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Lauréat :
Laurent Demoulin pour son roman Robinson (Gallimard, 2016).
Jury :
Jacques De Decker, Jacques Charles Lemaire et Yves Namur.
Extrait de l'argumentaire du jury :
Robinson est un livre en marge des genres littéraires : ni roman, ni récit, mais un texte fascinant, écrit dans une langue précise, mesurée, élégante, envoûtante même.
S’il s’agit de parler de l’autisme, le narrateur évoque cet état avec délicatesse et pudeur, avec une attention remarquable au moindre geste de l’enfant qui est le sien, avec souvent aussi un humour étonnant et décapant, sans jamais éveiller en nous, lecteurs, un sentiment de pitié ou autre malaise.
Nous suivons ainsi Robinson et son père dans ce qui aurait pu être une vie ordinaire. Mais ici, rien n’est jamais ordinaire ni simple, tout peut apparaître comme une aventure hors norme. Que ce soit la traversée du super marché, la promenade au parc, que ce soit sur la table à langer ou à la piscine, l’auteur nous emmène en tous sens, parfois dans ce qu’on pourrait appeler un univers quasi « féerique » et surréaliste mais parfois aussi dans un monde où le scatologique domine tout quand ce n’est pas la violence même.
Ce livre représente, pour le corps médical, une immense leçon qui mériterait d’être entendue par les praticiens. Car si les savants californiens tentent, aujourd’hui, de décoder la biologie de cet état, Laurent Demoulin de son côté, plutôt intéressé par Roland Barthes et le plaisir des mots, accompagne les moindres faits et gestes de Robinson, pratiquant ainsi ce qu’on pourrait appeler, et j’ose le terme, une éthologie humaine. Une éthologie, parce qu’il rend compte des faits et gestes, mais aussi des réactions devant telle ou telle situation, parce qu’il montre aussi comment déjouer certaines situations scabreuses ou comment profiter, avec son fils autiste, d’une éclaircie.
Robinson, un livre bouleversant et qui encourage le lecteur à s’ouvrir à la différence, sans aucune réserve. Parce que : « Robinson, lui, ne ment jamais. Quand il jette un objet mou, qui atterrit à terre en silence sans que je m’en aperçoive, il me le montre avec une honnêteté confondante. Si, par un signe de la main, il m’indique son gobelet, c’est parce qu’il a vraiment soif et non, comme j’ai parfois tendance à le croire, pour attirer l’attention, pour rester dans la pièce que nous sommes sur le point de quitter, etc. Nulle ruse : la transparence de l’immobilité. » |