|
|
|
|
Grand prix du roman 2024
Lauréat
Grégoire Polet pour Pax (Gallimard, 2024).

Photo © Francesca Mantovani - Éditions Gallimard
Autres finalistes
- Velibor Colic, Guerre et pluie (Gallimard, 2024)
- Claire Huynen, Ceci est mon corps (Arléa, 2024)
- Philippe Marczewski, Quand Cécile (Seuil, 2024)
- Véronique Sels, Portrait de Stéphane Mandelbaum (CFC, 2024)
Extrait de l’argumentaire du jury
Alors que l’année 2024 rend plus que jamais d’actualité la crainte d’une guerre mondialisée, Grégoire Polet nous embarque avec Pax dans un formidable voyage à la poursuite d’une idée folle : la conférence de la paix qui s’organise en 1919 sous la houlette du président Wilson et débouchera quelques mois plus tard sur le traité de Versailles. Parce que « la guerre ne vaut rien, ne vaut rien à personne », écrit-il. Ça démarre sur des chapeaux de roue (le paquebot qui emmène Wilson en Europe), ça ne ralentira plus puisque Grégoire Polet nous convie à un roman total, ambitieux, non pas sur la conférence de la paix mais autour de la conférence, d’une érudition riche et sans aucun esprit de sérieux. On y croise monsieur Lou, ambassadeur de Chine qui finira moine dans un monastère de Gand, Marcel Proust en lauréat fraîchement récompensé du Goncourt, Victor Kibaltchitch, alias Victor Serge, enterré dans le cimetière du Dieweg à deux pas de la tombe d’Hergé, Stefan Zweig qui croit si peu en la guerre en cet été 1914 qu’il rechigne à annuler sa visite chez Verhaeren, au risque de manquer le dernier train pour Vienne. Et la Malibran installée dans ce qui deviendra la maison communale d’Ixelles, et Marcel Thiry, et le chien Mitraille. Historien, Grégoire Polet ? Oh, si peu, mais romancier, oui, qui fait avancer son récit « à la manière d’un vol d’étourneaux », avec loopings et boucles de temps. Habile et gourmand, le récit nous perd, nous rattrape, c’est dense, foisonnant d’informations, entrecoupé d’incises et autres interruptions. Ah, les enfants sont rentrés de l’école ? À plus tard, Da Ponte, Goya, Clémenceau. Qui veut des crêpes ? Ce que Pax nous montre avant tout, c’est un créateur à son affaire, qui s’amuse et explore autant qu’il nous réjouit. « Des images viennent, c’est moi qui les commande », nous dit son auteur, ça tombe bien, c’est précisément ce qu’on attend d’un romancier. Il nous le confie, le livre ne s’est pas donné d’un seul tenant. Pour preuve, ce courrier adressé à son éditeur : oui il a tout repris au ligne à ligne, oui il assume la présence du « je » dans le texte. Le résultat ? Un livre-somme. « Tout fait écho, tout est présent », lit-on au détour d’une phrase. Merveilleux, le Prix du roman se veut précisément une forme de consécration. Est-ce à dire que derrière ce fascinant Pax la plume de son auteur risquerait de s’épuiser ? Rien de moins sûr, une bonne dizaine de projets futurs sont déjà annoncés au fil de la cavalcade (bon, c’est à peine exagéré). Et si Pax était d’abord destiné à devenir un documentaire pour la télévision, les lecteurs n’ont rien perdu au change. Donc, cher Grégoire, continuez d’avoir des projets de documentaires qui tombent à l’eau, et qu’ils se transforment en livres pour le plus grand plaisir de notre Académie. Rapport du jury : Nathalie Skowronek |