Académie Royale de Langue et de Littérature Françaises de Belgique
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Robert de Traz

Robert de Traz / Photo © ARLLFB Membre étranger littéraire du 9 avril 1938 au 10 janvier 1951.
Successeur : Julien Green
Fauteuil 40

Biographie

D'origine vaudoise, comme Bejamin Vallonton, Robert de Traz naît le 14 mai 1884, à Paris, où sa famille est installée. Son père, qui fait carrière d'ingénieur en France, fréquente Alexandre Dumas fils, Anatole France, Henri de Régnier et Paul Bourget, Robert est de santé fragile, et il reçoit une éducation sévère, dans un contexte protestant. On pratique plusieurs langues dans son entourage, l'anglais notamment. Il fréquente le Lycée Carnot, puis achève ses études au Lycée Condorcet. L'un de ses condisciples est Ernest Psichari. La famille de Traz se rend souvent en Suisse pour les vacances, et Robert découvre sa terre d'origine avec ravissement. C'est d'ailleurs à Genève qu'il se marie en 1906, après une période de travail commercial à Londres.

Il est attiré par la littérature. À Paris, il s'est lié d'amitié avec Jean-Louis Vaudoyer, Émile Henriot et Gilbert de Voisins. Après un service militaire qui l'épanouit, il publie en 1913 son premier livre important: L'Homme dans le rang. Ce n'est pas son coup d'essai puisqu'il a écrit trois courts romans depuis 1908. Mais ce texte d'«esquisses de la vie de l'armée», compte dans l'évolution de l'homme et de l'écrivain. L'ouvrage décrit la psychologie de l'homme de troupe et célèbre les vertus du patriotisme.

Comme beaucoup de Suisses, il s'inquiète de la neutralité de son pays, au moment où l'Europe bascule. Pendant la première guerre mondiale, en sa qualité d'officier, il est chargé de préparer les futurs chefs de l'armée helvète, dont il deviendra lieutenant-colonel à l'état-major général.

Ses activités ne l'empêchent pas d'écrire. Dès 1906, il collabore à La Voile latine, après avoir fait la connaissance de Ramuz, et en même temps à La Semaine littéraire, où il tient chaque semaine une chronique. En 1911, il dirige avec Gonzague de Reynold la revue Les Feuillets, dans laquelle il prône une spécificité littéraire suisse, dégagée de tout asservissement aux autres influences européennes. Même si ce projet a des aspects utopiques, il révèle la volonté d'affirmation du jeune écrivain qui fonde, après la guerre, La Revue de Genève, dont le premier numéro fait sa fierté en juillet 1920, et don la durée de vie sera de dix ans.

Pendant la guerre, il ne publie q'un seul roman : La Puritaine et l'amour, qui paraît en 1917 et évoque l'histoire d'une passion amoureuse contrariée par la conscience religieuse. Le personnage principal est la ville de Genève dont il décrit l'atmosphère avec précision. Dans les années qui suivent, de Traz signe des articles dans des revues françaises, comme le Mercure de France ou La Revue de Paris, ou dans des publications suisses, tout en poursuivant son œuvre de romancier et d'essayiste. Si la première de ses études, Essais et analyses (1926), n'est qu'une compilation et une réédition de textes antérieurs, la seconde, plus originale, est consacrée deux ans plus tard à Alfred de Vigny. Quant à L'Esprit de Genève (1929), il est le résultat d'une réflexion sur la civilisation, dont la désagrégation progressive inquiète de Traz. C'est aussi un plaidoyer pour une Société des Nations bien organisée et fondée sur un avenir serein.

Robert de Traz voyage pendant cette période : il se rend en Europe centrale, puis en Égypte et en Palestine. Fasciné par ces pays, il consacre deux livres à ses souvenirs. Dans Le Dépaysement oriental (1926), il établit une comparaison très actuelle entre l'effondrement de nos valeurs traditionnelles et le potentiel humain et culturel que son analyse lui révèle.

L'histoire de La Revue de Genève mériterait un long développement. Robert de Traz s'y investit tout entier, bien que sa contribution personnelle n'y soit représentée que par une douzaine d'éditoriaux. Conçue comme «un organe de liaison intellectuelle et de civilisation comparée», chaque livraison veut nouer un lien entre les différents États d'une Europe déchirée. Dans cette optique, Robert de Traz s'assure de prestigieuses collaborations. On relève au sommaire les noms de Freud, Rilke, Pirandello, Benedetto Croce, Hellens ou Montherlant. La disparition de la revue, en 1930, touche profondément de Traz. Fatigué et déçu, il se fixe à Paris avec sa famille et, jusqu'en 1940, ne quitte plus guère la France.

L'écrivain consacre les dix dernières années de sa vie à son œuvre personnelle, que ses charges journalistiques l'avaient contraint de négliger. Il accepte cependant la présidence de l'Association des écrivains étrangers de langue française, sur l'insistance de son ami Maurice Wilmotte. Il écrit trois romans, dont La Blessure secrète (1944), qui évoque la solitude de l'homme dans la société. Mais il consacre aussi son temps à des recherches, entre autres à un témoignage saisissant sur les hôpitaux pour tuberculeux, Heures de silence, ouvrage qui est aussi une réflexion sur les productions de célèbres malades comme Chopin, Novalis ou Katherine Mansfield. Robert de Traz publie d'autres travaux, sur La famille Brontë (1939) et sur Pierre Loti (1948).

La seconde guerre mondiale lui permet une nouvelle fois de servir son pays. Officier supérieur, il est mobilisé, comme en 1914; c'est l'occasion d'une analyse en profondeur du rôle européen de la Suisse, qui, selon lui, n'a pas trouvé sa voie. Ses notes à ce sujet, ainsi que des souvenirs personnels, ont fait l'objet d'un volume, Témoin, publié en 1952, un an après sa mort, survenue à Nice le 10 janvier 1951.

Robert de Traz avait été élu à l'Académie royale de langue et de littérature françaises le 9 avril 1938. Son œuvre personnelle, mal connue aujourd'hui, même en Suisse, révèle l'idéal de solidarité humaine qui n'a cessé de l'habiter.

– Jean Lacroix



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