Biographie
Amélie Nothomb est née à Etterbeek le 9 juillet 1966. Très tôt, sa
famille doit suivre Patrick Nothomb, son père, diplomate en poste dans plusieurs pays. C’est ainsi qu’Amélie arrive au Japon dès la prime enfance, pays qui imprimera durablement sur elle son empreinte sensorielle, affective et culturelle.
À 17 ans, elle revient en Belgique pour terminer ses études et obtenir une licence en philologie romane à l’Université libre de Bruxelles. En 1992, Hygiène de l’assassin, aux éditions Albin Michel, marque le début de sa vie littéraire. Depuis, chaque automne, avec la régularité d’un pommier fécond, cette heureuse «graphomane» signe une nouvelle œuvre à succès.
Elle compte à ce jour vingt-sept romans, une douzaine de recueils de contes et de nouvelles, une pièce de théâtre ainsi que les paroles d’une dizaine de chansons. Plusieurs romans ont été adaptés au théâtre et au cinéma, et l’on ne compte plus les traductions dans plus de quarante langues. Ce n’est donc pas étonnant que cette fulgurante carrière ait suscité l’hommage de l’Union astronomique internationale qui a attribué à l’astéroïde n° 224671, découvert en janvier 2006, le nom de Nothomb. Autre honneur : en 2009, la Poste belge a édité un timbre à son effigie.
La romancière a reçu, entre autres distinctions, le grand prix du roman de l’Académie française en 1999 pour Stupeur et tremblements. Porté à l’écran, cette autofiction s’appuie sur son expérience de stagiaire interprète ramenée au rang de «dame-pipi» dans une entreprise japonaise. Ainsi le Japon fournit-il la matière de maints ouvrages. Citons encore Ni d’Êve ni d’Adam. Ce succès retentissant lui vaut d’être nommée Commandeur de la Couronne par le roi Albert II. Le titre de baronne lui sera octroyé par le roi Philippe.
Ses productions offrent un champ littéraire varié, allant du récit autobiographique romancé (thème de l’amitié, Pétronille, de l’enfance ou l’adolescence, Biographie de la faim), psychologique (Tuer le père), au roman dialogué (Cosmétique de l’ennemi), épistolaire, parodique, fantastique ou d’anticipation (Péplum ou Acide sulfurique), en passant par ceux qui s’appuient sur des textes fondateurs aussi différents que le conte (Barbe-Bleue ou Riquet à la houppe) ou la Bible (Soif qui a raté de peu le prix Goncourt 2019). Roman d’amour (Attentat), intrigue policière ou suspense (Journal d’Hirondelle), dialogue philosophique et psychologique, au ton grave ou sérieux, humoristique ou ironique, œuvre conjuguant tous les genres (Péplum), rien ne lui est étranger.
Et Nothomb ne craint pas non plus l’autodérision — caractéristique très belge. Par exemple : Métaphysique des tubes. Depuis toujours, elle a fait sienne cette réflexion de Trémière dans Riquet à la houppe : «Il n’existait pas pour elle de choses insignifiantes, il n’existait que des choses qui n’avaient pas été regardées au degré de profondeur où apparaissait leur étrangeté.» Principe qui alimente bien des pages nothombiennes.
Celle qui note dans Le Voyage d’hiver : «Koestler dit avec raison que ce qui a le plus tué sur terre, c’est le langage», a éprouvé «la difficulté d’être au monde», pour citer Françoise Dolto. Il faut donc souligner l’univers implacable où se meuvent ses personnages. Il y entre toujours une certaine dose de cruauté, de passion, mais aussi de courage.
Quand elle suivra son père à Pékin, la séparation d’avec la péninsule nipponne et d’avec sa fidèle gouvernante japonaise, qu’elle considérait comme sa seconde mère, sera vécue comme un nouvel exil, une double souffrance. Cette crise sera analysée dans Le Sabotage amoureux dont la problématique duale oppose le pays de la beauté et du bonheur (le Japon) à celui de la laideur et du chagrin (la Chine). Dans le Figaro, présentant ce livre capital pour son auteur, Renaud Matignon résume parfaitement son empire fictionnel : «Un conte de sorcières comme il y a des contes de fées. Verve, grossièreté, provocation, drôlerie, mots tranchants et formules paradoxales : Amélie Nothomb écrit au couteau. Avec une pureté rageuse et une innocence perverse.»
Oui, cette suite de titres plus surprenants l’un que l’autre, tous publiés à l’enseigne
d’Albin Michel, ne cesse d’étonner et de séduire toutes les générations au point qu’ils sont entrés dans les manuels scolaires belges et français. Contribuant à construire l’identité de leur génitrice, les romans d’Amélie Nothomb sont-ils peut-être une
manière de rassurer «l’enfançonne» comme l’adolescente angoissées que leur auteur porte encore en elle, et de faire le pont avec le monde des adultes dans lequel elle a bien dû accepter de vivre Une sorte de bulle pour l’écrivaine qui, à chaque histoire minutieusement rêvée, écrite et maîtrisée, purge hantises et questionnements, comme pour valider le sens de sa vie.
À son fidèle lectorat, il n’échappe pas que son style faussement simple est la quintessence d’une pensée qui s’est frottée aux plus belles pages de tous les temps. Grande lectrice, elle y a aiguisé son fleuret, et sa phrase à la Jules Renard, courte, dense, tendue comme la corde d’un violon, file droit au but sans circonvolutions ni bavardages. L’aphorisme est chez elle une manière de penser qui fait mouche. Ainsi Molière réglait-il ses comptes avec la société de son temps, avec sérieux et probité, non sans humour, certes, et sans jamais nuire aux infinies relectures de ses histoires universelles.
Trempant sa plume dans l’encre de sa vie, de son imaginaire comme dans celle de la réalité contemporaine, l’auteur des Combustibles maintient sûrement son gouvernail, avec, pleinement à l’esprit, la leçon des grands classiques.
C’est en 2015 qu’Amélie Nothomb a été élue à l’Académie royale de langue et de littérature françaises. Elle y succède à Simon Leys.
– Béatrice Libert Bibliographie
E-bibliothèque
Discours de réception (séance publique du 19 décembre 2015)
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