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Membre belge littéraire du 13 décembre 1975 au 1er mars 2002.
Prédécesseur : Constant Burniaux
Successeur : Jean-Baptiste Baronian
Fauteuil 28 |
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BIOGRAPHIE
Issu de la bourgeoisie cultivée de Bruxelles et aîné de trois enfants, Gérald Bertot naît le 22 juillet 1910 à Louvain. Son père, avocat, l'initie à l'art, lui apprend la valeur de la phrase courte. Lors de ses études de droit à Saint-Louis et à l'Université de Louvain, il acquiert un début de notoriété, en créant, en 1930, une revue d'étudiants, La Parole universitaire. Bouillant chroniqueur politique, il collabore à différents journaux catholiques de 1928 à 1934. Militant pour la paix, il multiplie les textes engagés tels Une voix parmi d'autres (1931), Besoin de rupture (1933), ou Danger des idées (1934).
En novembre 1933, il épouse Juliette Ardies, dont il aura deux enfants; en même temps, il entre au Moulin des Trois Fontaines, dirigé par son grand-oncle. Parallèlement, il entame sous le pseudonyme de Stéphane Rey une longue et fructueuse carrière de critique d'art.
L'invasion allemande le réduit au chômage car le Moulin est détruit. Désuvré, il se lance dans le roman policier. La rencontre avec Stanislas-André Steeman, en 1941 lui permet de publier plusieurs récits dans «Le Jury», pépinière de talents. Sur le conseil de Steeman, il opte pour le nom de Thomas Owen. Ces courts romans aux titres mystérieux (Ce soir, huit heures) ou saugrenus (Un crime swing, Le Nez de Cléopâtre) sont très typiques de l'époque. L'intrigue policière est prétexte à un discours de murs, particulièrement représentatif des potentialités humoristiques voire burlesques de l'auteur.
Année fertile, 1942 voit la parution de Duplicité (co-auteur : Élie Lanotte) et de L'Initiation à la peur, roman qui amorce déjà un tournant dans l'uvre d'Owen car, sur un canevas policier traditionnel, il greffe maints éléments entachés de fantastique grand-guignolesque. L'évolution est encore plus sensible dans Hôtel meublé (1943), où les détails alarmants occultent de manière spectaculaire le crime qu'ils sont censés mettre en évidence, et que Marc Lobet a adapté pour l’écran en 1982 sous le titre Meurtres à domicile.
Conscient de cette dérive, Thomas Owen décide, après un roman-parenthèse de type mauriacien (Les Espalard), de se consacrer tout entier à la littérature fantastique. Dans son premier recueil de nouvelles, Les Chemins étranges, s'épanouit «la peur aux yeux de jade» chère à Jean Ray : de puissants motifs romantiques y naviguent entre surnaturel sanguinaire et extravagance macabre, avec une maîtrise dans l'horreur, digne du grand maître gantois.
Cependant, cette influence se dilue rapidement. Dès La Cave aux crapauds, l'univers est banalisé, l'atmosphère lentement corrompue pour engendrer le malaise et non plus la peur, l'allusion préférée à la description.Il se tourne à présent vers un fantastique du quotidien, qui sourd du réel comme une moisissure. Publié en 1944, le roman Le Livre interdit marque un pas décisif dans son parcours littéraire : érotisme feutré, approfondissement psychologique et mysticisme gomment la trace du ton «à la manière de Jean Ray» (la correspondance entre Jean Ray et Thomas Owen, établie par Jean-Louis Étienne, a paru en 2016).
Après la seconde guerre mondiale, Owen produitencore deux romans non fantastiques : Le Jeu secret (1950) et Les Grandes Personnes (1954) Abondamment nourris de souvenirs d'enfance et exprimant la violence douloureuse des émotions du jeune âge, ces deux romans mettent également en lumière un des ressorts fondamentaux de l'écriture owenienne : la fatalité.
Au cours des années 1960, Owen, qui publie des contes dans les revues Fiction et Mystère-Magazine depuis 1950, établit pour ainsi dire «son écriture de croisière», comme en témoignent Pitié pour les ombres 1961) et Cérémonial nocturne (1966). Combinant insolite poétique et onirisme délicat, il joue en sourdine sur les thèmes du fantôme et de la collision entre rêve et réalité. De l'humour noir et du macabre, ne subsistent que quelques touches telles que l'extrême sophistication et l'érotisme. Cette tendance à la sensualité ambiguë, sournoise, traduite de façon volontairement désinvolte et ironique, s'accentue dans les ontes composant La Truie (1972) et Le Rat Kavar (1975).
Le 13 décembre 1975, il est élu membre de l'Académie royale de langue et de littérature françaises et se lance peu après, avec le peintre Gaston Bogaert, dans la double aventure des Maisons suspectes (1976) et des Chambres secrètes (1982). Il renouvelle l'expérience de l'uvre mixte dans Les Sept Péchés capitaux (1984), pour lesquels il s'associe avec Maria Noppen de Mateis.
Tissé d'altérations et de mouvements imperceptibles, son fantastique allusif ne se modifie plus guère. Inspiratrice continuelle de son talent, la femme dans tous ses états est au cur de chaque recueil, que ce soit à traers les obsessions et fantasmes freudiens de l'autobiographique Tétrastome (1988) ou dans les récits éclectiques qui composent Carla hurla (1991), La Ténèbre (1994), ou encore La Porte oblique (2011). Pour surprendre le lecteur, Owen mise, avant tout, sur la subtilité d'atmosphères vénéneuses et sensuelles. Le désir de légèreté le guide dans le traitement des nombreux motifs surnaturels traditionnels qui traversent son uvre entière : vidés de leurs archaïsmes ou épurés à l'extrême, ils conviennent désormais à la facture toute de glissements et d'ellipses qu'il a définitivement adoptée et qui est, de sa créativité, la plus authentique signature.
À côté de ses œuvres littéraires, Thomas Owen a rédigé la préface de nombreux catalogues d’exposition et écrit des monographies consacrées à des peintres, comme Le Fantastique de Jean-Jacques Gaillard (1985), dont il a analysé en profondeur l’étrange univers. Il est mort le 1er mars 2002. – Anne Deckers et Jean-Baptiste Baronian
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