par l'ambiguïté permanente – sexuelle et philosophique –, les poèmes de Gilkin bouleversent, dans une langue brillante et froide, le cadre des convenances morales et, prêchant la bonté dans le mal, réalisent la confusion totale des valeurs. Animés d'une volonté de destruction, qui débouche parfois sur des images grand-guignolesques dignes d'une leçon d'anatomie à l'effet volontairement écoeurant, ces textes sacrifient par ailleurs aux clichés de la fin du siècle lorsqu'ils chantent la débilité de l'âme et du corps, minés par la neurasthénie. On y retrouve aussi à l'ouvre une volonté de dévoilement, qui démasque sous les hypocrisies de la civilisation les turpitudes de la nature humaine, fatalement ignoble, et l'absence de Dieu. L'amour, un poison qui ronge les chairs, est décrit, à l'instar de la nature, comme un piège gigantesque.

L'inspiration morbide du livre a soulevé les indignations : désir de se ranger ou revirement stratégique, la suite de l'™uvre de Gilkin, partagée entre la poésie et le théâtre, offre l'aspect assagi et lisse d'un lac après la tempête. Prométhée (1897), poème dramatique dans lequel les critiques ont vu le dénouement heureux de la crise traversée par l'auteur de La Nuit, marque officiellement l'abandon par Gilkin du mètre parnassien et son adhésion à un vers-librisme prudent : pour libérer les hommes des dieux, sources de tous leurs malheurs, Prométhée vole le feu libérateur. Châtié, sa révolte le conduit, au terme d'une conversion, au principe panthéiste de l'unicité, de la création, à chanter les louanges de Zeus, son bourreau. Expression d'un retour à la foi ou allégorie du destin de l'artiste condamné à la poursuite de la perfection, Prométhée ne brille ni par l'audace du fond, ni par celle de la forme, plus proche de celle des classiques français que de celle des symbolistes.

De même, Le Cerisier fleuri (1899), recueil de poèmes bien convenus, tourne-t-il résolument le dos aux audaces poétiques de La Nuit : publiées entre 1894 et 1897 dans La Jeune Belgique, ces petites pièces lyriques, souvent de circonstance, rebattent les vieux thèmes épicuriens dans des vers à la musicalité charmante, mais qui ne provoquent plus guère l'étonnement.

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Après Jonas (1900), un conte philosophique en prose, Gilkin se consacre exclusivement au théâtre. Couronné par le Prix triennal de littérature, Savonarole (1906) reste dans la tonalité des tragédies de l'Antiquité, qui lui permettent, en montrant les hommes aux prises avec les événements de l'histoire, de philosopher sur les enjeux de la lutte du bien et du mal et de la place du politique dans ce débat. Située à Florence, l'action de Savonarole met en scène la tentative du moine fanatique pour instaurer une république théocratique combattue par Pierre de Médicis. Assiégé dans un couvent, le tyran, écrasé par son destin, est finalement condamné à mort.

Renouant avec des préoccupations plus contemporaines, Gilkin donne encore Étudiants russes (1906), inspiré directement par la révolte des étudiants à Saint-Pétersbourg en 1902, où il oppose à une conception athéiste et révolutionnaire du devenir de la Russie un christianisme gardien de l'ordre social et moral. La thématique de l'affrontement de la pensée chrétienne et d'un dangereux rationalisme apparaît encore dans Le Sphinx (1907). En 1921, Les Pieds d'argile, animé par la figure centrale de Nicolas II, constitue une forme de conclusion aux Étudiants russes.

Publié en 1919, Le Roi Cophétua, fantaisie poétique théâtrale qui puise son sujet dans un tableau de Burne-Jones, témoigne de la sensibilité de l'auteur aux conceptions idéalistes des préraphaélites. Mais, avec Egmont (1926), largement emprunté à Goethe, il renoue avec le drame historique et la thématique de l'homme confronté à son destin.

À quarante ans, Gilkin épouse la soeur de Maurice de Waleffe, dont il aura une fille. Depuis 1907, sacrifiant aux nécessités de la double carrière, il assure les fonctions de bibliothécaire au ministère des Sciences et des Arts. Il fait partie de l'Académie dès sa fondation en 1920 et meurt à Bruxelles, le 28 septembre 1924.

– Marianne Michaux



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