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Lauréat :
Jorge Semprun.
Jury :
Marie-Claire Blais, Françoise Mallet-Joris, Pierre Mertens, Hubert Nyssen et Jean Tordeur.
Jorge Semprun raconté par Pierre Mertens :
Jorge Semprun, qui a écrit la plupart de ses livres en français et une langue magnifique , a cependant trouvé le temps de devenir durant quelques années Ministre de la culture en Espagne, son pays d'origine et ressuscité après quarante ans de franquisme. Or, exilé en 1936, il va entrer dans la Résistance en 1942, sera déporté en 1943 à Buchenwald. Il attendra dix-sept ans avant d'écrire son premier livre, Le Grand Voyage, comme s'il lui avait fallu tout ce temps pour retrouver sa voix aussi bien que sa voie. Il n'a pas, comme Robert Antelme, Jean Cayrol ou Primo Levi, travaillé dans l'urgence. Mais s'étant mis au travail, il ne s'est plus arrêté. Le Grand Voyage décrit moins l'intérieur du camp que l'aller-retour Compiègne-Buchenwald comme un paysage mental qui se découvre à nous par fragments et à coups de réminiscences. Un roman pour mieux déborder la vérité du simple témoignage. Une sorte de «recherche du temps perdu» concentrationnaire. De livre en livre, de Quel beau dimanche! à L'écriture ou la vie, l'écrivain poursuit son introspection, on pourrait dire : son anamnèse. Entre-temps, l'enfer du goulag aura été révélé au monde si bien que l'horreur semble ne pas pouvoir connaître de terme. Semprun, et quelques rares autres, ont promulgué la fictionnalisation d'un thème dont on aurait pu croire que seule la transcription de sa vérité littérale pourrait transmettre sa communication.
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