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Trois exposant trois
On préparait les jardins pour l'hiver et, dans la ville déjà, les vitrines s'égayaient à l'approche des fêtes. Le souvenir, celui d'un été torride, s'estompait, mais l'explosion des silos résonnait encore dans l'oreille de tous. Le grain en feu transformait les moissons en colonnes crépitantes. De l'embrasement à la ruine, poutrelles tordues, calcinées, l'usine était réduite au silence. On parla bien d'un acte criminel; l'enquête conclut néanmoins à l'accident. Le bilan soumis au conseil d'administration fut forcément négatif, mais ouvert aux indemnités des assurances, souscrites par Bertrand Gerbot en directeur avisé.
Stéphanos Dourkis connaissait toujours un vide au lendemain de ses expositions. Même le succès de ses peintures insolites n'amortissait pas ce trou d'air dans l'urgence d'être, dans ce besoin d'action qui l'animait en période de travail. Une presse élogieuse ne compensait pas; et pourtant : c'est par rapport au quotidien que le fantastique prend vie, en surgissant tout à coup, avait écrit un critique écouté, soulignant avec justesse sa démarche.
«Du blablabla», disaient certains; «On n'en a que faire», disaient d'autres. Et pourtant, de Baudelaire à aujourd'hui, quel est l'artiste qui n'a pas attendu, avec angoisse, l'adjectif qui accompagnerait son nom? Comme un enfant son bulletin? Peut-être. L'enseignement serait-il meilleur sans examens et la vie sans épreuves ou contraintes? Gagner, c'est toujours se vaincre.
Combattre son inertie, et la peur atavique du noir, Harrisson Thomas se souvint de cette nuit où, montant l'escalier en silence, Il y eut comme un glissement léger, dont je ressentis la vibration et, soudain passa sous ma main agrippée à la rampe, une autre main, toute froide, une main seule, qui n'appartenait pas à un corps
Était-ce un fantôme? La réponse à une attente oubliée? Rêvait-il? La porte du grenier était-elle ouverte? Était-ce un courant d'air mal interprété?
«Le fantastique, reprit Bertrand Gerbot, c'est l'incendie de l'usine, les maléfices du temps.
C'est la mise en place soudaine de la composition», répondit le peintre.
«Le temps d'un sein nu entre deux chemises», affirmait le poète.
L'instant multiple, ce rond-point où tout se concentre, où les flux, les chemins se croisent, et parfois font lever les récoltes du jour, grain de blé, de toile ou de peau, les interlocuteurs avaient en commun un regard clair. Et pourtant différent. L'un fixait son vis-à-vis, l'autre songeait à des cimaises, le troisième alimentait des feuilles de papier. Ils se réunissaient le soir pour échanger leurs impressions, les mélanger, les battre, les faire revivre.
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