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Membre étranger philologue du 9 janvier 1960 au 13 février 1973.
Prédécesseur : Arthur Långfors
Successeur : Italo Siciliano
Fauteuil 35 |
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BIOGRAPHIE
«Ni romancier, ni dramaturge, je ne suis qu'un critique de l'école de Sainte-Beuve. Je sors de moi; mais ceux chez qui j'entre sont des écrivains que textes et documents me rendent familiers. Je recrée les créateurs. À ceux-ci la société où ils prennent leurs modèles; à moi ces monstres sacrés de la littérature, insupportables quelquefois, mais dont je préfère souvent la compagnie à celle de leurs personnages.» Ainsi se définit, avec un mélange de modestie et de malice qui le caractérise parfaitement, un homme qui déploya un égal talent dans l'exégèse, la critique des idées et l'histoire des lettres.
Incisif dans son propos, rebelle à tout compromis, scrupuleux à l'extrême dans l'analyse du texte et de la démarche littéraire, Jean Pommier s'était en quelque sorte placé dès le début de sa carrière sous l'égide d'Ernest Renan, dont il avait entrepris, vers 1920, d'étudier l'uvre, encore très controversée à l'époque. Ses premiers essais fortifieront en lui l'agnosticisme, le goût du rationnel et cette faculté de tout mettre en cause, à commencer par lui-même, ce qui lui évitera toujours de tomber dans l'intransigeance ou le dogmatisme.
Né le 11 décembre 1893 à Niort, Jean Pommier passe son baccalauréat à Poitiers, avant de réussir le concours d'entrée à l'École normale supérieure, d'où il sortira en 1913, dans la même promotion que Marcel Bataillon, hispanisant réputé.
La guerre terminée, il entre dans une carrière dont il gravira tous les échelons. Docteur ès lettres, agrégé, il enseigne à l'Université d'Amsterdam, à Strasbourg, puis à la Sorbonne, dès 1935. Il s'est tôt acquis, dans la défense de Renan et de son uvre, la réputation d'un critique rigoureux et d'un érudit à toute épreuve.
Aussi est-ce sans surprise qu'il succède, au Collège de France, à Paul Valéry, héritant de sa chaire de création littéraire en France. En 1959, il succède à André Siegfried à l'Académie des sciences morales et politiques. Le 9 janvier 1960, l'Académie royale de langue et de littérature françaises l'appelle à son tour, en remplacement du médiéviste finnois Arthur Långfors.
L'attrait de Jean Pommier pour Ernest Renan revêt dès le début l'allure d'un véritable engagement. En allant vers lui, il rompt avec une foi que lui avait imposée son éducation familiale. Il restera jusqu'à la fin de son existence très attaché à l'agnosticisme et aux valeurs de la laïcité. De ses débuts datent un Renan d'après des documents inédits (1923), La pensée religieuse de Renan (1925) et un essai de biographie intellectuelle publiée dans La Revue des cours et conférences (1923).
Un tel esprit, cependant, ne pouvait borner sa curiosité à un seul auteur. Sans jamais renoncer à la critique des idées, il illustrera avec une rare lucidité l'exégèse poétique et les problèmes spécifiques de la création littéraire et du langage. Un nombre considérable d'articles aborde les auteurs du XIXe siècle, voire du XVIIIe. Chateaubriand, Georges Sand, Sainte-Beuve, Hugo, Musset, Mérimée, Baudelaire font l'objet d'analyses attentives et perspicaces.
L'idée d'une sacralisation de l'art lui inspire en 1932 un livre sur La mystique de Baudelaire. Il applique ensuite la même perspective de l'artiste alchimiste des mots à Proust (1939) et publie la même année un Diderot avant Vincennes qui a fait autorité. On lui doit aussi une approche du jeune Chateaubriand qui montre tout ce que l'auteur des Natchez doit au XVIIIe siècle, car il le découvre élève de Rousseau, ami de Malesherbes, mais fréquentant Parny, sachant par cur ses élégies et les vers légers de Voltaire.
Son sens de la rigueur et de la précision dans l'analyse textuelle l'incite à s'attaquer au Tombeau de Charles Baudelaire de Stéphane Mallarmé et, en 1961, au Cimetière marin de Paul Valéry, qu'il célèbre pour son art de raffiner les données des sens en faisant agir sur elles l'intelligence, de traduire abstraitement le concret sans le dénaturer. Lorsqu'il aborde Pascal qu'il admire , il n'en souligne pas moins l'incroyable crédulité de l'auteur des Provinciales. Le vrai miracle, écrit-il, eût été que Pascal doutât.
Disciple de Brunetière et surtout de Lanson, il a su dépasser le positivisme qui pouvait limiter leur champ de vision. Il s'est toujours gardé de l'esprit de système, préférant partir du texte et de l'éclairage que l'auteur même en fournit. S'il recourt à la psycho-physiologie dans Les sensations et les images chez Flaubert, c'est en raison de l'importance que le romancier attribue à sa maladie de nerfs, révélatrice de certains curieux phénomènes. Le secret du critique n'est-il pas de pénétrer en artiste dans les demeures intimes de la création?
Jean Pommier demeurera fidèle à Renan, lui consacrant ses ultimes travaux : L'univers poétique et musical d'Ernest Renan (1966) et Cinq cahiers rénaniens (1972). En 1968, lorsque se créera une Société des études rénaniennes, il la présidera.
Retiré à Menton, Jean Pommier consacrait sa retraite à des travaux d'exégèse et de recherches. Il est décédé à Nice des suites d'un accident de la circulation, le 13 février 1973. Il avait quatre-vingt ans et avait publié, trois ans plus tôt, un beau livre, Le Spectacle intérieur, où le souvenir, la confidence et la méditation dressaient le bilan d'une vie et d'une époque.– Jacques Detemmerman
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