Académie Royale de Langue et de Littérature Françaises de Belgique
ContactPlan du siteLiens WebPhotographiesActualité

OrganisationCompositionFonds national de la littératurePrix littéraires
PublicationsLe BulletinE-Bibliothèque

 


ACADÉMICIENS
Membres actuels
Membres décédés
Membres fondateurs
Tableau des successions

Composition


Michel del Castillo

Michel del Castillo / Photo © Membre étranger littéraire du 12 avril 1997 au 17 décembre 2024
Prédécesseur : Georges Duby
Fauteuil 37

Biographie

Michel del Castillo, de son vrai nom Michel Janicot del Castillo, est né à Madrid, le 2 août 1933. Son père, Français, travaille pour le bureau madrilène du Crédit Lyonnais, mais il quittera femme et enfant deux ans plus tard. Sa mère, Candida Isabel del Castillo, Espagnole, engagée politiquement et proche du parti républicain de Manuel Azaña, est jetée en prison (1936-1937) par ces mêmes républicains pour s’être inquiétée du sort de prisonniers politiques. Elle sera, plus tard, condamnée à mort par les franquistes. Michel del Castillo et sa mère s’enfuient alors et s’installent en France. Ils sont bientôt dénoncés aux autorités et internés au camp de Rieucros à Mende d’où Michel s’évade pour être, peu après, livré, par sa propre mère, aux Allemands et envoyé en Allemagne, jusqu’à la fin de la guerre… Il a neuf ans. Rapatrié en France, il est livré aux Espagnols et enfermé, comme «fils de rouge», dans une maison de redressement, le tristement célèbre Asilo Durán de Barcelone, d’où il s’évade en 1949. Il est recueilli dans un collège de Jésuites à Úbeda (Andalousie) pour ensuite devenir, en 1950, ouvrier dans une cimenterie proche de Barcelone. Il rejoint finalement la France et son oncle Stéphane Janicot grâce à qui il peut enfin vivre. À vingt-deux ans, il entreprend des études de sciences politiques puis de psychologie et, par la suite, des études de lettres à la Sorbonne.

On l’a compris, cette enfance irrégulière, cette tragédie personnelle qu’il a surmontée voire «transcendée», est au cœur des romans et des essais — plus d’une quarantaine de titres — parus à ce jour.

Ainsi publie-t-il chez Julliard, en 1957, son premier roman, Tanguy (réédité chez Gallimard, en 1994) qui rencontre un immense succès. C’est le récit édifiant de ces années de souffrance, vécues par un enfant confronté au travail, à la faim, à la violence et à la sexualité. Roman alimenté aussi par la littérature dont le jeune homme s’est nourri grâce au Père Mariano Prados d’Úbeda (Pardo dans Tanguy). Pierre Mertens, dans son discours de réception à l’Académie, a souligné d’ailleurs ces mots de del Castillo : «Je suis un enfant des livres, qui m’ont engendré, élevé, maintenu en vie.» Tanguy, qui raconte ces années d’horreur passées en maison de redressement, est à l’origine, en Espagne, d’une campagne de presse et d’un mouvement de protestation initié par une avocate, Mercedes Formica, pourtant proche du régime franquiste. On parlera alors de «l’affaire del Castillo».

La Guitare (1958), une transposition métaphorique, est l’histoire d’un nain qui fait l’objet de rejets mais croit encore à la générosité des hommes. «Il découvre jusqu’à la torture, dira Pierre Mertens, son incurable altérité, dans une fable cruelle, une allégorie quasi bunuélienne.» Suivront des ouvrages tels Le Colleur d’affiches (1959), Le Manège espagnol (1960) et la mort «quasi tauromachique des seuls êtres purs et innocents» qui guide l’histoire, Tara (1962) où sont convoquées les passions et déceptions, Gérardo Laïn (1967) et les tourments d’un jeune séminariste et Le Vent de la nuit (1972) pour lequel il reçoit le prix des librairies et celui des Deux Magots.

Le Vent de la nuit, écrit peu de temps après de graves soucis de santé et dans lequel la mort est une figure récurrente, a été catalogué, par Pierre Mertens, comme le plus «mauracien» de ses romans, tout imprégné qu’il est de noirceur et d’aridité.

D’autres titres encore à mentionner : Le Sortilège espagnol (1977) qui, selon ses propres aveux, «montre le passage d’une existence invivable à une langue habitable, un livre de transition qui traverse toute ma vie»; Les Cyprès meurent en Italie (1979), avant que paraisse La Nuit du décret (Le Seuil, 1981), qui lui vaudra le prix Renaudot. C’est l’histoire de Santiago Laredo partant à la rencontre d’Avelino Pared, directeur de la Sûreté, dans une petite ville du nord de l’Espagne. Une réflexion sur le pouvoir, la dictature franquiste, les exactions des uns et des autres ou la perversité d’un inquisiteur contemporain.

On ne peut aborder toutes les publications de Michel del Castillo, mais s’attarder un instant sur quelques-unes qui marquent cette œuvre ancrée dans le questionnement du Mal. Ainsi Le Démon de l’oubli (1987), roman mettant en scène un acteur qui met fin à ses jours à la suite d’une campagne de presse le montant en imposteur, tricheur avec sa propre histoire de vie. Mon frère, l’idiot (1995), ni essai ni biographie sur Dostoïevski, mais un livre de «cœur», dira del Castillo, où ses propres histoires se mêlent à celles du maître russe. Un Dostoïevski qui l’aura certainement sauvé du désastre.
Rue des archives (1994), La Tunique d’infamie (1997) mettant en scène Don Manrique, grand inquisiteur s’interrogeant sur lui-même, De père français (1998), La Vie mentie (2007), Mamita (2010), sur la trahison d’une mère ou L’Expulsion (2018).

Michel del Castillo est également l’auteur de pièces de théâtre (Le Jour du destin, La Mémoire de Grenade), de plusieurs essais. Sur Colette, une certaine France (1999), prix Femina de l’essai, sur l’Espagne dont ce Dictionnaire amoureux de l’Espagne (2005), Goya (2015) parce qu’il est fasciné par son talent et sa personnalité contradictoire, ou Le Temps de Franco (2008), qui en a interpellé plus d’un parmi ses lecteurs. Parce qu’il écrit une biographie sur un homme dont il semble repousser les idées; parce que, loin de se dresser contre le dictateur, il lui trouve des qualités de «stratège militaire et économique». Cherchait-il là à donner une explication au Mal, voulait-il détricoter les exactions des républicains, des communistes et des catholiques? Une autre réponse peut-être, comme son maître, Miguel d’Unamuno : parce qu’il est de ceux qui ont «mal à l’Espagne», veulent comprendre et subissent hélas la fascination de la monstruosité.

Michel del Castillo a été élu à l’Académie le 12 avril 1997. Il y succède à Georges Duby.

Il est mort le 17 décembre 2024.

– Yves Namur


Bibliographie

  • Tanguy, Paris, Julliard, 1956 et 1992 (rééd. Gallimard, coll «Folio», n° 2872).
  • La Guitare, Paris, Julliard, 1957 (rééd. Le Seuil, coll. «Points», n° P580).
  • Le Colleur d'affiches, roman, Paris, Julliard, 1958 (rééd. Seuil, coll. «Points», n° P614).
  • Le Manège espagnol, roman, Paris, Julliard, 1960 (rééd. Seuil, coll. «Points Roman», n° R303).
  • Tara, roman, Paris, Julliard, 1962 (rééd. Pocket, 1980 ; rééd. Seuil, coll. «Points Roman», n° R405).
  • Gerardo Laïn, roman, Paris, Christian Bourgeois, 1967 et 1997 (rééd. Seuil, coll. «Points Roman», n° R82).
  • Le Vent de la nuit, roman, Paris, Julliard, 1972 (rééd. Seuil, coll. «Points Roman», n°R 184).
  • Le Silence des pierres, roman, Paris, Julliard, 1975 (rééd. Seuil, coll. «Points Roman», n° R552)
  • Le Sortilège espagnol, roman, Paris, Julliard, 1977 (rééd. Fayard, 1996 ; rééd. Gallimard, coll. «Folio», n° 3105).
  • Les Cyprès meurent en Italie, roman, Paris, Julliard, 1979 (rééd. Seuil, coll. «Points Roman», n° R472).
  • La Nuit du décret, roman, Paris, Seuil, 1981 (rééd. Seuil, coll. «Points Roman», n° P250).
  • La Gloire de Dina, roman, Paris, Seuil, 1984 (rééd. Seuil, coll. «Points Roman», n° P590).
  • La Halte et le chemin, interview, Paris, Centurion, coll. «Panorama aujourd'hui», 1985).
  • Séville, guide, Paris, Autrement, 1986.
  • Le démon de l'oubli, Paris, Seuil, 1987 (rééd. Seuil, coll. «Points Roman», n° R337).
  • Mort d'un poète, roman, Paris, Mercure de France, 1989 (rééd. Gallimard, coll. «Folio», n° 2265).
  • Une femme en soi, roman, Paris, Seuil, 1991 (rééd. Seuil, coll. «Points», n° P591).
  • Andalousie, essai, Paris, Seuil, 1991 (rééd. Seuil, coll. «Points Planète», n° P l16).
  • Le crime des pères, récit autobiographique, Paris, Seuil, 1993 (rééd. Seuil, coll. «Points», n° P198).
  • Carlos Pradal, essai (en collaboration avec Yves Belaubre), F. Loubatières, 1993.
  • Rue des Archives, roman, Paris, Gallimard, 1994 "Folio", 1989 (rééd. Gallimard, coll. «Folio», n° 2834).
  • Mon frère l'idiot, écrit intime, Paris, Fayard, 1995 (rééd. Gallimard, coll. «Folio», n° 2291).
  • Le Sortilège espagnol : les officiants de la mort, essai, Paris, Fayard, 1996 (rééd. Gallimard, coll. «Folio», n° 3105).
  • La tunique d'infamie, roman, Paris, Fayard, 1997 (rééd. Gallimard, coll. «Folio», n° 3116).
  • De père français, récit, Paris, Fayard, 1998 (rééd. Gallimard, coll. «Folio», n° 3322).
  • Colette. Une certaine France, essai, Paris, Stock, 1999 (rééd. Gallimard, coll. «Folio», n° 3483).
  • Droit d'auteur, essai, Paris, Stock, 2000.
  • L'adieu au siècle, journal de l'année 1999, Paris, Seuil, 2000 (rééd. Seuil, coll. «Points», n° P815).
  • Les étoiles froides, roman, Paris, Stock, 2001 (rééd. Gallimard, coll. «Folio», n° 3838).
  • Colette en voyage, essai, Éditions des cendres, 2002.
  • Algérie, l'extase et le sang, théâtre, Paris, Stock, 2002.
  • Les Portes du sang, roman, Paris, Seuil, 2003 (rééd. Seuil, coll. «Points», n° P1202).
  • Le jour du destin, théâtre, Paris, L'avant-scène, 2003.
  • Sortie des artistes. De l'art à la culture, chronique d'une chute annoncée, essai, Paris, Seuil, 2004.
  • Le dictionnaire amoureux de l'Espagne, Paris, Plon, 2005.

E-bibliothèque

Discours de réception (séance publique du 24 janvier 1998)



© ARLLFB, rue Ducale 1, 1000 Bruxelles, Belgique | Déclaration d'accessibilité