BiographieUn village proche d'Arlon porte son nom et explique sans doute l'attachement de Pierre Nothomb à l'Ardenne, bien que l'écrivain soit né à Tournai le 28 mars 1887. Fils d'un conseiller à la cour d'appel, il descend d'une famille d'hommes d'État (benjamin du Congrès national, Jean-Baptiste Nothomb fut ministre après 1830). Il a vingt ans à peine quand il signe ses premiers écrits (notamment La Morte, un acte en vers, datant de 1907). Il se consacre bientôt à une revue catholique d'art et de littérature baptisée Durendal qui sera, longtemps, une maison d'édition très active.
Durant la guerre de 1914-1948, il est attaché au gouvernement belge en exil et rédige une série d'ouvrages de propagande : Les Barbares et la Belgique, La Belgique martyre, Le Roi Albert, Villes meurtries de Belgique. Il fonde aussi le mouvement La grande Belgique qui deviendra au cours de l'immédiat après-guerre le Comité de politique nationale. Père d'une nombreuse famille, Pierre Nothomb, qui mène de front vie politique et littéraire, achète le château du Pont d'Oye, à Habay-la-Neuve, un ancien domaine de maître de forges.
Animateur de la vie politique et culturelle de sa province, il partage ses multiples activités entre Bruxelles et l'Ardenne. Cofondateur et président de l'Académie belgo-luxembourgeoise (1948), il est aussi le rénovateur de la Bénédiction de la forêt qui rassemble chaque année, à l'automne, à l'orée de la forêt d'Anlier, les amis des arbres et des grands espaces. À sa mort, le 29 décembre 1966, sa propriété, où il avait reçu Francis Jammes, Georges Bernanos et bien d'autres, deviendra un centre culturel. Selon son vu, l'écrivain y sera inhumé : «J'ai fait creuser ma tombe au seuil de la forêt.»
L'uvre de Pierre Nothomb est considérable : poèmes, essais, romans, biographies se partagent sa bibliographie qui compte près de quatre-vingts titres. Poète avant tout, Pierre Nothomb est un lyrique nourri d'un mysticisme souvent proche du Cantique des Cantiques qui s'exprime dans une langue foisonnante et sensuelle. Il explique sa démarche par le désir d'atteindre le divin grâce au chant des mots. Ses premiers recueils se souviennent d'un Symbolisme déclinant mêlé à une foi transparente malgré les déchirures de la mort (Marisabelle, 1920). On retrouve ces thèmes, de L'Arc-en-ciel (1909) à Porte du ciel (qui regroupe, en 1923, quatre recueils précédents) et de Délivrance du poème (1936) à Ans de grâce (1958). Au fil des ans apparaissent d'autres thèmes d'inspiration qui vont des laudes de la nature aux interrogations métaphysiques, de la sensualité à l'inquiétude, de la méditation sur la mort aux élans du croyant. Les recueils se succèdent, de Clairière (1941) à L'Été d'octobre (1963), du Pater alterné (1950) à Élégie du solstice (1959). Cette abondance ne va pas toujours sans une certaine verbosité rachetée souvent, comme dans Terrasse (1957), par une incontestable sincérité. Son véritable domaine, c'est un lyrisme qui dédie son effusion à la terre, à la nature, à la beauté du monde et au pouvoir du verbe, mais qui demeure assez subtil en ses meilleurs moments pour faire écho à l'ineffable et même au doute.
Le roman et la biographie fournissent à Pierre Nothomb des personnages et l'occasion de retrouver l'univers biblique, de mettre en scène des héros qu'il admire, de développer ses théories politiques, de traduire sa nostalgie du paradis perdu et d'affirmer son goût pour l'histoire. Ainsi Risquons-tout (1926) est une reconstitution romancée des épisodes de l'accrochage révolutionnaire de mars 1848. Les Dragons de Latour (1934) rappelle les exploits de Baillet-Latour et de son régiment de cavalerie au XVIIIe siècle. Quant au Cycle d'Olzheim, qui est constitué de cinq romans dont les deux premiers furent publiés sous le pseudonyme d'Henri Créange, il s'inspire des événements de la guerre de 1940, développe l'utopique retour à un État bourguignon et évoque les inquiétudes sociales de l'époque. Il mélange dans le cours du récit de multiples personnages réels et imaginaires, mais n'évite pas un certain nombre de digressions qui alourdissent parfois la vaste fresque pseudo-historique dont l'auteur avait le projet.
La Bible sert aussi de source d'inspiration à plusieurs uvres : Vie d'Adam (1929), long poème sensuel en prose évoquant la faute originelle et la rédemption de la future humanité par l'art, L'Égrégore (1945) inspiré par un texte de la Genèse évoquant l'union des fils de Dieu (les anges) et des filles des hommes; enfin Le Roi David (1960).
L'imaginaire est à la base d'une autre série de romans : La Rédemption de Mars (1923), histoire de deux astronautes un athée et un chrétien en visite sur la planète, Le Lion ailé (1926), où un poète catholique devient amoureux, à Rome, d'une comtesse italienne, Morménil (1955), du nom d'un monastère bouleversé par la passion, Fauquebois (1918), récit élégiaque mettant en scène une rivalité politique familiale, Chevalerie rustique (1927) où se précise l'intérêt de l'auteur pour la généalogie.
Autre aspect de l'uvre nothombienne, les ouvrages qui chantent en prose les beautés de l'Ardenne : Le Sens du pays (1930), La Ligne de faîte (1945). Curieux Personnages (1942 ) narre la vie passionnante de huit modèles parmi lesquels se retrouvent certains de ses ancêtres.
Baron, docteur en droit, sénateur catholique du Luxembourg, Pierre Nothomb avait été élu le 1er décembre 1945 à l'Académie royale de langue et de littérature françaises au fauteuil de Garnir. Il y fut reçu par Carton de Wiart qui avait été son maître de stage à l'Université de Louvain. – Roger Foulon
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