BIOGRAPHIE
Julia Bastin naît le 16 juin 1888 à Liège, où elle passe sa jeunesse. Après avoir obtenu le diplôme de régente à l'École normale moyenne de l'État, elle poursuit ses études dans une école privée, à La Haye, et en sort avec un diplôme qui lui permet d'enseigner le néerlandais. Elle est professeur à l'École moyenne de Braine-le-Comte de 1912 à 1914. Lorsque la guerre éclate, Julia Bastin passe en Angleterre, où elle fréquente, jusqu'en 1917, les cours de philologie romane, de latin et de néerlandais au Bedford College, qui fait partie de l'Université de Londres. Miss Johnson, ancienne élève de Paul Meyer, lui révèle la littérature française du Moyen Âge. C'est le point de départ d'une vocation définitive de médiéviste. Parallèlement à ses études, Julia Bastin est assistante de français, chargée de la composition française au même Bedford College, en 1916-1917. Elle enseigne ensuite pendant deux ans dans des écoles secondaires du Derbyshire, puis du Yorkshire. De 1920 à 1931, elle est à Paris, à l'École pratique des hautes études et à la Sorbonne, où elle suit les cours d'Alfred Jeanroy, de Mario Roques, d'Edmond Faral, d'Antoine Thomas et de Jules Gilliéron. Elle approfondit sa connaissance de l'ancien français et de l'ancien provençal.
En 1924, elle obtient le titre de diplômée de l'École pratique des hautes études. Cette même année, elle publie une «Vie de saint Éleuthère» dans la Revue des langues romanes. Cette édition révèle déjà un double souci, qui restera présent chez elle, celui de la concision et celui de la clarté.
En 1926, elle collabore avec Eugénie Droz à la publication des Subtiles fables d'Ésope, où elle se charge d'un chapitre riche en commentaires judicieux sur la langue de l'incunable.
Sa parfaite connaissance de l'anglais et du néerlandais lui donne la possibilité d'entreprendre des travaux de traduction en français : le premier roman d'Aldous Huxley, Chrome Yellow, est publié en 1928 sous le titre Jaune de chrome; l'ouvrage de Johan Huizinga, Herfsttijd der Middeleeuwen, est traduit en 1932 sous le titre Le déclin du Moyen Âge et sera réimprimé. Sa traduction de Those Barren Leaves du même Aldous Huxley sous le titre Marina di Vezza, en 1932, lui vaut le prix Langlois de l'Académie française.
C'est, avec la publication du Recueil général des Isopets par la Société des anciens textes français (deux tomes, parus en 1929 et en 1930) que Julia Bastin présente sa première uvre importante. On y trouve l'édition critique du Novus Aesopus d'Alexandre Neckam, de Isopet II de Paris et de Isopet de Chartres (dans le t.I) et celle du Romulus de Walter l'Anglais, des fables d'Avianus, de l'Isopet de Lyon, de l'Isopet-Avionnet et de l'Isopet III de Paris (dans le t.II). Après ce travail de longue haleine, où elle résout, en pleine possession de sa méthode, les problèmes de langue, de filiation et de classement de fables, elle publie, dans la Revue belge de philologie et d'histoire (1941), «Trois dits du XIIIe siècle», conservés à la Bibliothèque royale de Belgique. Il s'agit de poèmes moraux dont l'intérêt réside dans l'usage de thèmes largement répandus, que Julia Bastin analyse avec beaucoup de rigueur et d'érudition.
Julia Bastin devient professeur à l'Université libre de Bruxelles en 1931. Elle est chargée de cours qui ont trait à la philologie romane et en particulier à la philologie française du Moyen Âge : encyclopédie de la philologie romane, grammaire comparée des langues romanes, grammaire historique du français, explication de textes français du Moyen Âge, explication d'auteurs provençaux. La fermeture de l'université, en novembre 1941, offre à Julia Bastin l'occasion d'écrire, dans la Collection nationale, deux petits livres qui, bien que destinés au grand public, sont des modèles d'érudition : Froissart, chroniqueur, romancier et poète (1942) et Les Mémoires de Philippe de Commynes (1944).
Avec Edmond Faral, elle édite, en 1946, Onze poèmes de Rutebeuf concernant les Croisades (dans une série de documents publiés par l'Académie des inscriptions et belles-lettres). En 1958 et 1960 paraît, également en collaboration avec Edmond Faral, l'édition remarquable des uvres complètes de Rutebeuf, en deux volumes. Julia Bastin s'est chargée de l'édition de quarante-sept pièces et du glossaire. Son maître a écrit l'introduction générale et les commentaires historiques; il a aussi assuré l'édition de neuf pièces. Les auteurs ont reçu le prix La Grange attribué par l'Académie des inscriptions et belles-lettres et le prix Counson décerné par l'Académie royale de langue et de littérature françaises.
Julia Bastin est la première femme appelée à siéger à l'Académie de langue et de littérature françaises au titre philologique, le 10 novembre 1945. Elle y est reçue le 19 avril 1947 par Maurice Delbouille et évoque, dans son discours de réception, la vie et l'ouvre de Jules Feller, initiateur de la philologie wallonne.
Elle complète ses recherches relatives à Rutebeuf dans une communication à l'Académie, Quelques propos de Rutebeuf sur le roi Louis IX (1960). Quant à d'autres recueils de fables, qu'elle a annoncés dans le premier tome de son Recueil général des Isopets, ils ne furent jamais publiés : divers travaux, de lourdes charges professionnelles, puis l'âge et la maladie l'en ont empêchée.
Julia Bastin est décédée à Berchem-Sainte-Agathe le 26 octobre 1968. Elle a laissé des travaux scientifiques de grande qualité. Ce sont des témoins d'une compétence peu commune allant du lexique et de la syntaxe à l'histoire des idées. Son enseignement à l'université fut à la fois brillant et solide.
– Reine Mantou
BIBLIOGRAPHIE
Les Subtiles Fables d'Ésope, Lyon, C. Dalbanne, 1926.
Recueils général des Isopets, Paris, H. Champion, 1929-1930.
Froissart, chroniqueur, romancier et poète, Bruxelles, Office de Publicité, 1942 (rééd. 1948).
Les Mémoires de Philippe de Commynes, Bruxelles, Office de Publicité, 1944.
Onze Poèmes concernant la Croisade, par Rutebeuf (avec Edmond Ferrai), Paris, P, Geuthner, 1946. 25 X 16. 146 p.
Le déclin du Moyen Âge, par Johan Huizinga, préface par Gabriel Hanotaux, traduction par Julia Bastin, Paris, Payot, 1932 (rééd. 1948).
Marina de Vezza, par Aldous Huxley, traduction par Julia Bastin, Paris, Plon, 1938 (rééd. 1946).
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