BiographieEugène Vinaver naît le 18 juin 1899 à Saint-Pétersbourg. En 1912, ses parents se fixent en France, où il fait ses études secondaires et supérieures. Il suit les cours de l'École pratique des hautes études et est élève de Joseph Bédier, auquel il rendra hommage en 1942 et en 1959. C'est le point de départ de sa vocation de médiéviste et, en particulier, de son intérêt pour la littérature arthurienne. Il fait son premier stage à Oxford d'abord, à Lincoln College, puis, l'année suivante, à la Faculté des langues et des littératures médiévales et modernes, d'abord en qualité d'University Lecturer et, à partir de 1931, en qualité de Reader in French literature. En 1933, il est nommé titulaire de la chaire de langue et de littérature françaises et directeur de l'Institut des études françaises à l'Université de Manchester. Ayant conservé sa nationalité française, Eugène Vinaver est, en 1940, soldat attaché aux services culturels du Comité de la France libre à Londres et, en 1946, délégué culturel de l'ambassade de France. Il est reçu docteur ès lettres à l'Université d'Oxford en 1950.
Sa thèse de doctorat, une monographie sur Le Roman de Tristan et Iseut dans l'uvre de Thomas Malory, et sa thèse subsidiaire, des Études sur le Tristan en prose, sont publiées en 1925. L'auteur y ouvre une nouvelle perspective : il considère avant tout l'uvre telle qu'elle existe, examine sa structure et cherche à découvrir ses valeurs esthétiques.
En 1928, Eugène Vinaver fonde à Oxford la Société arthurienne, qui publiera deux volumes d'actes sous le titre Arthuriana (1929, 1930). Cette société sera rebaptisée Société pour l'étude des langues et des littératures médiévales. Arthuriana deviendra Medium Aevum. En 1931 est prise la décision de créer une Société internationale arthurienne, qui sera définitivement organisée par Eugène Vinaver et Jean Frappier en 1948.
En 1929, il est amené à faire un premier livre en anglais sur Malory, qui semblait avoir su adapter les romans arthuriens français pour les transformer en une sorte d'épopée nationale d'Angleterre. Eugène Vinaver publiera en 1947 une nouvelle édition de l'uvre de Malory, non plus d'après l'imprimé de Caxton de 1485 (alors le seul texte connu), mais d'après un manuscrit du XVe siècle découvert à Manchester en 1934 et qui révèle que Malory a plutôt écrit un ensemble de récits autonomes. Suivra, en 1967, une seconde édition offrant une refonte du commentaire, d'une importance fondamentale pour l'étude des textes français.
Eugène Vinaver s'intéresse aussi à Racine et à Flaubert. En 1951, il consacre un travail à Racine et la poésie tragique. Dans une seconde édition, parue en 1963, il ajoutera notamment un développement tiré de sa conférence faite à Oxford en 1960 sur L'action poétique dans le théâtre de Racine. Dans une communication à l'Académie, en 1966, il exposera encore plus en détail ses analyses et tentera de couper la poésie de ses rapports avec l'action. En 1953, il publie, en anglais, une étude sur la légende de saint Julien l'Hospitalier. Flaubert aurait puisé la forme de son conte dans la version contenue dans un manuscrit du XIIIe siècle. Mais en 1970, Eugène Vinaver renonce à cette hypothèse dans un exposé sur La légende de saint Julien l'Hospitalier et le problème du roman. Son analyse de la structure du conte telle qu'elle figurait dans son texte de 1953 reste toutefois valable.
L'année de son quarantième anniversaire, l'Académie royale de langue et de littérature française élit Eugène Vinaver comme membre étranger le 12 mars 1960. Il est reçu le 16 décembre 1961. il sera membre correspondant de la British Academy et de la Medieval Academy of America.
À l'occasion de ses soixante-six ans, en 1965, ses élèves, ses collègues et ses amis lui offrent un volume de Medieval Miscellany. Devenu professeur émérite un an après, Eugène Vinaver ne cessera pourtant pas d'enseigner. De 1966 à 1976, il est professeur invité dans cinq universités au Canada et aux Etats-Unis. À partir de 1977, il est nommé à des chaires de professeur honoraire aux Universités de Hull et de Kent, où il fera des cours et dirigera des séminaires jusqu'à sa mort.
Les recherches d'Eugène Vinaver se portent principalement sur le roman en prose. Il donne une première forme à ses réflexions en 1966, dans Form and Meaning in Medieval Romance. Ensuite il mettra à profit sa vaste culture, qui inclut la musique et les arts plastiques, pour écrire un premier volume À la recherche d'une poétique médiévale (en 1970) et un second The Rise of Romance (1971). Ces livres remarquables sont pour l'essentiel des recueils d'articles déjà publiés. Le roman arthurien y occupe une place importante, mais l'auteur déborde d'une part sur La Chanson de Roland, d'autre part sur Villon. Chaque étude tente de définir la poétique qui régit un texte.
Eugène Vinaver continue à contribuer à des mélanges d'hommages, à des congrès et à des revues. Il fait des articles sur la fée Morgain, sur des vers de Béroul, sur le concept de Morte d'Arthur, sur The Questing Knight.
Il meurt inopinément le 21 juillet 1979. Ses études et ses éditions témoignent d'une rare maîtrise. Ses collègues ont reconnu ses hautes qualités : il fut président de plusieurs sociétés savantes, parmi lesquelles la Société internationale arthurienne, qui lui tint le plus à cur; il fut lauréat de l'Institut de France. Cinq universités, dont celle de Chicago, de Hull et du Pays de Galles, ont su reconnaître ses mérites en lui conférant le titre de docteur honoris causa. – Reine Mantou
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