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Grand prix de linguistique et de philologie

Lauréate

Marine Borel pour Les formes verbales surcomposées en français (Peter Lang, 2024).

Image représentant Marine Borel et la couverture de son livre "Les formes verbales surcomposées en français"

Autres finalistes

  • Mathieu Avanzi, Comme on dit chez nous (Le Robert, 2023)
  • Patrick Charaudeau, Le sujet parlant en sciences du langage. Contraintes et libertés (Éditions Lambert-Lucas, 2023)
  • Myriam Meyer, Wesh, madame? (Robert Laffont, 2024)
  • Anne Zribi-Hertz et Jean-Louis Loïc, Petit guide de créole martiniquais (Presses universitaires de Vincennes, 2024)

Extrait de l’argumentaire du jury

En grammaire française, on appelle « surcomposés » les temps verbaux qui comportent un élément auxiliaire de plus que les temps dits « composés » : ainsi, j’ai eu fait ou j’avais eu fait sont des formes surcomposées. 

Le livre de Marine Borel, Les formes verbales surcomposées en français, paru en 2024 chez Peter Lang, compte 590 pages. Il est, sans aucun doute, l’étude la plus complète et la plus rigoureuse qui ait jamais été publiée à ce jour sur ces temps verbaux. L’auteure y expose d’abord la manière dont les surcomposés ont été traités par les grammairiens qui, au cours des siècles, les ont tantôt loués pour leur contribution à la richesse et à la clarté du français, tantôt critiqués pour leur redondance ou leur inélégance supposées. Elle présente ensuite une synthèse critique exhaustive des analyses, des hypothèses et des interprétations proposées par les linguistes, depuis l’étude pionnière – parue il y a exactement un siècle – du romaniste français Lucien Foulet. Mais le cœur du livre consiste en une analyse sémantique et morphologique fouillée de l’ensemble des formes surcomposées, à partir d’une collection de données authentiques d’une ampleur inégalée : près de 7 500 exemples, écrits et oraux, produits entre le XIIe et le XXIe siècle. 

Comme le montre brillamment Marine Borel, il existe en fait deux paradigmes distincts de temps surcomposés. Pour illustrer cela, prenons l’exemple de la forme la plus répandue : le passé surcomposé. 

Il y a, d’une part, un passé surcomposé dit « standard », attesté sur l’ensemble du territoire francophone. Ce premier passé surcomposé, à sens résultatif, peut être considéré comme un homologue du passé antérieur, car ces deux temps remplissent globalement les mêmes fonctions ; mais tandis que le passé surcomposé est le plus souvent utilisé en relation avec le passé composé (quand elle a eu fini, elle est partie), le passé antérieur est quant à lui généralement utilisé en relation avec le passé simple (quand elle eut fini, elle partit). 

Il existe, d’autre part, un passé surcomposé dit « régional », qui n’est utilisé que dans les domaines où l’on parlait autrefois des dialectes occitans ou francoprovençaux – comme en Suisse romande, où cet emploi est très répandu. Ce surcomposé « régional », à sens expérientiel, signifie qu’« il est arrivé au moins une fois que quelque chose se produise ». Marine Borel en fournit de multiples exemples, souvent savoureux, tels que : « j’ai eu mis de la bière dans la pâte à crêpes » ou « j’ai eu mangé de la marmotte à un anniversaire ». 

Dans une argumentation particulièrement convaincante, l’auteure montre que le passé surcomposé « standard », résultatif, et le passé surcomposé « régional », expérientiel, sont en fait deux temps verbaux distincts. L’argument principal est la manière dont ils se construisent avec l’auxiliaire être. Alors que les formes standard se construisent sur le modèle de : elle a été partie, les formes régionales se construisent sur le modèle de : elle est eu partie. Ce qui conduit à la production d’exemples tout à fait courants dans les régions concernées, mais exotiques pour les oreilles non exercées (dont, sans doute, les oreilles belges !), comme : « je suis eu sortie avec ce gars » ou « il est eu venu boire l’apéro chez moi ». Le Grand Prix de linguistique et de philologie 2024 vient ainsi couronner un ouvrage voué à devenir la référence dans son domaine, et qui fournit une contribution de premier plan à la connaissance du système verbal du français. 

Rapport du jury : Marie-José Béguelin



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