Lire un extrait (début du chapitre 1 : Pièces à conviction)
Les chroniques que je reproduis dans ce volume et que j'attribue à Fernand Crommelynck n'ont pas été découvertes par hasard.
Divers éléments m'ont mise sur la voie où je devais les trouver.
Le peintre Albert Crommelynck m'a appris, le premier, qu'au début de ce siècle son frère, Fernand, avait passé un été à Ostende et qu'au cours de celui-ci il avait collaboré au principal journal de la ville, «Le Carillon». Le séjour devait, selon lui, se situer entre 1907 et 1909.
Le fait me fut confirmé par le metteur en scène Henri Storck, ami du dramaturge, et par le journaliste Victor Boin qui, à cette époque, rédigeait pour la feuille ostendaise des billets humoristiques signés Little Pitch.
J'ai lu les collections des années 1907 et 1909 du journal, dans les rares endroits où l'on puisse encore les consulter : la première, au Tabularium de la bibliothèque de Louvain, la deuxième, chez l'écrivain ostendais Robert Lanoye. Mais je n'y ai rien vu qui soit de la main de Crommelynck.
C'est à la bibliothèque de la ville d'Ostende, où j'ai examiné celle de l'année 1908, que je suis enfin tombée sur ce que je cherchais.
Mon attention fut attirée par une série de quarante-trois chroniques qui s'échelonnent sur près de trois mois (du 4 juillet au 26 septembre). J'y discernai immédiatement le tour de plume et la tournure d'esprit de Fernand Crommelynck. Elles étaient signées de deux initiales : non pas F.C., mais G.M.
Désorientée par ces deux lettres mystérieuses, j'entrepris cependant une nouvelle lecture qui, cette fois, m'apporta une certitude.
Dans la quarante et unième chronique du «Carillon» signée G.M., intitulée Les Ouragans, je reconnus les fragments de deux oeuvres que Crommelynck avait déjà publiées antérieurement sous son nom et que je ne tardai pas à identifier.
Le premier est extrait d'un de ses récits, pratiquement inconnu, Clématyde, paru dans une revue belge de 1906 et qu'on reproduit dans cet ouvrage.
Comparons l'un de ses passages à celui de la chronique de 1908 où il est visiblement repris.
«LES OURAGANS
Et puis, le soir, embusqué derrière l'horizon, s'élança. Les ouragans cinglaient maintenant vers l'astre immobile. Une lumière affolée incendiait les plaines, clamait partout l'effroi du soleil. La lutte s'engagea. Des hordes noires accouraient... Une vapeur blonde déterminait seulement le chemin qu'elles venaient de parcourir...
Parfois le soleil fou réapparaissait, suppliait d'un déchirant appel de clarté les villes épouvantées, puis retournait à la bataille où la débandade s'aggravait
»
«CLÉMATYDE
Le soir, embusqué derrière l'horizon, s'élança. Les nuages, cabrés dans le rut du vent enflaient la menace de leurs ventres noirs et cinglaient vers l'astre immobile. Une lumière affolée incendiait les plaines
, clamait partout l'effroi du Soleil. La lutte s'engagea
Des flottes livides, qui volaient à la conquête du Zénith, s'enflammaient tout à coup et une vapeur blonde déterminait seulement le chemin qu'elles avaient parcouru.
Par instants, le soleil fou réapparaissait, suppliait d'un déchirant appel de clarté les forêts terrifiées; mais, assailli de toutes parts, il retournait à la bataille où la débandade s'aggravait
»
La similitude des termes est frappante.
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