Biographie
Né le 7 octobre 1919 à Paris, Georges Duby est tout d'abord étudiant puis assistant à Lyon avant de soutenir sa thèse de doctorat à Paris sous la direction de Charles-Edmond Perrin. L'excellence de ses travaux lui vaut, dès 1951, l'obtention d'une chaire de professeur à l'Université d'Aix-en-Provence. Sa brillante carrière académique trouve une nouvelle consécration lorsqu'il est appelé, en 1970, au Collège de France où il enseigne jusqu'en 1991. Auteur d'une vingtaine d'ouvrages, directeur de plusieurs collections, Georges Duby continue à publier, à développer de nouveaux projets, à susciter les vocations des jeunes chercheurs. Dès la publication de sa thèse intitulée La société au XIe et XIIe siècles dans la région mâconnaise, Georges Duby se pose en digne représentant de l'école des Annales, dont il appartient à la deuxième génération d'historiens. Il a donc choisi d'offrir au monde scientifique une synthèse d'histoire socio-économique consacrée à une région bien précise, tout en adoptant aussi le point de vue du géographe car avant de se tourner vers l'histoire médiévale, Georges Duby avait d'abord conquis un diplôme de géographie. Cette démarche apparaîtra, en 1953, comme très novatrice et influencera bon nombre d'historiens français et étrangers.
L'histoire économique continue alors à le passionner et l'amène à publier une nouvelle synthèse, cette fois beaucoup plus vaste : L'économie rurale et la vie des campagnes dans l'Occident médiéval (1962). Ouvrage téméraire, synthèse provisoire destinée à être peu à peu corrigée et complétée par d'autres chercheurs, mais qui, à ce titre, a le mérite d'exister. Dans la même perspective, il dirige en 1975 un ouvrage collectif, l'Histoire de la France rurale, qui demeure l'un des manuels de référence en la matière. Mais, c'est vers l'histoire sociale que vont de plus en plus se porter ses intérêts : en particulier, l'histoire de la petite et moyenne aristocratie, celle des chevaliers, retient son attention, notamment dans Guerriers et paysans (1973) ou dans Le dimanche de Bouvines (1973) qui reste, pour beaucoup, l'un de ses meilleurs ouvrages et dont il dira plus tard : «Il me semble avoir écrit ce livre avec plus de plaisir que tout autre, et je crois que cela se sent» (L'Histoire continue, 1991). De fait, il ne s'agit pas ici de raconter les événements de la bataille de Bouvines mais bien d'analyser les sources contemporaines afin d'y déceler les indices permettant de reconstituer, dans les moindres détails, le comportement et la psychologie des guerriers.
Cet intérêt pour l'histoire sociale, doublé de l'influence des Annales (Lucien Febvre) et de celle de l'anthropologie (Claude Lévi-Strauss), amène Georges Duby sur la voie de ce que l'on appelait alors l'histoire des mentalités. Dès 1961, il publie un essai consacré à ce thème dans L'Histoire et ses méthodes, ouvrage collectif dirigé par Charles Samaran (La Pléiade). Il y dresse un questionnaire qui, destiné à tous les chercheurs tentés par le sujet, reste d'actualité plus de trente ans après dans le cadre de ce que l'on appelle désormais l'anthropologie historique. Georges Duby cherche avant tout à cerner les représentations que les hommes du Moyen Âge classique se faisaient d'eux-mêmes, notamment dans son étude sur Les trois ordres (1978) ou encore dans Le chevalier, la femme et le prêtre (1981). Dans le même ordre d'idées, il s'interroge aussi sur les rôles sociaux attribués aux femmes de cette époque, ce qui le conduit à diriger d'importantes collections comme l'Histoire de la vie privée (1985) ou, avec Michelle Perrot, l'Histoire des femmes en Occident (1991).
Dans tous ces ouvrages, Georges Duby témoigne de son intérêt pour le structuralisme et de sa volonté de comprendre les rapports sociaux en profondeur. Au fil des années, il ne demande plus aux sources de lui livrer des faits, mais plutôt des signes, des traces permettant de repérer les idéologies qui les sous-tendent. Ces signes, il les découvre dans les récits, dans les chroniques des XIe et XIIe siècles, préférés aux chartes et qui l'éclairent sur les préjugés, les références, les modes de pensée des hommes du Moyen Âge.
Depuis toujours, Georges Duby se passionne aussi pour les uvres d'art. Dès les années 1970, il se consacre à la publication de livres d'art destinés à un large public. Ici, l'uvre d'art devient une source susceptible de livrer au chercheur des informations du même type que celles qu'il trouve dans les chroniques. Par ailleurs, l'historien est à présent contraint de modifier sa manière d'écrire : «Car le propos de ces livres était avant tout de susciter, d'entretenir une émotion esthétique. Les mots, les phrases que j'étais chargé d'écrire ne venaient qu'en soubassement, pour soutenir cette émotion, pour la prolonger peut-être, en expliquant» (L'Histoire continue, 1991). Georges Duby y parvient fort bien, et des ouvrages tels que Le Temps des cathédrales (1976), Saint Bernard. L'art cistercien (1976) ou L'Europe au Moyen Âge (1981) sont dans toutes les mémoires.
L'un des principaux talents de Georges Duby est en effet celui de l'écriture. Par son style à la fois fleuri et percutant, il a brillamment démontré au grand public que l'on pouvait prendre un réel plaisir à lire des ouvrages scientifiques écrits par un historien de profession. Cette facilité d'expression, alliée à un puissant désir de communiquer plus largement son savoir, lui a également ouvert les portes du succès radiophonique et télévisuel qui a encore accru sa notoriété (Guillaume le maréchal, Le Temps des cathédrales). Spécialiste de l'histoire de la société française aux XIe et XIIe siècles, Georges Duby est passé des documents juridiques aux sources littéraires et artistiques, de l'histoire des campagnes à celle des hommes et des femmes en suivant toujours le même fil conducteur : celui de l'histoire des structures.
Membre de l'Académie française depuis 1987, Georges Duby a été élu à l'Académie royale de langue et de littérature françaises le 14 février 1987. Il est mort le 3 décembre 1996.
– Anne-Marie Helvétius |