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L'affaire De Coster - Van Sprang
de Raymond Trousson

Raymond Trousson : L'affaire De Coster - Van Sprang

Genre : Essai
Collection : Histoire littéraire / Poche
Format : 11,5 x 18 cm
Nombre de pages : 166 p.
Date de publication : 1990
Prix : 9,50 €

À propos du livre

Un dossier inédit, découvert dans les archives du Musée de l'armée, permet de reconstituer ici un épisode de la vie de Charles De Coster. Des lettres et les minutes d'un interrogatoire mené devant une cour d'enquête militaire éclairent la conduite de l'écrivain appelé à défendre sa sœur contre les entreprises d'un escroc au mariage et provoquant en duel un officier indélicat. Ces pièces, analysées et commentées, mettent au jour une affaire demeurée jusqu'ici inconnue et constituent un témoignage curieux sur les mœurs de l'époque.

À propos de l'auteur

Raymond Trousson, professeur émérite de l'Université libre de Bruxelles, est l'auteur d'une biographie de Rousseau et de nombreux ouvrages consacrés aux écrivains et penseurs du siècle des Lumières. Il est membre de l'Académie royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique.

Lire un extrait

Vers 1864, Charles De Coster avait fait la connaissance du docteur Louis Watteau, un exilé français du second Empire qui avait fui en Belgique les rigueurs du régime de Napoléon III. Frotté de littérature, vaguement homme de lettres lui-même, Watteau était devenu le médecin d'Eugène Van Bemmel, professeur à l'Université libre de Bruxelles, et l'ami de l'écrivain et critique Charles Potvin. Par leur intermédiaie, il avait bientôt sympathisé avec l'auteur des Légences flamandes et des Contes brabançons dont le réjouissait l'imagination toujours en ébullition.

Watteau était lui aussi le lieutenant du révolutionnaire Blanqui, le théoricien de l'insurrection permanente, qui purgeait alors, à Sainte-Pélagie, une de ses nombreuses condamnations. Pour tromper l'ennui, le prisonnier étudiait les diverses manifestations du fanatisme religieux dans l'histoire et priait Watteau de lui expédier de la documentation. Le docteur songea aussitôt à confier ce travail à De Coster dont il savait l'étendue des connaissances et qui avait été pendant quatre ans, jusqu'en janvier 1864, employé au secrétariat de la Commission royale pour la publication des anciennes lois et ordonnances. Légendes populaires, chambres de tortures, procès de sorcellerie n'avaient plus de secret pour lui. Ravi de servir la cause de l'anticléricalisme, De Coster se met à la tâche et procure à Blanqui des notes dont la précision et l'érudition ravissent le docteur Watteau.

Pourquoi ne pas offrir à ce collaborateur intelligent un rôle plus actif? Justement, Blanqui projetait de lancer un bihebdomadaire, le Candide. L'écrivain pourrait y donner des textes littéraires qui compenseraient un peu l'austérité de la feuille. Pourvoyeur de copie? Cela tombait bien : De Coster en avait plein ses tiroirs. Et puis, il tenait en réserve l'épais manuscrit de son Thyl Ulenspiegel. En publier des chapitres dans un journal parisien, lui diasit Watteau, voilà qui «servirait de réclame pour trouver un éditeur». L'aventure parisienne, De Coster y a songé déjà, quelques années plus tôt, mais il a renoncé, pour ne pas peiner sa mère. Cette fois, confiant en son nouveau livre, persuadé que les blanquistes lui ouvriront les portes du monde des lettres, il accepte.

La proposition vient à point nommé : il se sent déprimé, excédé. C'est qu'«il vient d'avoir, confie Watteau à Blanqui, le 3 novembre 1864, tout plein d'affaires de famille, sa sœur, son officier, un duel, le diable et son train». À l'impatience d'entrer dans l'arène littéraire se joignaient donc des mots personnels de change d'air et de milieu. Le 7 mai 1865, Watteau annonce l'arrivée de Charles à paris pour le 11, mais en faisant aux blanquistes une singulière recommandation. Il faudrait en effet, dès réception de sa lettre, qu'on expédie à Mme De Coster un télégramme ainsi libellé : «Maman, je suis bien arrivé et demeure Hôtel Fleurus.» Pourquoi ce mensonge de collégien et que pourrait bien faire De Coster de ces journées de liberté? Watteau s'en explique : «Ses parents sont très inquiets en ce moment. Ils savent qu'il a une affaire à terminer, à Tournai, avec un officier de la garnison. Le voir partir directement pour Paris devient une sorte de bonheur pour eux, attendu que ce départ éloigne la possibilité du duel que l'on pressent. De Coster, au contraire, veut terminer l'affaire avant son départ pour Paris.»

Quel officier? Quel duel? Et qu'avait à voir là-dedans sa sœur Caroline? Faute d'informations, les allusions du docteur Watteau devaient demeurer sibyllines. Or l'escapade furtive à Tournai était l'épilogue d'un long drame familial dont le lever de rideau avait eu lieu quelque sept ans auparavant.


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