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Composition


Georges Sion

Henri Sion / Photo © Nicole Hellyn Membre belge littéraire du 13 janvier 1962 au 13 avril 2001.
Prédécesseur : Luc Hommel
Successeur : Yves Namur
Fauteuil 25

Biographie

Georges Sion est né à Binche, le 7 décembre 1913. Des études de droit, à l’Université de Louvain, ne le distraient pas longtemps de ses deux passions, la musique (Mozart est son compositeur préféré et il est excellent pianiste) et l’écriture, auxquelles il se livre dès son plus jeune âge. Mais le choc décisif de sa carrière est la rencontre qu’il fait, durant l’Occupation, du comédien Claude Étienne s’apprêtant à fonder une nouvelle compagnie théâtrale. Ce dernier compte entamer ses activités avec une pièce de Corneille. Il a l’occasion de lire le manuscrit d’un jeune homme appelé Georges Sion et décide aussitôt qu’il a trouvé, là, le texte inaugural de son activité. Il crée, en mars 1943, au Palais des Beaux-Arts à Bruxelles, La Matrone d’Éphèse, et donne par la même occasion le coup d’envoi de sa compagnie, le Rideau de Bruxelles : le texte de Sion est donc intimement associé aux origines mêmes de la plus prestigieuse des troupes belges francophones.

La Matrone d’Éphèse est une comédie douce-amère, très brillante par le style, dont l’argument, emprunté à La Fontaine notamment, permet à Sion, dans un dialogue étincelant, de ciseler quelques personnages dont les faiblesses sont dessinées avec une acuité bienveillante. Élégance de l’expression, ironie sous-jacente, conception optimiste quoique lucide de l’homme et de ses contradictions : un ton est donné, qui passe d’abord, et très naturellement par le théâtre, mais trouvera bien d’autres exutoires. Sion est appelé, en tant qu’auteur de théâtre, à être l’un des premiers représentants d’une dramaturgie que l’on qualifiera de néo-classique par le traitement limpide et intelligent de ses thèmes, par la clarté maîtrisée de sa langue. On retrouve la même alacrité que celle de La Matrone d’Éphèse dans d’autres comédies, comme La Princesse de Chine ou La Malle de Paméla, où l’on perçoit l’incidence de Mozart. Mais d’autres pièces abordent des registres plus graves, comme son drame historique Charles le Téméraire ou, surtout, Le Voyageur de Forceloup (1951), souvent considéré comme son chef-d’œuvre, qui traite de la prise en charge du mal et de la rédemption, avec une rigueur, une simplicité et une hauteur de vue qui en fait un des sommets du théâtre métaphysique contemporain. Avec Le Voyageur de Forceloup, écrira Sion, il s’agit peut-être «des limites de la charité, et plus probablement des incertitudes de la condition humaine, qui sont plus douloureuses à mesure qu’elles sont moins visibles».

L’activité théâtrale de Sion ne s’est pas limitée, loin de là, à la composition de pièces originales. Il a adapté de nombreuses œuvres du répertoire étranger, anglo-saxo notamment, et mis ainsi son talent au service de Shakespeare (Antoine et Cléopâtre, Le Songe d’une nuit d’été) ou d’auteurs contemporains (Un homme pour toutes les saisons, de Robert Bolt, pièce avec laquelle le Théâtre National entame son installation dans ses nouveaux locaux de la place Rogier en 1961). Il a été également un critique dramatique érudit et enthousiaste (au journal La Lanterne, par exemple). Il a enseigné l’histoire du théâtre au Conservatoire de Mons, puis de Bruxelles. Il a également été, durant de nombreuses années, président du centre belge de l’Institut international du théâtre, ce qui lui a permis d’être à l’écoute de l’activité des scènes internationales. En 1989, les éditions Duculot firent paraître un fort volume, plus de six cents pages, rassemblant l’ensemble de ses pièces et adaptations.

Chroniqueur et conteur intarissable, il a publié quelques ouvrages qui rendent compte de ses voyages et de ses découvertes, qui témoignent d’une justesse de perception, d’analyse et d’une curiosité jamais prises en défaut : Voyage aux quatre coins du Congo (1951), Puisque chacun a son Amérique (1956), Six villes, une Europe (1967). Mais il y aurait à glaner, dans son immense production journalistique (en quotidiens, notamment au Soir, où il a publié des critiques littéraires depuis 1971, en hebdomadaires, comme le Vrai et le Pourquoi pas?, ou en revues, en particulier la Revue générale (dont il a été l’un des directeurs), la matière de nombreux et abondants recueils. C’est que la culture, le sens de la synthèse, la finesse et la rapidité de jugement de Sion sont exceptionnels. Qu’il parle de musique, d’opéra, de théâtre, de littérature du passé ou du présent, mais aussi d’histoire ou des questions générales, sa démarche intellectuelle se caractérise par l’ouverture, la tolérance, le scrupule intellectuel, nourris par un humanisme et une élévation de pensée également vigilants. Ce sont là aussi les qualités qui n’ont cessé de faire de lui, au fil des années, un conférencier brillant autant que généreux de ses efforts.

Ces princes de la futilité, l’Académie publiera, en 2001, un choix de ses communications données lors des séances mensuelles de la Compagnie. Cet ensemble se suffit à lui-même pour démontrer à quel point Georges Sion était un homme de grande culture, écrivait dans un style très travaillé et pensait avec justesse. Ainsi, dans sa chronique L’Avenir du passé : «Ceux qui aiment le passé contre l’avenir savent peut-être les joies qu’ils retiennent ; ils ne savent pas les joies qu’ils perdent. Ils font penser à la femme de Loth, qui avait eu le tort de regarder trop obstinément derrière elle.» Aujourd’hui encore, ses communications, du Prince de Ligne à Tennessee Williams, en passant par Paul Claudel ou La Fontaine, restent des petits chefs-d’œuvre d’écriture et de pensée.

Homme de contact et épris de dialogue, Georges Sion avait toujours été très apprécié, pour ses avis, dans les conseils et les jurys. L’Académie Goncourt avait fait tout naturellement de lui son membre belge, tout comme il avait exercé la présidence de la section francophone belge du Pen Club.

Georges Sion avait été élu à l’Académie le 13 janvier 1962. Il y succédait à Luc Hommel et il en devint le secrétaire perpétuel de 1972 à 1988. Il est décédé le 13 avril 2001.

– Jacques De Decker et Yves Namur

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