Biographie
Né à Louvain le 15 mai 1854, Émile Van Arenbergh a mené une double carrière de poète et de magistrat. Il fait des études de droit à l'université de sa ville natale, où il devient l'ami d'Émile Verhaeren, d'Iwan Gilkin et d'Albert Giraud. L'influence qu'il exerça sur Verhaeren semble avoir été déterminante, dans la mesure où il l'aurait détourné du genre petit-bourgeois tel que le pratiquait François Coppée. II collabore à La Semaine des étudiants et assume le secrétariat, dès 1880, de la Société littéraire de l'Université de Louvain, présidée par Léon de Monge.
Au sein du petit groupe de la future Jeune Belgique, sa qualité d'aîné lui permet de tenir le rôle de professeur dans l'art d'écrire. Ses origines flamandes l'ont en effet rendu attentif à la maîtrise de la langue française, qu'il manie avec une science très sûre. Selon Georges Rency, c'est lui qui aurait appris à ses condisciples à versifier, mettant les membres du jeune mouvement littéraire dans la pleine possession de leurs moyens stylistiques. Les hommages ultérieurs de Gilkin et de Giraud, auquel il restera uni par les liens de l'amitié, témoignent de ce qu'ils doivent à cet aîné, dont la présence et les conseils discrets influencèrent la forme de leurs uvres.
Sous le pseudonyme de Montaigle, il donne à La Semaine des étudiants des poèmes, des chroniques et des nouvelles, puis, lorsqu'il est admis dans le cercle de La Jeune Belgique, il se consacre au sonnet parnassien, qui restera son genre de prédilection. Il fait néanmoins quelques incursions en dehors de cette forme avec des poèmes comme In excelsis ou À l'océan, au lyrisme plus étendu. Quelques exemples de ses premières productions figurent, en 1887, dans Le Parnasse de la Jeune Belgique.
Outre ses activités littéraires, il mène en parallèle une austère carrière juridique, après avoir prêté son serment d'avocat en 1883. Remarqué par Edmond Picard, avec lequel il a noué des relations grâce à la littérature, il entre dans la magistrature et collabore aux Pandectes belges, qui absorbent une grande partie de son énergie. Pendant trente-cinq ans, il sera juge de paix, successivement à Diest, à Anderlecht et à Ixelles, charge qu'il qualifie de rocher de Sisyphe. Dans le cadre de ses activités professionnelles, il est l'auteur d'une Bibliographie générale et raisonnée du droit belge (1906-1913), de divers traités (Mandat, Prescription, Servitude
) parus dans les Pandectes, et d'articles publiés par le Journal des tribunaux.
Collaborateur érudit de la Biographie nationale, il donne à celle-ci des notices consacrées à des écrivains, des artistes, des théologiens
Son goût pour l'histoire le pousse également à la rédaction de deux biographies : Don Juan d'Autriche (1889), pour laquelle il obtient le prix de la Société littéraire de Louvain, et Charles-Quint, publié l'année suivante. Décoré de l'Ordre de Léopold en 1908, il est élu membre de l'Académie royale de langue et de littérature françaises en 1921. Il meurt à Ixelles le 3 janvier 1934.
Si Van Arenbergh a acquis un quelconque titre de gloire, c'est grâce aux Médailles, son unique recueil de poésies publié tardivement en 1921 chez Crès (Paris) et Sand (Bruxelles), pour le succès duquel il compte sur les souscriptions possibles que pourrait lui offrir l'appui de Picard, le cher maître. C'est sans doute sur les instances de son ami Giraud, qu'il met à profit le repos forcé que lui occasionne la grève des magistrats pendant la guerre pour se consacrer enfin à son uvre poétique, longtemps laissée en veilleuse.
Les Médailles constitue un choix de poèmes parus dans différentes revues. Malgré sa date tardive de publication, ce volume est très représentatif de la veine parnassienne défendue par Le Jeune Belgique et s'inscrit dans la lignée d'un José-Maria de Hérédia, modèle de Van Arenbergh en littérature. Divisé en quatre parties La Nature et la vie, La Grèce et Rome, De la Bible à l'Évangile, Sonnets de guerre , sa composition ne semble pas suivre, cependant, un plan bien arrêté. Tout au long de ces 84 sonnets dédiés à Edmond Picard, l'auteur égrène les thèmes traditionnels du lyrisme, dont le plus récurrent est le caractère éphémère de la jeunesse ou de l'amour, avec quelques rares incursions dans la modernité lorsqu'il parle de la guerre, de l'avion ou de l'automobile. Tout le recueil semble en effet marqué par l'irrépressible regret d'un passé révolu, dont les dieux antiques disparus sont l'expression la plus nostalgique. Ce passé, comme le rêve, constitue pour lui le refuge privilégié du poète, éternel exilé ici-bas. La religion y joue aussi ce rôle, même si, par instants, elle mobilise les espoirs en un avenir meilleur. L'évocation éculée d'un Moyen Âge de pacotille et d'un Orient conventionnel est également représentative d'une attitude prudente face à la nouveauté.
Néanmoins, le livre n'est pas exempt d'une certaine dimension sociale, due peut-être à Verhaeren, qui affleure dans la première partie, lorsque l'écrivain trace le portrait du laboureur ou de la vieille Boraine, dont le fils est mort dans la mine, résignés et soumis à leur destin. Cependant, ce n'est pas à la dénonciation des injustices sociales qu'il réserve sa colère, mais aux envahisseurs allemands que leurs crimes, surtout l'incendie de Louvain, élèvent au rang des monstres les plus sanguinaires. Mêlant les influences de Verlaine, de Baudelaire ou de Ronsard, le recueil tire sa véritable unité des recherches stylistiques tendant vers une perfection un peu froide dans la volonté de faire tableau. Certaines descriptions non dépourvues, cependant, d'un certain charme mettent Van Arenbergh au rang des rimeurs honnêtes. – Marianne Michaux
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