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Une hystérique pour carte postale
2 février 1972
Une mante religieuse qui mijote des petits plats fins pour son amant. Qui lui offre des pantoufles et le harcèle de nuit au téléphone. Une bête sexuelle, capable de sentiments passionnés, qui se fait objet, mais objet offensif, au sein apéritif et à la cuisse dédiée aux longs week-ends californiens. Une hystérique qui, si l'on tente de s'en débarrasser, éructe les pires insultes d'une voix de poissarde. Avec des yeux effarés et possessifs, une bouche en fente de tirelire, une jupe ceinture et un genou sur lequel affûter le désir, Evelyn est l'une des multiples admiratrices d'un présentateur de disques de Carmel, don Juan émacié, au museau de furet intelligent. Chaque soir, elle lui téléphone afin qu'il joue son disque favori, Misty, d'Erroll Garner. Un soir, dans un bar qu'il recommande à ses auditeurs, Dave, le présentateur, héros du film de Clint Eastwood Un frisson dans la nuit, est harponné en douce par son admiratrice. Il se laisse faire violence, d'autant plus que son amie, la blonde et adolescente Tobie, est momentanément absente. Toutefois Dave met les points sur les i : « Pas d'engagement. Une passade, et puis fini. »
Commence alors une danse de mort. D'abord lente, ensuite frénétique, toute en spasmes. Une danse ponctuée de crises de jalousie hystériques, ensuite de gestes criminels. Evelyn surveille les allées et venues de Dave. Elle intervient dans ses rendez-vous professionnels. Elle saccage son mobilier et lacère au couteau la servante. Dave est atterré. Il hésite entre la pitié et le dégoût. Ne sachant quelle attitude adopter, il sera débordé par la folie croissante d'Evelyn. Tout cela finira dans un bain de sang ; Dave et Tobie n'y échapperont que de justesse. Dans ces moments-là, on songe aux moins bons films de Robert Aldrich.
Un frisson dans la nuit est la première mise en scène de l'acteur Clint Eastwood, qui y tient également le rôle principal. Interprète d'une grande sobriété, il s'imposa définitivement grâce aux Proies, le chef-d'uvre (mal lancé en Belgique) de Donald Siegel. Est-ce par prudence qu'il débute par un film de deuxième catégorie, au rythme fouetté, au suspense ininterrompu quoique facile ? L'inquiétude larvée, l'érotisme, la violence sadique et l'angoisse déchaînée y alternent sans faiblesse. L'efficacité s'efforce de remplacer le style, qui fait tantôt appel à la photo magazine (amants enlacés dans une clairière, place que borde des arbres ultra décoratifs) tantôt à des plans dépouillés. Dans le rôle de Dave, Clint Eastwood ne convainc qu'à moitié. Certes, il fallait une certaine mollesse chez notre tombeur pour rendre crédible sa passivité envers l'effroyable Evelyn. Or, à cette mollesse, on ne croit pas tout à fait. Elle se manifeste plutôt comme une faiblesse d'interprétation, non comme un défaut inhérent au personnage. L'hiatus est peut-être subtil, mais il est sensible.
Enfin le personnage d'Evelyn, interprété avec conviction par l'agressive Jessica Walter, offre le défaut qui s'attache aux cas cliniques portés à l'écran. Ils sont rectilignes. Sachant qu'on peut s'attendre à tout, on ne s'attend plus à grand-chose. La progression s'avère toujours irréversible, et, sur le plan psychologique, le dévoilement du « cas » semble programmé. On n'a plus qu'à se laisser porter par les situations. Telle est la limite essentielle de ce film adroit, fait pour combler trop de gens, et qui laisse le spectateur sur sa faim, malgré une réelle maîtrise artisanale.
Un frisson dans la nuit (Play Misty for Me). Réal. : Clint Eastwood (1971, États-Unis). Scén. : Jo Heims et Dean Riesner. Avec : Clint Eastwood, Jessica Walter, Donna Mills, John Larch, Jack Ging.
Entretien avec Sidney Pollack
Regard traumatisé, bras écartés comme un plongeur qui attend le choc de l'eau, un homme se précipite hors d'un bâtiment fin de siècle, dans la foule bariolée d'un Manhattan où le drugstore jouxte la façade néoclassique. Il a découvert, abattus par des séides de la Cia, tous ses collègues de bureau qui font également partie de cette organisation. Imaginant ce qui le menace, il voit dans chaque passant l'image d'un liquidateur. Cet homme, c'est Robert Redford, l'écrivain traqué des Trois jours du Condor. Souffle tenu, le public du gala du 3e Festival international du Cinéma à Bruxelles, s'engouffre à sa suite entre les à pics de New York. Et la dernière séquence du film, loin de procurer une détente, assène à l'imagination du spectateur un ultime coup de cravache.
L'auteur de cette mécanique hitchcockienne qui fait le procès d'une bureaucratie devenue criminelle? Sidney Pollack, quarante ans, réalisateur, entre autres, de On achève bien les chevaux (1969, grand prix de l'Union de la Critique cinématographique) Jeremiah Johnson (1972), Nos plus belles années (1973). Au total : dix films. En préparation : une histoire d'amour dont l'interprète masculin sera Al Pacino.
Ce natif de South Bend, Indiana, a fait ses apprentissages dans le chaudron new-yorkais. Il a été l'assistant de Meisner à la Neighborhood Playhouse; acteur professionnel à Broadway. Il a travaillé avec John Frankenheimer pour lequel il a réalisé trois adaptations scéniques de Hemingway. Parti pour Hollywood avec l'entrain d'un pionnier, il s'y affirme bientôt comme un virtuose de la télé. Certains de ses feuilletons mobiliseront chaque soir des millions d'Américains. Citons : Dr. Kildare, The Fugitive (dont la fuite paraissait ne jamais devoir s'achever), Mission impossible, ainsi de suite.
Le début des années soixante le voit interpréter War Hunt, une pièce de Dennis Sanders, aux côtés de Robert Redford dont il deviendra l'intime. Mais c'est à la demande de Burt Lancaster qu'il met, pour la première fois, le pied sur un plateau afin de diriger la version américaine du Guépard de Visconti. En 1965, il accomplit un plongeon décisif : il dirige Trente minutes de sursis, son premier long métrage de fiction, avec Anne Bancroft et Sidney Poitier. On décèle dans cette uvre impersonnelle les procédés et l'optique du réalisateur de télévision. Avec Propriété interdite, tournée en 1966, le ton change, le métier se modifie et répond aux exigences du grand écran, une thématique s'esquisse : la crise que peut susciter un marginal au sein d'une communauté, à un moment bien précis de l'histoire américaine. Des Chasseurs de scalps à Les Trois Jours du Condor, en passant par Un Château en Enfer et Nos plus belles années, on assiste au drame de l'homme solitaire, souvent égoïste, qui décide finalement d'obéir à un code moral et de préserver ce qui justifie une culture.
Avec Sidney Pollack, l'Amérique s'efforce de retrouver une innocence qu'elle n'a jamais connue. Quelque chose qui participe à la splendeur originelle des grands espaces et de ses premiers habitants. Bref, une disponibilité intérieure qui évoquerait la liberté. Ce mot trop simple sur la signification duquel les philosophes continuent à s'interroger.
Écoutons maintenant l'homme, l'artiste et le technicien et voyons comment ils s'unifient.
Si l'on parcourt votre filmographie, ou plus directement, si l'on consulte sa mémoire, on est surpris de la diversité et des genres que vous avez abordés. De Propriété condamnée à Nos plus belles années, sans omettre Jeremiah Johnson et Un château en enfer, on passe d'une contrée à l'autre, d'un western à l'évocation d'une époque, d'un thriller à un film de guerre quasiment onirique.
Ces différences, je crois, sont de surface. Certes, les genres adoptés et leur traitement formel sont dissemblables, mais le lien est constitué par les personnages. Et surtout par le protagoniste central dont, en règle générale, on ignore le passé. Ainsi, dans Propriété condamnée, Robert Redford est un inconnu qui, un beau matin, descend d'un train dans une localité du Sud. Qui est-il, que fait-il? Il bouleverse l'existence de son entourage. Il agit comme un révélateur de caractères. Il oblige chacun, et lui-même, à se montrer sous son vrai jour. Mieux : à s'assumer totalement, qu'on soit lâche ou téméraire. Dans Jeremiah Johnson, le film débute également par l'arrivée de Redford qui, cette fois, débarque d'un navire. Dans On achève bien les chevaux, Michael Sarrazin surgit dans l'un de ces gigantesques halls transformés en dancing qui singularisaient, à l'époque, la côte californienne. De même, dans un film plus ancien, Les Chasseurs de scalps, Burt Lancaster, après douze mois dans les Rocheuses, regagne son domicile avec, pour toute compagnie, ses deux chevaux. Ne semble-t-il pas, lui aussi, émané du néant, jailli d'un sol vierge? Beaucoup de mes films se présentent comme une boucle qui se referme. Sorti de son anonymat, l'écrivain raté des Trois jours du Condor est acculé, dans la dernière séquence, à s'y replonger. Vivra-t-il longtemps traqué par la Cia? Réussira-t-il à refaire sa vie ailleurs? Sera-t-il abattu par des agents anonymes avant que s'achève la journée?
La majorité de vos héros, ou antihéros, sont des solitaires. Et l'on ne pense pas exclusivement à Condor ou à Joe Bass, mais au jeune couple très entouré de Nos plus belles années. Toutefois ce sont des solitaires qui se rebellent contre les circonstances. Êtes-vous un solitaire?
C'est vrai. Pourquoi cet attrait? Franchement, je l'ignore. J'obéis à une impulsion dans le choix de mes protagonistes. Socialement, je suis un homme comblé. Je suis marié depuis dix-sept ans, j'ai trois gosses que j'adore, j'exerce un métier qui me passionne et puis me permettre les fantaisies que j'affectionne. Et cependant, en tant qu'artiste, je suis concerné par la solitude. Peut-être parce que je ressens l'agressivité de la société américaine. Parce que, fasciné par les gens et surtout par les inconnus que je croise lors de mes déplacements, je m'aperçois de leur isolement, de ce qui les blesse ou les trouble.
En visionnant Les Trois Jours du Condor, on se dit que, sur le plan de l'intrigue, on pourrait substituer à la Cia une organisation différente. On pourrait même, sans danger pour le suspense, transférer l'histoire entière à une autre époque.
En effet, puisque le vrai sujet, c'est l'homme agressé par un pouvoir malade. Pour moi, la Cia est moins la Cia qu'une forme de bureaucratie dénaturée. On doit pouvoir en trouver des équivalents au dix-neuvième siècle, durant la Renaissance, sous les fascismes allemand et italien.
Quand vous avez lu le récit dont s'inspire Les Trois Jours du Condor, avez-vous d'emblée réagi à la marginalité du héros ainsi qu'à une bureaucratie devenue folle?
À vrai dire, non. Les trois éléments qui m'ont sensibilisé, ce sont la suspicion, l'isolement brutal et un courage confiant. Par ces deux derniers mots j'entends ce qui permet à Redford de ruser et même d'acculer ses adversaires. C'est la même vertu qui inclinera Faye Dunaway, chez qui Redford s'est installé de force et a tenté d'expliquer ce qui lui arrive, de sympathiser avec ce fugitif surgi du crépuscule de Brooklyn, sans passé, et de lui prêter main forte. En réalité, dans ce film-ci, comme dans Jeremiah Johnson, Château en Enfer ou Yakusa, le courage vient de l'obstination de l'homme à survivre. C'est dans cette mesure que moi, auquel on a reproché de concevoir des oeuvres pessimistes, je suis positif à l'égard du futur. Les circonstances dans lesquelles naviguent les États-Unis et le reste de la planète m'accablent, mais l'énergie des marginaux, leurs parades, voilà qui me fortifie !
Sitôt que vos personnages se débattent dans un étau, l'atmosphère des lieux acquiert un aspect onirique, insolite. On pense à Redford qui, fuyant hors du bureau de recherches où il a découvert les corps abattus de ses collègues, s'imagine qu'une mère de famille à verres fumés, penchée sur la voiture de son bébé, est en réalité un tueur déguisé dont la poussette contiendrait une arme. On pense à Burt Lancaster dans Un Château en Enfer, isolé avec ses hommes dans un château des Ardennes, parmi un faste et une tranquillité qui jurent avec les bois où rôdent les fantassins allemands et que le canon peut enflammer à tout instant.
Quand le traintrain du quotidien vole en éclat, l'image des lieux subit une modification. Chaque détail grossit, chaque personne est un Janus. On marche dans ses propres projections.
Êtes-vous sensible à la psychanalyse?
Je m'y suis beaucoup intéressé. Toutefois je refuse à cette préoccupation de se manifester. Il faut que la connaissance qu'on possède des complexes, des traumatismes, bref de tout l'arsenal des symboles, reste dissimulée. Je suis pour la suggestion. Et d'ailleurs c'est l'intuition, non la réflexion consciente du réalisateur, qui doit diriger le personnage.
Depuis vos débuts, vous avez toujours inscrit à vos génériques des noms fameux : Lancaster, Redford, Sidney Poirier, Nathalie Wood, etc. Lancer un inconnu, cela ne vous tente pas?
Oh, si ! Et je compte bien, un jour, m'adresser à des débutants. Si, jusqu'à présent, je me suis entouré de visages familiers, eh bien, cela vient du développement de ma carrière, à mille impondérables sur lesquels on n'a pas toujours barre.
Vos apprentissages cinématographiques se confondent avec la télévision. Des feuilletons comme The Fugitive, Dr. Kildare, The Naked City ont été de gros succès. Encore que ce médium diffère beaucoup du cinéma, il a dû, j'imagine, vous influencer. Que vous a-t-il exactement appris?
La télé était une sorte d'école, presque de laboratoire. Prodigieusement excitant ! On ne s'y heurte pas aux pressions économiques de l'industrie hollywoodienne. On s'initie à une masse de ressources, on s'y familiarise avec un appareillage up to date, bref, on s'assouplit. On peut même réaliser des choses folles, parce qu'on y rejoint le rythme de l'éphémère.
De tous vos films, le plus déconcertant voire le plus magique, n'est-ce pas Un Château en Enfer? Vous n'avez peut-être jamais été aussi loin dans l'expression du temporel et de l'intemporel mêlés.
Ah, c'est mon favori ! Je lui garde une réelle tendresse. Inutile de vous dire qu'il a été mal accueilli. On l'a jugé bizarre, inclassable. L'union du rêve et de la réalité, mais avec l'accent posé sur le rêve, y était totale. J'aimerais pouvoir le refaire et y mettre tout ce que j'ai appris depuis. Qu'y trouvait-on? Un groupe de militaires américains, pour qui l'Europe était une vision surgie de la seconde guerre, et que les opérations avaient momentanément isolés dans un château des Ardennes. Un endroit baroque, nourri de traditions, un havre intemporel. Et ces gens de races et d'extractions différentes, ce cow-boy, cet historien d'art, cet Indien, ce Noir, ils se retrouvaient là sur une planète inconnue. Or, dans cette situation folle, on les voyait agir avec héroïsme. Et même avec respect à l'égard de valeurs culturelles qui leur étaient étrangères.
Des gens qui développent un sens aigu des responsabilités en des circonstances qui les dépassent, c'est décidément votre thème majeur
Mais oui. Et j'ajouterai encore ceci : me frappent dans la vie les trésors de qualités nobles que les gens gaspillent en des situations aberrantes. Ou bien c'est l'opposé : l'Église qui s'acoquine avec des tyrans, des politiciens doués qui se lancent dans des combines ignobles. Même confrontés avec une mort violente, comme dans Un Château en Enfer, les gens s'alignent sur des règles.
Votre temps doit être absorbé par la lecture de scénarios, de livres
Terrible ! Un à deux scénarios par jour. Plus deux à trois livres que je parcours et que je lirai jusqu'au bout s'ils m'accrochent. Bien sûr, un scénario peut se réduire à l'élaboration d'une idée, cela ne fait jamais que trois ou quatre feuillets dactylographiés. Voyez (il ouvre un sac de toile gonflé de manuscrits annotés et de plusieurs bouquins). Comment je choisis mes livres? Eh bien, je hume le texte, je me promène entre les mots et, parfois, je distingue le déclic, l'amorce d'un sujet filmique. Bref, ce n'est pas l'intellect qui fonctionne mais l'instinct. Peu de textes se prêtent à la visualisation. Dans le roman dont s'inspire Les Trois Jours du Condor, l'action se déroulait uniquement à Washington. Visuellement, cela posait un problème. On aurait encaissé pour contrepoint, dans la majorité des extérieurs, soit la Maison-Blanche, soit le Congrès, ou bien la statue d'un politicien célèbre. Le symbole tarte à la crème, quoi. C'est pour éviter cet écueil que j'ai choisi New York, mais aussi pour l'atmosphère du lieu.
Le seul genre que vous n'avez pas abordé, c'est la comédie, le film carrément drôle. Pourquoi?
Et pourtant j'aime rire ! Un jour, je m'y mettrai, je tournerai une comédie, mais il faudra que la sous-tende une solide dose d'expérience vécue.
Avez-vous d'autres passions qui nourrissent votre métier?
Je suis très sensible à la musique. Moi-même je pratique la guitare et le piano. Bien entendu, je joue d'oreille. Également de l'harmonica. C'est l'un de mes passe-temps favoris dans ma résidence secondaire en Utah. Je privilégie naturellement les musiques qui m'inspirent : le jazz des années cinquante, la chanson, un certain pop mais pas le rock violent , des classiques européens. Tenez, hier après-midi, à l'hôtel, j'ai allumé la télé; il n'y avait pas d'images sur l'écran, mais on distinguait une voix inconnue qui chantait en français. Ravissant ! Je ne comprenais qu'à moitié les paroles, mais cela permettait de broder une histoire. J'aime le son du néerlandais, Jacques Brel psalmodiant Marieke, Marieke. Au fond, ne pas saisir les paroles peut devenir un excitant pour l'imagination. Lorsque Michel Legrand a composé la partition d'Un Château en Enfer, j'aurais aimé lui commander, à titre personnel, quelques heures de musique enregistrée sur bande. J'aurais improvisé un scénario, fait évoluer des personnages sur ces ondes sonores.
Quelle est votre détente préférée?
Réunir des amis, les Redford par exemple, qui sont mes voisins, et le pianiste de jazz Dan Grusin qui improvise pendant que je cuisine.
On dit que vous êtes un photographe doué
Je dispose d'un Nikon, d'un Leicaflex et je me suis fait installer une chambre noire. La photographie, que je pratique constamment, est l'une des approches essentielles de mon travail de réalisateur. Tantôt, je cède au plaisir de la nature morte, tantôt d'un paysage d'automne ou d'une rue déserte. Mais les gens, avec leur démarche, leurs tics, leur physionomie fugitive, constituent mon ordinaire. Lorsque je voyage, j'aime me balader et observer. Demain, à onze heures du matin, je débarquerai à Paris et m'offrirai une longue flânerie apéritive avec, pour témoin, un petit Rolleiflex de poche. Avec le Nikon ou le Leica, je suis tenté de changer trop souvent d'objectifs.
Un critique américain a parlé de votre philosophie de la vie. Comment la résumeriez-vous?
Si, techniquement, je suis d'une exigence extrême; si j'organise mes plans avant de tourner deux ou trois séquences; si j'indique des mouvements de caméra; si je sais également vers quoi je tends, je ne suis pas juge de tout ce qui est impliqué dans le résultat final. Aux critiques d'exposer la signification de mes films !
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