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Grand prix des arts du spectacle 2024
Lauréat
Merlin Vervaet pour Le groupe de l’Ouest lointain (Lansman, 2024).

Autres finalistes
- Stéphane Bissot, Celle qui aimait les hommes (Les Oiseaux de nuit, 2023)
- Ariane Buhbinder, Le Grand Tumulte (Lansman, 2024)
- Alex Lorette, Les Grandes Marées (Lansman, 2024)
- Pietro Pizzutti, L’Expiation ou Le Purgatoire de Robin Vandenbos (Les Oiseaux de nuit, 2023)
Extrait de l’argumentaire du jury
Le Groupe de l’Ouest lointain est un parfait exemple des libertés que l’écriture théâtrale peut prendre aujourd’hui avec la forme traditionnelle du genre, laquelle requiert, on le sait, l’emploi systématique du dialogue. Les propos des personnages s’insèrent ici dans une narration à la troisième personne qui se charge, pour l’essentiel, de rendre compte de leurs interactions et des diverses péripéties qu’ils ont à vivre. Mais qu’on ne s’y trompe pas : même si l’auteur utilise en abondance les ressorts du récit, le phrasé de l’écriture, son tempo, le profil des protagonistes, la place des dialogues montrent clairement qu’un tel texte est d’abord destiné au théâtre, toute liberté étant offerte à la mise en scène d’inventer le dispositif adéquat pour le représenter.
L’originalité du propos et les thèmes brassés par Merlin Vervaert accrochent dès l’abord le spectateur ou le lecteur. Jeune chômeur bruxellois, Douglas Mawson traîne son existence entre un logis minable, ses convocations en tant que chercheur d’emploi et un bar où il a ses habitudes. Jusqu’au jour où un événement aussi inattendu qu’invraisemblable le pousse à réaliser sa vocation, tout récemment découverte : devenir explorateur polaire en partant à la recherche d’un village mythique perdu dans l’Antarctique qu’il a repéré sur Google Maps. En compagnie de trois personnages on ne peut plus extravagants, Fabiola, dotée d’une force herculéenne, Madame Zamensky, une ancienne professeure de piano aux doigts déformés par l’arthrose, et Sam, un être muet irradiant une folle énergie, il monte son expédition. On les retrouve bientôt qui s’enfoncent dans le froid polaire sur des traîneaux tirés par des chiens. La suite de l’histoire mêle à souhait moments burlesques, épisodes tragiques, emprunts au fantastique et coups de théâtre.
Ressort de cette pièce déjantée la critique cinglante d’une société n’offrant à beaucoup de jeunes qu’un avenir des plus médiocres ; en ressort en parallèle le rêve quasi désespéré de rejoindre un ailleurs où s’offriraient encore des possibilités de se réaliser, quitte à y jouer son existence. Tout cela s’exprimant par la coexistence, particulièrement originale, d’un humour qui manie à souhait l’extravagance ou l’absurde et d’une nostalgie teintée de poésie, dont le plus bel exemple est l’évocation plusieurs fois répétée d’un village où tout le monde est heureux et dont le ruisseau abrite un crocodile.
Rapport du jury : Paul Emond |