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Composition


Xavier Hanotte

Membre belge littéraire
Élu le 11 octobre 2014
Prédécesseur : Georges-Henri Dumont
Fauteuil 3

Biographie

Xavier Hanotte est né à Mont-sur-Marchiennes en 1960. De formation germaniste il entre dans la carrière littéraire par la traduction. Parmi les auteurs néerlandais qu’il traduit, l’écrivain anversois Hubert Lampo (La Venue de Joachim Stiller, Retour en Atlantide) va se révéler être pour lui un «père en écriture». La rencontre avec l’œuvre du poète anglais Wilfred Owen, mort à Ors en 1918 à quelques jours de l’armistice, sera déterminante dans l’éveil d’une sensibilité poétique où la méditation sur le temps tient une grande place et où l’imaginaire de la Grande Guerre est bien davantage qu’un simple topos commémoratif. Xavier Hanotte traduira les poèmes de Wilfred Owen (Et chaque lent crépuscule) et sa correspondance.

Avec Manière noire, publié en 1995, l’écrivain initie un cycle romanesque autour du personnage de Barthélemy Dussert, inspecteur de police bruxellois, aux amours difficiles, et qui deviendra l’alter ego littéraire de l’écrivain. Manière noire orchestre une enquête policière où l’enquêteur s’emmêle dans sa propre mémoire. De surcroît le tueur qu’il traque n’est pas sans point commun avec lui puisqu’il est amoureux éconduit et esthète… Ce réel infiltré, discrètement piégé par la mémoire, le même Barthélemy Dussert va de nouveau l’appréhender dans le deuxième roman, De secrètes injustices (1998), où apparaît la hantise du mémorial, de l’oubli des morts, du nom perdu, nié, des massacres de l’histoire. L’enquête, ici centrée sur une affaire de négationnisme liée à la seconde guerre mondiale, est ponctuée de courts chapitres qui redonnent un bref récit d’existence à l’un de ces innombrables noms gravés sur les stèles blanches du cimetière de Ypres. Poursuivant le cycle, l’inspecteur reviendra plus tard enquêter sur un écrivain hanté par un amour imaginaire, non sans tenir à l’œil son associée dont il est secrètement épris, tout ceci en marge d’une scène de l’opéra de Janacek où Laca lacère la joue de Jenufa, amoureuse d’un autre que lui (Le Couteau de Jenufa, 2008).

Dans Derrière la colline (2000), Barthélemy Dussert n’intervient plus qu’en creux. Le roman a pour cadre le front de la Somme pendant la première guerre mondiale, il met en scène un jeune homme poète nommé Nigel Parsons qui se lie d’amitié avec un jardinier, William Salter. Au plus fort de la grande offensive de 1916, Parsons se retrouve coincé entre les lignes sous le cadavre de son ami, mort en le protégeant. Émerge au cœur de l’enfer noir l’inconcevable vision du monument monstre de Thiepval, cinq chapitres surréels, déployant un monde silencieux au fort relent d’Unheimlichkeit. On le voit plus ici qu’ailleurs : le réalisme magique hante puissamment l’univers de l’écrivain. Après Derrière la colline, qui obtient une reconnaissance importante (prix triennal de la Ville de Tournai, prix Marcel Thiry), le romancier ne délaisse pas le théâtre de la Grande Guerre. Ainsi le dispositif romanesque des Lieux communs (2002) où la parole est donnée tantôt à un soldat canadien montant au front en 1915, tantôt à un petit garçon partant visiter un parc d’attraction érigé sur le lieu même des combats.

C’est que l’écrivain aime les chemins qui se (re)croisent, il manie volontiers le glissement identificatoire, le clin d’œil, la mise en perspective (Comment j’ai rencontré Xavier Hanotte, par Barthélemy Dussert) et ne dédaigne pas de s’avancer masqué («tous mes romans sont autobiographiques»). La profonde homogénéité de son œuvre n’interdit pas des pas de côté ludiques comme cette allégorie jubilatoire qu’est Ours toujours, où l’auteur déclare sa flamme et son affiliation à la race des ours.

En 2005, il publie L’Architecte du désastre, un recueil de nouvelles où le temps est le fil sensible de la narration (Les Temps enfuis, les Temps poreux, les Temps présents). En 2010, il orchestre avec maestria un roman intitulé Feux fragiles dans la nuit qui vient. Cette fiction a été rapprochée du Rivage des Syrtes de Gracq ou du Désert des Tartares de Buzzati. D’un côté, une partie d’île envahie par des rebelles ou des «noirs» fascinés par la mort et détruisant comme un acide toutes traces de civilisations, d’un autre côté une garnison indolente qui s’épuise en rondes, rapports, procédures… C’est dans cette cartographie tendue, sous une lumière crépusculaire, au cœur d’une guerre arrêtée entre île et continent, lieux hantés par une vieille légende danoise aux accents prophétiques, que redevient tout à coup si sensible cette interrogation propre à l’époque : quelle est la frontière qui nous sépare de la barbarie? Que reste-t-il de notre civilisation? Quelles sont les valeurs qui tiennent encore debout l’ordre social qui nous constitue? Questions enfouies dans une prose romanesque distanciée, par moments envoûtante, semée de descriptifs éminemment précis, par-dessus l’épaule du protagoniste principal, l’adjudant Pierre Berthier.

Avec Du vent (2016), Xavier Hanotte pousse plus loin la figure littéraire de la métalepse, rencontrée ici et là dans son œuvre, puisqu’il entremêle trois récits, celui de l’écrivain Jérôme Walque, embarqué à son corps défendant dans une histoire de bondage (le lieutenant Bénédicte Gardier, saisie dans de beaux draps) tandis qu’il s’applique par ailleurs à donner vie au personnage historique de Lépide, troisième homme oublié du second triumvirat romain en pleine action d’occupation de la Sicile. Aux prises avec Antoine et Octave, le destin de Lepide nous parle aujourd’hui de la tragédie du pouvoir, laquelle n’est pas sans liens avec les deux autres «scènes» du livre, tant celle de la séquestration d’une femme que celle des coulisses de la littérature.
Avec une pièce de théâtre (La Nuit d’Ors où revient la figure de Wilfred Owen) et un recueil poétique (Poussières d’histoires & Bribes de voyages), Xavier Hanotte élargit encore sa palette.

Revenu dans la maison de son enfance près de Bruxelles il poursuit son travail de romancier.

– François Emmanuel

Bibliographie

  • Manière noire, roman, Paris, Belfond, 1995; éd. revue 2000; Espace Nord, 2006.
  • De secrètes injustices, roman, Paris, Belfond, 1998; Espace Nord, 2007.
  • Derrière la colline, roman, Paris, Belfond, 2000; Espace Nord, 2008; éd. revue, 2013.
  • Les Lieux communs, roman, Paris, Belfond, 2002; Espace Nord, 2013.
  • Poussières d'histoires & Bribes de voyages, poésie, Bordeaux, Castor Astral, 2003.
  • Ours toujours, roman, Paris, Belfond, 2005.
  • L'Architecte du désastre, nouvelles, Paris, Belfond, 2005.
  • Un goût de biscuit au gingembre, récit illustré, Tournai, Estuaire, 2006, avec Claude Renard.
  • Le Couteau de Jenůfa, roman, Paris, Belfond, 2008.
  • Des feux fragiles dans la nuit qui vient, roman, Paris, Belfond, 2010.
  • La Nuit d’Ors, fantaisie dramatique en trois tableaux, Bordeaux, Castor Astral, 2012.
  • Soit dit entre nous, je suis un ours, prose, Bordeaux, Castor Astral, 2013.
  • Les Anges de Mons, récit illustré, Mons, Fondation Mons 2015, 2014, avec Claude Renard.
  • Du vent, roman, Paris, Belfond, 2016.

Traductions du néerlandais

  • Lettre à Baudouin, de Walter Van den Broeck, Bruxelles, Labor, 1984.
  • Ultimes étreintes, de Ward Ruyslinck, Bruxelles, La Longue Vue, 1986.
  • La Madone de Nedermunster, de Hubert Lampo, Bruxelles, La Longue Vue, 1987.
  • La Venue de Joachim Stiller, de Hubert Lampo, Lausanne, L'Âge d'Homme, 1993.
  • Retour en Atlantide, de Hubert Lampo, Paris, Belfond, 1997.
  • La Colère du monde entier, de Maarten 't Hart, Paris, Belfond, 1999.
  • Fromage, de Willem Elsschot, Bordeaux, Castor Astral, 2002.
  • L'Ours et le Chasseur, de Doeschka Meijsing, Tournai, Estuaire, 2005.

Traduction de l'anglais

  • Et chaque lent crépuscule, de Wilfred Owen, Bordeaux, Castor Astral, 2001; nlle éd., 2012.

Sur Xavier Hanotte

  • Xavier Hanotte, Les Doubles, de Joseph Duhamel, Avin, Luce Wilquin, 2010.

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Communications

Discours de réception (séance publique du 19 décembre 2015)



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