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Lauréat :
Boualem Sansal (Algérie) pour son roman Le village de l'Allemand (Éd. Gallimard).
Jury :
Gérard de Cortanze, Jacques De Decker, Françoise Mallet-Joris, Pierre Mertens, Hubert Nyssen.
Extrait de l'argumentaire du jury :
Le grand écrivain algérien Boualem Sansal était déjà l'auteur de quatre romans (repris aujourd'hui en collection Folio) lorsqu'il a fait paraître, tout récemment, Le village de l'Allemand. Comme l'écrivit Robert Verdussen, «la bureaucratie, la corruption, la résignation, une religion dévoyée n'étaient jamais apparues avec autant de lucidité que dans ses récits, impitoyables pour une Algérie telle que personne n'osait la dire. L'humour s'y disputait avec la colère, la désespérance avec la sensibilité, la cruauté avec un fragile espoir sitôt déçu».
Mais ces beaux livres en préparaient un cinquième, plus intense et impressionnant encore. Le village de l'Allemand est, à ce jour, de l'avis général, le sommet de l'art de cet écrivain qui approche de la soixantaine, à qui ses écrits ont valu de perdre son statut de fonctionnaire, et qui dès lors se consacre pleinement à ses livres. Il est parti d'un fait réel pour élaborer une fiction d'une rare ampleur, puisqu'elle se déploie autant en Afrique du Nord qu'en différents points d'Europe, et s'étale sur deux tiers de siècle. Deux jeunes Algériens exilés en France y découvrent que leur père, d'origine allemande, est venu faire souche dans leur pays pour effacer aux yeux du monde et peut-être aussi au fond de sa mémoire un passé nazi. Lorsque ses fils prennent conscience de leur ascendance, ils réagissent différemment, mais avec une toute aussi grande indignation.
Pour reprendre les termes de Robert Verdussen, «on reste sans voix devant la maîtrise et la lucidité d'un tel récit qui, à l'intérieur du triangle des dernières explosions de l'histoire, relie dans une synthèse audacieuse la Shoah, la guerre d'indépendance algérienne et l'intégrisme islamiste au cur des banlieues françaises». Boualem Sansal démontre que la meilleure littérature peut aussi nous conduire face au plus aigu des examens de conscience. L'Académie est fière d'inscrire à son palmarès un auteur de cette dimension, qui y fut précédé, il y a deux ans, par non moins que Jorge Semprun.
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