Biographie
Gabriel Ringlet est né le 16 avril 1944 à Pair-Clavier, en Condroz, où sa maman est institutrice au château et son père, maître-maçon.
Comme il l’a écrit, dans Ma Part de vérité (Albin Michel, 2002), la madeleine de son enfance c’était le jubé et son parfum. Une adolescence que traversent la passion pour le football — il était gardien de but comme Camus — et celle encore pour le vélo. Le cyclisme, dira-t-il, «parce qu’il mélange la folie et la grâce». Ses humanités gréco-latines, il les fait au Collège de Hannut où l’un de ses professeurs n’est autre que le Père Joseph Boly, l’auteur de nombreuses études sur Paul Claudel et, entre autres titres, de La Voix au cœur multiple. Un ouvrage qui lui fera découvrir les poètes du monde entier dont Césaire, Schéhadé ou Senghor et ses Chants d’ombre qui l’ont tant marqué.
Renonçant à l’école de journalisme de Lille, on le retrouve au Léon XIII de l’Université catholique de Louvain, c’est-à-dire le séminaire, avant huit heures et après dix-neuf heures, et à la section de philologie romane entre les deux. Par la suite, les études de théologie lui feront «l’éloge du non-clos et de l’incertain», leçons qui l’accompagnent toujours.
Ordonné prêtre en juin 1970, il est presque simultanément engagé par Joseph Coppé, alors rédacteur en chef de La Wallonie, le quotidien de la Fédération liégeoise des métallos de la FGTB. Il y tiendra, durant de nombreuses années, une chronique intitulée «La religion dans notre siècle» et participera à faire de ce journal un lieu pour la réflexion plurielle auquel L’Évangile d’un libre penseur : Dieu serait-il laïque? (Albin Michel, 1998) est certainement redevable. Un livre qui recevra, en 1999, le prix de littérature religieuse. Plus tard, on retrouvera sa signature dans L’Appel, Témoignage chrétien, La Vie ou La Croix, car une chose est évidente : écrire est l’essentiel de son sacerdoce.
Gabriel Ringlet enseignera à l’Université de Louvain-La-Neuve où il collaborera au développement du département de communication. Il y sera professeur de journalisme et d’ethnologie de la presse. Des livres tels que Le Mythe au milieu du village : comprendre et analyser la presse locale (Vie Ouvrière, 1981) et Ces chers disparus : essai sur les annonces nécrologiques dans la presse francophone (Albin Michel, 1992) sont autant d’ouvrages qui découlent de cette activité. Il sera également, au sein de cette même université, vice-recteur aux affaires étudiantes et pro-recteur aux affaires régionales et culturelles jusqu’en 2008, année de son admission à l’éméritat.
Enseigner, et pour être plus précis, transmettre, est pour lui l’une des choses essentielles. Il a ainsi tenu la «chaire de presse écrite» où il succédait alors aux professeurs Ugeux et Guissard. La Puce et les lions : le journalisme littéraire (De Boeck Université, 1988) rend d’ailleurs compte d’un long entretien avec un Lucien Guissard touchant, surprenant et inattendu, qu’il tient assurément pour l’un de ses maîtres.
Il a également été visiteur à la clinique du Mont Falise où sa réflexion sur la souffrance et la mort a probablement trouvé son terreau. Il anime, encore aujourd’hui, le Prieuré de Malèves-Sainte-Marie, haut lieu d’échanges où se croisent écrivains et penseurs de toutes confessions. Un espace où «il encourage la libre pensée des chrétiens et invite les Églises à parcourir les chemins de l’imaginaire».
Éloge de la fragilité (Albin Michel, 1996) ou L’Évangile d’un libre penseur : Dieu serait-il laïque? (Albin Michel, 1998) jettent des ponts entre les croyances et les cultures, entre les certitudes et le questionnement. L’Évangile d’un libre penseur a d’ailleurs donné lieu à de nombreux débats et prises de position, tant au sein de la communauté laïque que chrétienne. Un livre inépuisable car, après avoir traversé l’aventure du dialogue, l’invitation à la laïcité et l’invitation à retourner ou labourer l’Évangile, il en appelle, dans sa dernière partie, non à proposer l’impossible, mais à croire que «l’avenir est à l’utopie, c’est-à-dire au changement de lieu». Le combat ou l’engagement de Gabriel Ringlet est bien celui-là : «réconcilier l’actualité et la spiritualité». Quant à la fragilité, c’est un terme qui sous-tend toute son œuvre littéraire et sa pensée.
La mort est un sujet essentiel qui traverse ses publications. On pense particulièrement à Un peu de mort sur le visage : la traversée d’une femme (Desclée de Brouwer, 1997), Ceci est ton corps : journal d’un dénuement (Albin Michel, 2008) ou Vous me coucherez nu sur la terre nue (Albin Michel, 2015). Et tout cela — comme il le confiait à Edmond Blattchen dans l’émission Noms de Dieux en 1996 — c’est parce qu’il faut «parler la mort» comme on parle une langue étrangère. Des ouvrages où Gabriel Ringlet, s’il
célèbre la femme et l’eucharistie, fait aussi la part belle à la souffrance humaine, où il invite à plus de partage avec la parole ou le geste, à plus d’attention au mourant.
Dieu, s’il est présent dans ses publications, l’est tout particulièrement dans Dieu et les journalistes (Desclée de Brouwer, 1982) ou Dialogue et liberté dans l’Église (Desclée de Brouwer, 1995), un entretien entre un journaliste, Monseigneur Gaillot et lui-même.
Gabriel Ringlet, et c’est aussi l’une de ses particularités, est très proche des poètes chez qui il se sert souvent pour aborder telle ou telle réflexion. Mieux encore, les poèmes lui servent de sauf-conduits, «Pour marcher. Pour qu’un mot fasse chemin en nous. Chemin de dévêtement.» Dans ce registre, on lui doit Effacement de Dieu : la voie des moines-poètes (Albin Michel, 2013).
Pas étonnant, donc, que ce signataire du Manifeste pour la culture wallonne (1983) ait vu Dieu dans le dos des poètes!
– Yves Namur Bibliographie
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Discours de réception (séance publique du 26 septembre 2009) |