Académie Royale de Langue et de Littérature Françaises de Belgique
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Henry Bauchau

Henry Bauchau / Photo © Nicole Hellyn Membre belge littéraire du 9 juin 1990 au 21 septembre 2012
Prédécesseur : Robert Vivier
Successeur : Jean-Philippe Toussaint
Fauteuil 9

Biographie

Henry Bauchau est né à Malines le 22 janvier 1913. Lorsqu’éclate la première guerre mondiale, il se trouve chez ses grands-parents durant l’incendie de la ville de Louvain. La séparation prolongée avec sa mère cause chez lui un sentiment d’exil affectif qui sera difficilement surmonté. De 1932 à 1939, il étudie le droit et écrit dans La Cité chrétienne et diverses revues de tendance catholique. En 1936, il épouse Mary Kosireff avec qui il aura trois fils.

Mobilisé dès 1939 comme officier, il participe à la campagne des 18 jours et se sent profondément humilié par la capitulation. Pour répondre à l’appel du roi Léopold III à reconstruire le pays, il fonde en 1940 le Service des Volontaires du Travail Wallon. Quand ce Service est récupéré par l’Occupant, qui y impose des rexistes en 1943, il démissionne, rejoint la Résistance, gagne le maquis des Ardennes, puis Londres.

Au sortir de la guerre, la méconnaissance de son action par ses compatriotes le plonge dans un profond désarroi. Il entreprend une psychanalyse avec Blanche Reverchon, l’épouse de Pierre Jean Jouve, qui jouera dans sa vie un rôle décisif : grâce à celle qu’il nomme «la Sybille», il comprend que l’écriture constitue sa véritable voie.

Il commence alors une carrière littéraire, parallèlement à la profession de directeur d’un collège international en Suisse. La forme littéraire qui s’impose à lui et qui sous-tendra l’ensemble de son œuvre est la poésie. Son premier recueil, Géologie (1958), tente l’exploration des couches profondes du moi. Une première pièce de théâtre, Gengis Khan (1960), reprend cette problématique en présentant un héros dans la situation qui
caractérisera tous les grands personnages ultérieurs : partant du désastre, il trouve dans son dénuement même la liberté et l’énergie nécessaires à sa remontée.

Dans le recueil L’Escalier bleu (1964) et le roman La Déchirure (1966), l’œuvre prend un ton personnel et évoque les liens filiaux. Le motif de l’escalier bleu de la maison d’enfance, et le personnage de Mérence, substitut maternel, prennent une signification orphique : il s’agit de valoriser la descente et la perte. Entreprenant une psychanalyse didactique avec Conrad Stein, Henry Bauchau écrit une seconde pièce de théâtre, La Reine en amont, qui paraît initialement sous le titre La Machination (1966). Si le contexte historique est la jeunesse d’Alexandre le Grand, c’est la mère de celui-ci, identifiée à Jocaste absente, qui s’avère au cœur du récit.

Dans le roman Le Régiment noir (1972), sur fond de guerre de Sécession, il procède à une réhabilitation imaginaire de l’héroïsme du père. Le récit fait entrevoir les forces contraires qui s’agitent en tout homme par la coexistence de deux héros : un Blanc qui exprime le rationalisme occidental et la violence destructrice à laquelle il peut conduire, et un Noir qui figure la puissance pacifiante de la pensée archaïque. En ces années paraissent trois recueils poétiques, La Pierre sans chagrin (1966), La Dogana (1967) et Célébration (1972), où le poète traduit le dépassement des oppositions apparentes par l’oxymore. Il s’essaie aussi aux arts plastiques.

En 1973, à la suite de la chute du dollar, Henry Bauchau est contraint à fermer l’Institut Montesano. Il rédige pour Flammarion une œuvre de commande, un Essai sur la vie de Mao Zeedong (1982), et simultanément le recueil poétique La Chine intérieure (1975). Il s’installe à Paris, réoriente sa vie professionnelle vers la thérapie et écrit La Sourde Oreille ou le Rêve de Freud (1981), un long poème narratif qui témoigne de ce qu’une même espérance porte le psychanalyste et le poète : celle d’accéder par la parole aux régions les plus intimes de l’être où s’érige le désir vrai, où se forment les fantasmes et les mythes. Plus tard, il retracera dans le roman L’Enfant bleu (2004) l’accompagnement d’un jeune psychotique dans une thérapie par l’art.

Dans les années 90, Henry Bauchau voit enfin s’ouvrir devant lui la voie de la reconnaissance publique. Entré à l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique en 1991, il reçoit pour Œdipe sur la route (1990) le prix Antigone de la ville de Montpellier puis, en 1992, le prix triennal du roman du Ministère de la Culture et de la Communauté française de Belgique; cinq ans plus tard, Antigone (1997), véritable succès éditorial, reçoit le prix Rossel puis, en 1999, le prix des lycéens.

Lauréat du prix international Union Latine de littératures romanes en 2002 et du grand prix de littérature de la Société des gens de lettres en 2005, l’écrivain se voit attribuer, en 2008, le prix du livre Inter pour son roman Le Boulevard périphérique, où il transpose dans la fiction les deuils non accomplis de son ami Résistant Stéphane et de sa belle-fille décédée du cancer. En 2009, Actes Sud publie sa Poésie complète.

Malgré son grand âge, Henry Bauchau reste extrêmement actif sur la scène littéraire. Il mène à bien différents projets poétiques et narratifs, des livrets d’opéra, et réédite Temps du rêve (2012) paru en 1933 sous le pseudonyme de Jean Remoire. Il se tourne aussi vers une veine autofictionnelle et fait paraître L’Enfant rieur et Chemin sous la neige. Parallèlement, il continue de publier systématiquement ses journaux de création.

Toujours évolutive, l’œuvre, quel qu’en soit le genre, se présente comme un cheminement sous-tendu par une volonté d’élucidation tant individuelle que collective : ce que l’on n’a pas pu dire au moment essentiel, les blessures personnelles comme les plaies de l’Histoire, trouve peu à peu à s’exprimer dans l’écriture. C’est pourquoi le style allie la simplicité de la langue (la recherche du mot juste) à la complexité du sens, car tout est lisible à différents niveaux : si le sens premier est épique (l’aventure et les risques pris) et le sens second intérieur (la conquête de soi), un sens troisième permet d’entrevoir un sens du sacré par l’entremise des mythes et des rites archaïques.

– Myriam Watthee-Delmotte

Bibliographie

  • Géologie, poèmes, Paris, Gallimard, 1958; rééd. Paris, Gallimard, 2009.
  • Gengis Khan, théâtre, Lausanne, Mermod, 1960 (rééd. Arles, Actes Sud Papiers, 1989).
  • L'Escalier bleu, poèmes, Paris, Gallimard, 1964; rééd. Paris, Gallimard, 2009.
  • La Déchirure, roman, Paris, Gallimard, 1966 (rééd. Labor, coll. «Espace Nord», 1986).
  • La Pierre sans chagrin, poèmes, Lausanne, L'Aire, 1966 (rééd. Arles, Actes Sud, coll. «Le Souffle de l'esprit», 2001).
  • La Dogana, poèmes, Albeuve, Castella, 1967.
  • La Machination, théâtre, Lausanne, L'Aire, 1969.
  • Le Régiment noir, roman, Paris, Gallimard, 1972 (rééd. Bruxelles, Les Éperonniers, coll. «Passé présent», 1987; Arles, Actes Sud, 2000, nouv. éd. revue).
  • Célébration, poèmes, Lausanne, L'Aire, 1972.
  • La Chine intérieure, poèmes, Paris, Seghers, 1975 (rééd. Arles, Actes Sud, coll. «Le Souffle de l'esprit», 2003).
  • La sourde oreille ou Le rêve de Freud, poème, Lausanne, L'Aire, 1981.
  • Essai sur la vie de Mao Zedong, Paris, Flammarion, 1982.
  • Poésie 1950-1986, Arles, Actes Sud, 1986.
  • L'Écriture et la circonstance, Chaire de poétique de l'université de Louvain-la-Neuve, 1988.
  • Œdipe sur la route, roman, Arles, Actes Sud, 1990 (rééd. coll. «Babel», n° 54, 1992).
  • Diotime et les lions, récit, Arles, Actes Sud, 1991 (rééd. coll. «Babel», n° 279, 1997).
  • Jour après jour, journal 1983-1989, Bruxelles, Les Éperonniers, 1992.
  • L'Arbre fou, récits-théâtre, Bruxelles, Les Éperonniers, 1995.
  • Heureux les déliants, poèmes, Bruxelles, Labor, coll. «Espace Nord», 1995.
  • Étés (avec Werner Lambersy), journaux, Labor, 1997.
  • Antigone, roman, Arles, Actes Sud, 1997 (rééd. coll. «Babel», n° 362, 1999).
  • Prométhée enchaîné, d'Eschyle, adaptation théâtrale, Bruxelles, Cahiers du Rideau, 1998.
  • Journal d'Antigone, journal, Arles, Actes Sud, 1999.
  • Les Vallées du bonheur profond, récits, Arles, Actes Sud, coll. «Babel» n° 384, 1999.
  • Exercice du matin, poèmes, Arles, Actes Sud, coll. «Le Souffle de l'esprit», 1999.
  • L'Écriture à l'écoute, essais, Arles, Actes Sud, 2000.
  • Théâtre complet, Arles, Actes Sud, 2001.
  • Passage de la Bonne Graine, journal 1997-2001, Arles, Actes Sud, 2002.
  • Petite suite au 11 septembre, poème, Bruxelles, Le Grand Miroir, 2003.
  • Œdipe sur la route, opéra en quatre actes, Arles, Actes Sud, 2003.
  • L'Enfant bleu, roman, Arles, Actes Sud, 2004.
  • Journal de la déchirure, journal, Arles, Actes Sud, coll. «Babel», n° 684, 2005.
  • En noir et blanc, nouvelles, Paris, Éditions du Chemin de fer, 2005.
  • Nous ne sommes pas séparés, poèmes, Arles, Actes Sud, 2006.
  • Le présent d'incertitude : journal 2002-2005, essai, Arles, Actes Sud, 2007.
  • Le boulevard périphérique, roman, Arles, Actes Sud, 2008.
  • Un arbre de mots : entretien avec Indira De Bie, Clichy, Éd. de Corlevour, 2008.
  • L'atelier spirituel, essai, Arles, Actes Sud, 2008.
  • La lumière Antigone : poème pour le livret de l'opéra de Pierre Bartholomée, livret d'opéra, Arles, Actes Sud, 2009.
  • Poésie complète, Arles, Actes Sud, 2009.

Bibliographie critique

  • Myriam Watthée-Delmotte, Henry Bauchau : Œdipe sur la route, Bruxelles, Labor, coll. «Un livre, une œuvre», n° 28, 1994.
  • Collectif, Parcours d'Henry Bauchau, Paris, L'Harmattan, 2001.
  • Collectif, Les constellations imperieuses d'Henry Bauchau (Actes du Colloque de Cerisy), Bruxelles, Archives et Musée de la Littérature/ Éditions Labor, 2003<
  • Geneviève Henrot, Henry Bauchau poète. Le Vertige du seuil, Genève, Droz, 2003.
  • Olivier Ammour-Mayeur, Imaginaires métisses. Passages d'Extrême-Orient et d'Occident chez Henry Bauchau et Marguerite Duras, Paris, L'Harmattan, coll. «Structures et pouvoirs des imaginaires», 2004.
  • Myriam Watthée-Delmotte et Jacques Poirier (dir.), Pierre Jean Jouve et Henry Bauchau : les voix de l'altérité, Dijon, Editions de l'Université de Dijon, coll. «Écritures», 2006.

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