Biographie
Né à Heyd, près de Bomal, le 24 juin 1948, Armel Job a grandi dans un milieu d’artisans. Il est fier de souligner qu’on parlait wallon à la maison, ajoutant que son instituteur lui a donné très tôt la passion du français. On aurait pu croire qu’il allait alors s’orienter vers les lettres romanes, mais il choisit la philologie classique à l’Université de Liège. Dans la prolongation et poussé, dit-il, «par le goût de l’inutile», il va poursuivre l’exploration des langues et civilisations grecque et latine, jusqu’à se spécialiser en mycénologie.
Après avoir enseigné le latin et le grec pendant 23 ans et dirigé un des grands collèges de la province du Luxembourg, il a commencé à écrire… en devenant directeur.
S’inscrivant dans la lignée des conteurs proches du terroir comme Giono, Pagnol ou Cholem Aleichem, il a fait du village un véritable personnage en situant la plupart de ses romans en Wallonie et même, plus précisément, entre Liège et Bastogne. Grand nombre des hommes et des femmes qui les traversent ressemblent à s’y méprendre à nos voisins. Des personnages à la Simenon, la noirceur en moins, même s’ils sont complexes et pleins de contradiction. «J’aime les gens modestes, confie-t-il. Je suis né dans ce milieu-là et j’en ai toujours gardé la nostalgie.»
Depuis ses tout premiers livres, La Femme manquée (1999), Baigneuse nue sur un rocher (2001), Héléna Vannek (2002) en passant par les magnifiques Mystères de Sainte Freya (2007) jusqu’à De regrettables incidents (2015), Armel Job nous offre de superbes portraits de femmes, charnelles, plutôt tourmentées, qu’il va rejoindre à travers leurs silences, leur détermination et surtout leur mystère.
Abordant dans son œuvre nombre de questions morales et philosophiques comme la culpabilité, la responsabilité (Le Bon Coupable, 2013), la résistance, l’héroïsme, la trahison (Dans la gueule de la bête, 2014), la manipulation (De regrettables incidents, 2015) ou encore le pardon (Et je serai toujours avec toi, 2016), mais des questions posées en situations très concrètes, Armel Job rejoint aussi, souvent, une actualité parfois brûlante et qui ne vieillit pas. Car quand on relit ses ouvrages quelques années plus tard, et alors que le fait divers déclencheur s’est estompé, le roman, lui, tient bien la distance. C’est que l’auteur a l’art d’universaliser son point de départ comme si, en prenant de l’âge, ses textes nous offraient la jeunesse d’une parabole. Par exemple, Tu ne jugeras point (2009) évoque la disparition d’un enfant de treize mois. Quand un tel «fait divers» surgit dans les bas-fonds médiatiques, on sait comme la sensation peut prendre le pouvoir. Le romancier évite ce mauvais piège et installe le doute. Est-ce la mère qui a tué son bébé comme le juge, intègre et pondéré, est appelé à le penser? Peut-être. Mais Armel Job nous attend avec ces deux mots qui vont revenir de livre en livre : «Et pourtant…»
En son absence (2017) parle aussi de disparition. On peut penser à l’affaire Dutroux. Ou à un autre enlèvement tragique plus récent dans la région où habite l’auteur. Mais une fois encore, ce sont moins les faits eux-mêmes qui l’intéressent que l’angoisse de l’attente et les mécanismes ravageurs de la rumeur.
Avec Loin des mosquées (2012), l’auteur touche à une autre question de plus en plus présente à la une des journaux : le crime d’honneur. Mais au-delà du récit des mariages arrangés dans une société multiculturelle, le roman parle surtout du courage des femmes que l’on veut soumises et qui ne le sont pas.
Les derniers livres en date, Une femme que j’aimais (2018), Une drôle de fille (2019) et La Disparue de l’île Monsin (2020) rejoignent d’autres questions beaucoup débattues aujourd’hui : l’adoption, le harcèlement et la vie après un traumatisme d’enfance. Des questions rudes et délicates où l’innocence vient se blesser au pays du non-dit. Il y a pourtant des étincelles de vie dans tout ce mal car l’écrivain n’oublie jamais de mettre en lumière la présence du plus petit éclat de bonté.
Armel Job n’est pas que romancier. Les questions philosophiques et religieuses qui lui tiennent à cœur, il les aborde aussi, depuis peu, à travers le théâtre, et, en particulier La Mort pour marraine (2016), L’Évasion de Socrate (2017) ou encore Le Concile de
Jérusalem, Le Frère du fils prodigue et L’Ange Gabriel (2018). À travers ces textes comme dans d’autres récits inspirés par la Bible (Les Eaux amères, 2011) ou par l’Évangile, l’auteur, croyant et libre penseur, fait de la perplexité le fondement même de l’attitude religieuse. Sans jamais négliger l’humour, comme dans La Femme de saint Pierre (2004), qui refuse d’accompagner son homme à Jérusalem après la résurrection : «Je suis la femme de Simon, lui envoie-t-elle à la figure, pas la femme de Pierre. Et j’attends un second enfant.»
Récompensé par de très nombreux prix dont, notamment, le Giono, le Simenon, le Rossel des jeunes et, deux fois, celui des lycéens, Armel Job a aussi voulu encourager celles et ceux qui se lancent dans le «métier» en créant, dans sa région de Marche-en-Famenne, le «prix du deuxième roman», qui connaît aujourd’hui un large succès populaire et mobilise de nombreux comités de lecture.
– Gabriel Ringlet
Bibliographie
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Communications
Impromptus
Discours de réception (séance publique du 10 octobre 2020)
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