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Tome 1
Tous les vents se rencontrent dans mon cur
ceux du Nord
et ils traînent des fées tout en chevelures
et des cloches fêlées
et la sirène du bateau-fantôme
qui a respiré toutes les brumes et toutes
les légendes
ceux du Sud
et les infantes noyées élèvent
leurs bras ruisselant d'eaux et de fleurs
et le sable du simoun s'érige et retombe
en perles de fontaine
en fins ossements
ceux de l'Ouest
et des saxophones délirent
et la sainte-aux-courts-cheveux
élève ses yeux ceux de l'aventure
où sombrent des hélices exténuées
des voiles crucifères
ceux de l'Est
et ils font le bruit des invasions et des extases
et ils portent cent reines
qui meurent de traînes trop pesantes
de musique
et aussi la Cavalière
aux dents dures et tout en cuir
ceux du Centre
qui montent verticaux
élevant l'enfance-aux-cent-doigts coupés
ah
tous les vents dans mon cur se rencontrent
et se confondent
et je suis cette chose qu'on appelle un homme
exténuée de vertige et de féerie
Mes doigts sont sur les vitres
Derrière tombe la pluie chaude
engloutissant les cathédrales
Les belles faces de femmes
Les tours de fer
Les foules déjà jointes
celle des siècles
celle des créations
celle qui ne laissera ni building
ni forêt
ni croix
ni arche
ni cri
ni dieu
La folie aux yeux pers aux dents magnétiques
Tome 2
Nous qui eûmes alors quinze ans
nous ouvrions encor notre chambre
à l'obscure marée des songes
La nuit nous allions en secret
boire avec des trappeurs de l'Hudson des punchs bleus des neiges d'étoiles
Les icebergs venaient à notre rencontre
Les squales aux nageoires de soufre
traçaient au bord des profondeurs la courbe en biseau de la chance
Ou nous délivrions une Malaise mêlée aux lianes du soleil
qui nous donnait ses seins mauves
pour remercier nos yeux
Ainsi le matin nous trouvions aux franges de nos songes
d'étranges chevelures
sous-marines
et des algues
Sûrement un garçon semblable à moi
déjà criait de l'autre côté des plages
mais c'était pour annoncer qu'un cercueil de cristal
plein de coraux et de violettes
venait à ma rencontre au milieu de la mer
Herman disait qu'on ne savait quel Dieu
se défaisait dans l'espace invisible
Tome 3
Asie.
Au-dessus
des plaines de neige et de fourrure
où sont prises dans le verre
du gel,
des mains coupées
et des Bible que nul jamais
ne lira plus ;
au-dessus des plats canaux de boue
où jaunes, morts déjà jusqu'aux genoux
et la tempe déjà touchée
par les charbons volants du ciel,
les hommes,
des eaux tiret le riz et de leur gorge
un chant pareil ;
au-dessus
des mers végétales,
prurit
de pistils géants, de pétales,
chaude pulpe de fruit, de rut,
vagues jusqu'aux moussons portant
son écume de semences et ses lianes
et le barrissement de son amour et de ses âmes ;
au-dessus
des plateaux écrasés de soleil et de moissons,
hymne étales
de graines et de grains
Homme fauche, fauche le sol!
Soleil, fauche l'homme!
au-dessus
de ces rocs,
blocs amoncelés de planète,
cruels et nus, plus nus et plus cruels
à mesure
de l'azur, -
Asie,
escalier du ciel!
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