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Prix Découverte 2023
Lauréate
Sophie Vandeveugle pour Feu le vieux monde (Denoël, 2023).
Autres finalistes
- Eléonore de Duve, Donato, roman, Corti, 2023.
- Debora Levyh, La Version, roman, Allia, 2023.
- Cyprien Muth, Je ne veux pas me débarrasser et autres poèmes, poésie, tapuscrit inédit, 2023.
- Camille Pier, Scandale !, poésie, L’arbre de Diane, 2022.
Extrait de l'argumentaire du jury
Sophie Vandeveugle a 25 ans et la lucidité de sa génération. L’histoire qu’elle nous raconte est celle d’une guerre contre le feu, cet ennemi aussi meurtrier que les gaz asphyxiants dans les tranchées de 1914-1918, que les déluges de bombes en 1940-1945, que tous les massacres d’aujourd’hui.
Sauf qu’à une guerre, il y a toujours une fin. De cette guerre-ci on ne voit pas la fin. Ni de nos jours, où les catastrophes climatiques se multiplient, ni dans ce beau récit dont on a dit qu’il était une fable, une dystopie, alors qu’il nous apparaît comme plus vrai, plus actuel même que les prévisions apocalyptiques qui sont devenues notre quotidien.
Avec Feu le vieux monde, nous sommes loin des vaines COP, loin des engagements non tenus, loin de la résignation ou de la mauvaise foi, mais au plus près du cynisme de ceux qui poursuivent l’arrosage de leurs golfs impeccables et de l’angoisse des autres qui se battent pour leurs maisons, leurs enfants, leurs cultures et leurs bêtes. Nous sommes donc demain, ou après-demain, ou l’été prochain, ou le suivant, au moment où la terre nous dit adieu dans un déluge de feu. Déjà dans l’Enfer. Déjà dans le deuil de tout ce que nous aimions. Mais nous sommes aussi — enfin ! — dans l’action. Celle de gens qui se mobilisent, solidaires d’une faune sauvage dont les douleurs les bouleversent, hantés par la disparition fulgurante des paysages. Les yeux grands ouverts sur la monstruosité de ce temps et la beauté qui part en torche, Sophie Vandeveugle nous rappelle en filigrane comment on en est arrivé là. Mais elle nous fait sentir aussi que le courage et la lutte collective existent. Et la douceur. Et la lumière du vivant. Elle le dit au travers de personnages qui sans doute lui ressemblent, graves, lumineux, acharnés au combat.
Avec efficacité, alternant évocations puissantes et dialogues incisifs, elle donne à voir leurs lieux de vie, leurs gestes, leur épuisement ou le miracle d’une accalmie. Son écriture est sensible et musclée, évocatrice et précise. Un premier roman d’une impressionnante maturité.
– Caroline Lamarche |