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Il convient d'abord que nous justifiions, non plus dans l'abstrait, mais en fonction d'un récent procédé assez différent du nôtre, la méthode employée. En effet, au moment où nous rédigions notre étude sur le substantif (1953), M. Pierre Guiraud consacrait au vocabulaire symboliste une série de six fascicules précédés de normes explicatives. Tous les termes des oeuvres examinées sont relevés par P. Guiraud; les plus fréquents, mis à part les proclitiques, fourniront les mots-thèmes. Cependant ces derniers, comme tels, ne sont pas jugés assez expressifs. Aussi, prenant pour point de comparaison un ordre de fréquence établi sur l'examen de 1.200.000 formes censées refléter un état moyen de la langue, l'auteur ne retient-il comme mots-clés que ceux-là dont le rang varie davantage d'une liste à l'autre. Aucune interprétation n'est ensuite tentée.
On voit d'emblée les points de contact que présente avec notre méthode semblable travail. Il constitue en effet un effort parallèle au nôtre pour chercher dans la statistique un point de départ nouveau de l'exégèse. Le principe qui le meut est celui-là même auquel notre recherche s'est alimentée : importance de la critique interne, valeur reconnue aux mots, porteurs, comme tels, du secret d'un homme.
Sans doute, quelques différences séparent les deux systèmes : le recours à la comparaison dans la langue parlée. Toutefois il ne convient pas de creuser un fossé que dessineraient plutôt de simples détails. Car c'est dans le sillage, mais approfondi, du mot-thème que se situe le mot-clé. Chargé d'un principe d'intelligibilité nouveau, il présente moins une opposition qu'un complément à la notion du mot-thème; si l'on dépasse le cadre des appellations, on voit une réalité analogue couvrir les deux concepts, ici déterminée selon un processus simple, et là selon une voie complexe. Par ailleurs, la désignation pratique des mots-clés ne présente pas d'écart notable, dans ses résultats, avec celle des mots-thèmes. Au témoignage de P. Guiraud, «cet écart peut être aussi positif que négatif, mais on a évidemment peu de chance de rencontrer un écart positif important dans l'analyse des 5o premiers mots qui sont en principe les mots recherchés par l'auteur et non évités par lui».
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