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Essai sur la valeur exégétique du substantif dans les Entrevisions et La chanson d'Ève de Van Lerberghe
de Jean Guillaume
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Genre : Essai
Format : 16,5 x 25,5 cm
Nombre de pages : 304 p.
Date de publication : 1956
Prix : 17,35 €
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À propos du livre (extrait de l'introduction)
Proposé parfois comme le sommet du symbolisme, Van Lerberghe a déjà fait l'objet de nombreuses études. Outre les travaux que lui ont tour à tour consacrés Albert Mockel, Fernand Severin, Lucien Christophe, Claire Michant et, voici peu, Henri Davignon, plusieurs mémoires universitaires et pas mal d'articles contribuent à éclairer généreusement sa figure. Hélas! tant de recherches n'ont pu, semble-t-il, livrer le dernier mot d'une uvre aussi attirante. «On se contente de la tenir un peu à l'écart, comme si la courte vie de l'auteur et le petit nombre de ses pages dispensaient de se prononcer.» À côté de problèmes historiques souvent résolus avec bonheur grâce à la révélation de pièces importantes, l'exégèse d'une poésie «qui a jusqu'ici paralysé quelque peu la critique par son hermétisme et son incantation» ne peut guère se prévaloir de pareil succès. Récemment, une explication d'ensemble de La Chanson d'Ève a bien été fournie. «Mais il nous manque une analyse plus minutieuse, plus détaillée; il faut avoir la patience de dégager le sens général et la portée de chaque poème et la suite précise des idées
L'étude de la trame de l'uvre devrait conduire à d'autres problèmes non moins intéressants, dont la solution projetterait quelque lumière sur le poème et sur son unité : la nature de la tentation d'Ève et de sa «faute», la qualité du tentateur, la personnalité d'Ève, sa signification... »
Aussi, après avoir orienté nos premiers travaux vers la biographie, considérée dans ses rapports avec l'inspiration, et le rythme, nous avons senti qu'un message aussi fuyant devait d'abord être saisi dans son âme même. Comment, en effet, une poésie mystérieuse se résignerait-elle jamais à livrer son chiffre à une enquête fondée avant tout sur l'observation matérielle? Nos instruments paraissent bien émoussés pour un art aussi subtil, fait d'évanescence, de ruse, de mirages, d'«Entrevisions» le meilleur de la proie leur échappe, le chant intérieur.
Peut-être l'artiste n'en voulait-il point davantage, lui dont la manière originale et captieuse consiste en un secret refus du procédé traditionnel. Décevoir : toute la stratégie du poète. Décevoir l'attaque, en n'élevant que des remparts de féerie décevoir la chasse, sur un terrain qui se dérobe à tout coup les logiciens s'en retourneront, giberne vide; enfin, prisonnier de son propre jeu, se décevoir soi-même, sort troublant réservé à Ève au terme d'une longue patience.
Un seul moyen de réduire ces défenses : travailler sur des données psychologiques implicites qui nous livrent, à l'insu de l'auteur, son intimité, « sa secrète architecture ». Tout être, par le seul fait de son existence, obéit à des constantes où il se raconte. Le nier équivaudrait à refuser la vie, qui est continuité, pour se perdre dans le morcellement. Le beau Dieu, l'ange du sourire vivent de la cathédrale entière. C'est afin de mieux atteindre ceux-là que nous avons d'abord cherché à connaître celle-ci.
Pour élémentaire que soit la pure statistique, elle nous offre, cependant, de précieuses indications. Nous avons donc fait le relevé de tous les substantifs, établi leur fréquence et saisi de la sorte les termes favoris de l'auteur. Sous ces derniers, et en commençant par la série la plus nombreuse, nous avons tâché de découvrir progressivement l'inspiration unique. Ainsi amené à prospecter des secteurs considérables, nous avions d'autant plus de chance de pressentir et de cerner le dessin général de l'uvre. La réussite éventuelle devrait sans doute nous fournir avec un maximum de probabilité la dimension principale de cette poésie.
Théoriquement, l'idée d'un examen du verbe qui constitue, avec le substantif, l'armature de la phrase se défendait. Mais la fréquence supérieure du nom offrait à l'enquête l'avantage considérable d'un point de départ plus sûr. L'analyse complète d'une uvre ne se passera cependant jamais des lumières du verbe. Celui-ci fournit à la traversée un nouvel éclairage et permet de compléter, en les précisant, les nuançant, les corrigeant au besoin, nos premières découvertes. Poussera-t-on plus loin l'investigation? Seule la nature de la poésie étudiée pourra nous orienter. Ainsi, un travail sur Verhaeren exigera normalement l'étude de l'adverbe. Il semble bien, par contre, que le climat de Van Lerberghe tienne en partie aux adjectifs.
Il s'agit, on le voit, d'une méthode par approximations, par affinements successifs. Fondée sur la quantité de manière à procurer un départ objectif elle fait rapidement appel, pour l'unification des données, aux trésors de l'intuition. Sous le signe de l'équilibre, puissent Animus et Anima consommer glorieuse-ment l'aventure.
Le présent travail voudrait seulement démontrer la possibilité en même temps que l'efficacité d'une telle analyse. Aussi s'est-on délibérément limité à l'examen d'une seule espèce grammaticale : le substantif. Nous ne construisions pas avant tout une exégèse, mais une méthode; nous avons donc préféré conserver à la recherche sa réalité, faite souvent de tâtonnements, de repentirs. Par souci de clarté, toutefois, nous avons souligné la fragilité de certaines interprétations en annonçant dans une note le correctif ultérieur. Nos conclusions les plus apparemment définitives restent donc toujours ouvertes. Pareille précarité ne saurait effrayer : à mesure qu'elle s'approfondit, l'étude entreprise souffre de moins en moins de ces coups du sort. Si une transformation s'impose çà et là, c'est plutôt sous l'aspect d'un enrichissement que d'une négation; peu à peu, l'intuition fondamentale acquiert de l'assurance, s'amplifie; elle donne à l'uvre plus de vibration, de nombre, de résonance.
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Lire un extrait
Extrait du CHAPITRE I : À la recherche de la donnée centrale
Dans ce chapitre consacré à l'ensemble des deux recueils, nous tâchons de grouper sous quelques dominantes les 145 extraits où la fleur intervient. Un premier pas vers la découverte de la donnée centrale est ainsi accompli.
À cet endroit de la recherche, les textes parlent naturellement trop peu pour susciter une discussion féconde. Au reste, le mot fleur lui-même comporte le plus souvent une signification obvie qui, provisoirement du moins, satisfait.
Reine des deux recueils, ou peu s'en faut, la fleur ne se rencontre pas moins de 145 fois. En elle se retrouvent toutes les phases du drame humain ; si le poète a recouru à ce mode mineur, c'est en raison du cadre même de sa vision.
La fleur évoque la femme, d'abord :
Toute, avec sa robe et ses fleurs,
Elle, ici, redevint poussière. (E 254, 255)
La Beauté, rêve
Et dans sa main porte une fleur. (E 656, 659)
Mes seins ont la courbe gracieuse
des fleurs. (E 1034, 1035)
Cette coupe de mon sein,
Où, à l'entour d'une fleur close,
Court une branche. (C 895-897)
sache
Sous chaque fleur blanche
Voir une fille qui se cache. (C 1046-1048)
«Que tu es belle ainsi, sur mortelle
Semblable à quelque fleur étrange de l'Éden.» (C 1067-1069)
La sirène n'est qu'une apparence
Quelque illusoire fleur. (C 1175, 1177)
Ah! reste hésitante, ainsi, incertaine,
Nymphe à mon âme, fleur à mes yeux. (C 1382, 1383)
Vers son sein nu la fleur allonge
Son long col frêle
(C 1452, 1453)
La longue, pâle fleur a mis,
Silencieusement sa bouche
Autour du beau sein endormi. (C 1455-1457)
Vous aussi, divines Fleurs,
Êtes mes surs. (C 1858, 1859)
L'idée de grâce et de beauté surgit comme un corollaire de l'aspect de féminité symbolisé par la fleur :
Mes seins ont la courbe gracieuse des flammes
Et des fleurs. (E 1034, 1035)
Je veux m'asseoir ici,
Entre ces fleurs;
L'heure y est belle aussi. (C 568, 570, 571)
Sa belle queue
Traîne
Parmi les fleurs. (C 857-859)
Une fleur au soleil se penche
N'est-ce pas un cygne enchanté? (C 1448, 1449)
De mes pieds clairs à ma tête blonde,
Toute par eux jonchée de fleurs. (C 1778, 1279)
O Fleurs qui vous jouez dans l'air du Paradis. (C 1858)
ces beaux rivages où croît
La fleur de l'hyacinthe et la fleur du dictame. (C 2058, 2059)
Tu es l'innocence et la fleur de la terre. (C 469)
Et l'ange, tandis qu'ils allaient,
L'enlaçait et posait
Dans ses clairs cheveux plus longs que ses ailes,
Des fleurs. (C 6oi, 603-605)
La Beauté rêve dans ses ailes,
Et c'est comme une étrange sur ;
Elle est faite de choses frêles
Et dans sa main porte une fleur. (E 656-659)
Oh! que sa main est petite et blanche!
On dirait une fleur qui penche
(E 136.7, 1368)
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Table des matières
Avant-propos
Introduction
Chapitre I : À la recherche de la donnée centrale
Chapitre II : La donnée centrale
Section I
Section II
Section III
Paragraphe I
Paragraphe II
Chapitre III : Articulations du drame
amour
Dieu
néant mort
Dieu amour
rose
arbre
bonheur
poussière
ange
bonheur
fleur fruit
innocence
lys
serpent
beauté vérité
lumière ombre
soir
Vénus
vent
Chapitre IV : Couronnement sensoriel : Les anges
ange
Section I : sens d'ange (C 163-1614)
bosquet
matin
vallon
bois
Section II sens d'Ange et d'ange (C 1763-1941)
Section III : graphie des six mots-rois
Section IV anges masculins et féminins
Section V : aspects artistiques
Section VI : structure des cinq poèmes (C 1786-1922)
Chapitre V : Couronnement esthétique et psychologique : la danse
Section I : aspect naturiste
Strophe I
colombe
danse lumière
Strophe II
Strophe III
Strophe IV
nuit
Strophe V
fleur branche
Section II : aspect psychologique
Strophe VI
pomme
Strophe VII
serpent
enfer
Strophe VIII
colombe
Strophe IX
Strophe X
Chapitre VI : Déclin et résorption du drame
vérité
coeur
rose
hyacinthe
arôme
ombre
pensée
beauté
mort
rêve
clarté
sourire
Conclusion
Table des incipit
Bibliographie
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