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Les premières lettres du dossier ne laissent pas prévoir cette intimité tardive. Elles sont utiles néanmoins pour poser l'un en face de l'autre les poètes et leur poésie. Nous en citerons les passages essentiels.
De Paris, le 27 mai 1893, Albert Mockel s'adresse à Max Elskamp pour s'excuser. C'est un de ses moyens favoris. Il souffre à la pensée d'avoir agi avec désinvolture, d'avoir pu froisser, de s'être mal fait comprendre. Dans une lettre antérieure, et que nous n'avons pas, Elskamp a dû protester contre une expression dont se serait servi son correspondant, qu'il n'avait pas remercié de l'envoi de Chantefable un peu naïve; silence qualifié par Mockel de « usage anversois ».
Mockel écrit :
Mon cher Poète,
Je suis désolé de vous avoir peiné, comme j'ai dû le faire cruellement, par l'envoi de ce mot injuste. Cependant vous vous êtes mépris ou je me suis bien mal exprimé : les mots «usage anversois» n'impliquaient de ma part rien autre chose que la supposition d'habitudes locales diférentes des nôtres; c'est ainsi par exemple qu'il est d'usage, paraît-il, de ne point répondre à l'envoi d'un livre scientifique. Ma lettre n'attaquait point. Je me défendais simplement du reproche contenu dans la vôtre. Voilà qui est bien mis au clair, n'est-ce pas, et j'espère que vous ne me tiendrez pas rancune.
Le livre, perdu à la poste, n'était réellement pas parvenu à Elskamp. Mockel lui adresse un autre exemplaire «en témoignage», écrit-il, «d'une sincère sympathie jointe à une haute estime littéraire». Comme il vient, de son côté, de lire Salutations dont d'angéliques, il donne aussitôt son appréciation :
Elles continuent avec bonheur et harmonie l'oeuvre nouvelle que vous avez commencée par «Dominical». J'apprécie bien haut votre simplicité d'art et ce que vous avez trouvé de tranquille et pur vertige dans la chanson populaire. Vous avez votre manière à vous, que vous avez choisie avec discernement et qui est capable de nous donner des impressions neuves et franches lorsqu'elle sert à révéler un poète tel que vous. J'admire ce qu'il y a en vous de pénétration des âmes enfantines qui sont, je crois, le fond de tous les hommes, et votre grâce à les traduire en doux balbutiements qui tiennent de la chanson que l'on f redonne et de la prière qui se chuchote. C'est vous dire, mon cher Poète, que si je ne puis pénétrer entièrement dans votre art et en goûter toutes les saveurs la différence de race est si grande entre nous j'en admire sans réserve la tendance et, à maintes pages, la réalisation. Je vous aime là où votre simplicité est la plus simple et votre intention la plus claire, là où la divine émotion du vers peut nie mettre en communication directe avec vous. Mais je vous admire surtout parce qu'il y a en vos livres un effort très particulier et que vous êtes un poète personnel.
À quoi Max Elskamp répond dès le lendemain :
J'ai reçu cette fois votre beau livre et l'ai placé en ma bibliothèque auprès de ceux que j'aime le plus infiniment. C'est un criterium, n'est-ce pas? Je vous remercie donc, mille fois encore mon cher Poète, de l'honneur que vous avez bien voulu faire au très humble ouvrier que je suis.
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