Biographie
Arnold Goffin naît le 18 mars 1863 à Bruxelles. Il perd son père, Clément, en 1872 et sa mère, Françoise Smet, fille d'un compositeur d'une certaine renommée, quatre ans plus tard. Ses parents lui lèguent sans doute un tempérament maladif. Dans son âge mûr, il souffrira, selon le dire d'Henri Davignon, d'un mal implacable. Asthmatique et cardiaque, toute expansion, tout épanouissement de la vie physique lui paraissent interdits. Cette santé précaire est la cause de son médiocre cursus scolaire. Inscrit à l'Athénée royal de Bruxelles en 1873, il y reste jusqu'en 1876, mais il doit interrompre un examen pour raison de santé. Orphelin, il doit subvenir à ses besoins. Il obtient l'emploi le plus modeste à la Régie des télégraphes. À force de ténacité, il gravit un à un tous les échelons de la hiérarchie et termine sa carrière comme directeur général. En 1923, ses publications d'histoire de l'art lui valent d'être nommé professeur à l'Institut supérieur d'histoire de l'art et d'archéologie à Bruxelles, fonction qu'il occupera jusqu'à sa mort.
Arnold Goffin est à l'étroit dans ses activités de fonctionnaire. Ne nous a-t-il pas dit qu'il y endurait toutes les géhennes : la mauvaise promiscuité de ses collègues, esprits étriqués, abêtis par leur mécanique routine, ancrés à l'idée fixe de monter en grade? Il se sent appelé par une autre vocation : il se veut écrivain. Dès 1883, il fonde, avec un de ses collègues, Les Tablettes littéraires, dont il assure la rédaction. Il n'y a rien à retenir de ce qu'il publie dans ce périodique. On peut de même négliger Types et silhouettes, paru anonymement en 1884. Il serait oiseux de nommer toutes les revues auxquelles il a collaboré. Mentionnons La Société nouvelle de Jules Brouez et rappelons qu'il devient un des principaux animateurs de La Basoche où il entame sa véritable carrière littéraire. Après lui avoir donné quelques proses, il lui offre le Journal d'André dont il fait quelques tirés à part et qui sera repris par Lacomblez. Il s'agit prétendument de notes, confiées à l'auteur, plainte d'un solitaire qui mourra à vingt ans sans avoir apaisé ses fringales
Tout ce que l'écrivain publie jusqu'en 1895 a le même accent de pessimisme, de délectation dans le désespoir. Comme André, que le destin conduira au suicide, le héros de Maxime (1890), orphelin, ne trouvera de délivrance que dans la mort. Dans l'entre-temps, l'éditeur Mns a publié Delzire Morris (1887), dédié à J.-K. Huysmans, qui porte en épigraphe : «Tout ceci est une certaine ombre de la réalité.» Le protagoniste est un être assoiffé d'idéal qui connaît la misère puis devient employé à l'administration. Il finit, lui aussi, par se suicider. Les dernières lignes de cette uvre méritent d'être citées : TPlus un homme sera élevé dans les voies de la perfection, plus ses croix seront pesantes, parce que l'amour rend son exil plus douloureux.»
En 1888, Impressions et sensations, accompagné d'une eau-forte de Léon Dardenne et dédié à Albert Giraud, décrit la fascination qu'exerce la mer sur Arnold Goffin. Le langage utilisé pour dépeindre la grande Invaincue est proche des sombres réflexions des ouvrages précédents, où le suicide était évoqué. La mer est aussi une séduction attirante
Entré à La Jeune Belgique, il lui donne en partie son Hélène, des nouvelles, complétées dans Durendal, puis reprises en volume (1897). Ce livre dont le personnage central est Delzire Moris qui est, à n'en pas douter, Goffin lui-même, marque le point de rupture avec l'uvre première, mais annonce un tournant proche. On y trouve déjà la ferveur du critique d'art. Pourtant l'inspiration morbide se retrouve encore dans Le Fou raisonnable (1897) et dans Le Thyrse (1897). Poe, Baudelaire, Péladan, voire Huysmans sont passés par là. L'écrivain recourt à un style fort à la mode alors, l'écriture artiste, avec ses mots rares, ses néologismes, au point que la lecture en est rendue difficile.
Dans le numéro de juillet-août 1896 de la Revue générale, il publie des pages de la traduction des Fioretti de saint François d'Assise. Le volume paraîtra l'année suivante : le Poverello le conduit dans les sentiers de l'art puisque le même périodique accueille en 1904-1905 l'essai La légende franciscaine dans l'art primitif italien. I1 sera bien vite considéré comme un éminent spécialiste de l'art péninsulaire. Arnold Goffin a effectué plusieurs voyages en Italie. Les charmes de Vérone, de Padoue, de Bologne et de Ravenne le séduisent, mais c'est l'Ombrie et la beauté surprenante du site qui le transportent d'émerveillement. La lumière d'Assise se retrouve dans ses pages consacrées à la gloire du saint local. L'essayiste a consacré nombre de monographies à ses compatriotes : Thierry Bouts (1907), Memlinc (1925), Mellery (1925), Victor Rousseau (1932), Jules Lagae (1933). Ces essais encadrent la publication de l'important volume La peinture belge des origines à la fin du XVIIIe siècle. L'art religieux en Belgique (1924). L'Italie n'en avait pas été négligée pour autant (Pinturrichio, 1908, Michel-Ange, 1923).
Un volume de mélanges, Poussières du chemin. Sur les routes d'Italie et de Flandre, aurait dû voir le jour en 1912. L'éditeur Lamertin ne le sortit qu'en 1923. À juste titre, Davignon regrettera qu'il n'ait pas été réédité.
L'Académie royale de langue et de littérature françaises l'élit le 12 novembre 1921. Quatre ans plus tard, la Classe des beaux-arts de l'Académie royale de Belgique l'appelle à son tour. Arnold Goffin meurt à Ixelles le 10 juin 1934.
– Robert Van Nuffel |