Académie Royale de Langue et de Littérature Françaises de Belgique
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Ernest Verlant

Ernest Verlant / Photo © Alban, ARB Membre belge littéraire du 14 juillet 1923 au 20 février 1924.
Successeur : Hubert Stiernet
Fauteuil 28

Biographie

Nous savons peu de choses de l'enfance d'Ernest Verlant. Né à Ypres le 11 février 1862, de parents bruxellois, et de lointaine ascendance tournaisienne, il accomplit des études classiques. En 1879, âgé de dix-sept ans, en classe de rhétorique, Verlant prononce à la tribune d'un cercle de l'Institut Saint-Louis, à Bruxelles, un discours sur la poésie. Il en définit la mission et le progrès, dans une vaste synthèse sur l'histoire du lyrisme à travers les siècles. Passionné par les mondes latin et grec, et en général par tous les classiques, il pose ainsi les premiers jalons d'une œuvre qui leur sera toute consacrée.

À Louvain, où il entreprend ses études universitaires, Verlant rencontre Giraud, Gilkin et Verhaeren, et ne partage pas toujours leurs idées. C'est qu'il est d'un tempérament réfléchi et porté à la gravité. Comme bien d'autres, il participe à l'aventure de La Jeune Belgique, où il signe des textes critiques, sur Taine par exemple, et des impressions artistiques consacrées notamment aux pièces d'Ibsen. Une grande partie de sa production comprend des études de ce genre. À la Revue générale, Verlant se penche sur Verhaeren, Gilkin, Veuillot, Loti ou Dante, montrant ainsi l'étendue de son érudition. Au Journal de Bruxelles, où il est devenu journaliste, il tient en 1897 et en 1898 la rubrique dramatique et artistique; il a l'idée originale d'écrire des Lettres parisiennes qui font croire au lecteur que le correspondant est bien introduit dans la vie de la capitale française. Sa carrière littéraire sera parsemée d'études sur les expositions de peinture et les salons, souvent signées du pseudonyme d'Érasme. Ses préférences personnelles iront à Vinci, Vélasquez et Van Eyck, auquel il consacrera des pages considérées comme magistrales dans un ouvrage posthume : La peinture ancienne à l'Exposition de l'art belge à Paris en 1923.

L'œuvre littéraire de Verlant n'est pas très abondante, et elle n'est pas connue du grand public. C'était déjà le cas de son vivant. Ses obligations de fonctionnaire le prennent tout entier, et dans ce domaine, son ascension suit une courbe logique. Dès 1891 — il a 29 ans —, il est chef de bureau, attaché au cabinet du ministre de la Justice. Sept ans plus tard, il est nommé chef de division à ce même ministère. Le reste de sa carrière se poursuivra aux Beaux-Arts. Directeur en 1899, directeur général en 1906, il deviendra inspecteur général en 1921. Auparavant, il aura accédé au titulariat à l'Académie des sciences, des lettres et des Beaux-Arts (Classe des beaux-arts) et sera devenu membre de la commission directrice et administrative des Musées royaux de Belgique.

La production littéraire de Verlant comprend moins de dix volumes, tous édités pendant les cinq dernières années de sa vie. La première guerre mondiale marque un tournant à cet égard. Verlant rédige dès les premiers mois de 1915 une sorte de réflexion systématique sur les événements que vit la Belgique face à l'invasion allemande. Il s'agit d'une longue dissertation sur les hommes et les faits pendant cette période où la guerre l'obsède. Celle-ci sert de toile de fond à des digressions historiques, artistiques ou philosophiques. L'Oeil sur les Ostrogoths ne paraîtra qu'en 1920, trop tard sans doute pour que l'esprit patriotique qui l'anime soit pris en considération. Mais ce livre est symptomatique de la préoccupation d'un homme face aux calamités et à ce qui l'anime à travers elles : le rejet du conflit armé.

Dans ce volume, Verlant évoque son incarcération. Il avait dû, en effet, subir un emprisonnement de trois mois pour avoir tenté de s'échapper du pays. Dans cette solitude forcée, il compose des Poèmes cellulaires, de facture classique, longue prière aux Muses dont il espère l'intervention, qu'il fait publier en 1921. Il écrit des Dialogues des morts en 1919 et en 1920, et un drame, Héraklès libérateur, en 1922. Sous le couvert du premier titre, il met en scène Lazare et le mauvais riche, entre lesquels une discussion philosophique s'engage sur le thème de la jouissance et de l'excès de gourmandise. Dans le second dialogue, Didon et Énée discutent de l'amour et de l'identité de leurs deux cités. Ces courtes pages sont écrites d'une plume alerte, et si Verlant aborde des thèmes sérieux, il le fait sur un ton badin, inspiré de son grand amour pour les classiques. Il en fera de même dans son Héraklès libérateur où il met en scène le héros dans un drame de la fatalité proche des tragiques grecs Eschyle et Sophocle, mais le ton familier et des scènes bouffonnes en atténuent la dimension épique.

Verlant s'est fait une spécialité des commentaires sur les œuvres d'art. Ses fonctions le conduisent à visiter les grands musées d'Europe et ses avis sont écoutés lorsqu'il s'agit d'enrichir nos collections. Dans sa production en volumes, on retrouve une conférence qu'il prononce en 1921 sur l'œuvre de Guillaume Vogels, un album consacré à l'art belge ancien et moderne, précédé d'un catalogue et de notices que Verlant rédige avec Fierens-Gevaert. Il donne pendant les dernières années de sa vie de nombreux cours et conférences sur l'histoire de l'art et de l'archéologie. Sa fin de carrière est cependant assombrie par des jalousies et des querelles qui mettent en cause son autorité de spécialiste.

Ernest Verlant est élu à l'Académie royale de langue et de littérature françaises le 14 juillet 1923. Ses compétences artistiques et la qualité d'un style classique, rigoureux et respectueux des règles strictes de la grammaire, ont mené ses pairs à reconnaître un talent qui est et restera méconnu. Il ne sera pas reçu : il meurt subitement le 20 février 1924, ayant ainsi le triste privilège d'être le premier académicien décédé depuis la fondation de la compagnie.

– Jean Lacroix



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