Académie Royale de Langue et de Littérature Françaises de Belgique
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Composition


Marcel Raymond

Marcel Raymond / Photo © Le Soir (Bruxelles) Membre étranger philologue du 2 juin 1962 au 28 novembre 1981.
Prédécesseur : Ventura Garcia Calderón
Successeur : Jean Rousset
Fauteuil 39

Biographie

Marcel Raymond naît à Genève le 20 décembre 1897. Après avoir entamé des études à la Faculté des lettres de sa ville natale, il se rend à Paris pour y poursuivre sa formation à la Sorbonne. Henri Chamard et Abel Lefranc reconnaissent en lui un élève particulièrement doué; le futur critique gardera pour Lefranc une grande admiration. Il se passionne aussi pour la musique, la peinture et la poésie. En 1927, il soutient sa thèse de doctorat, L'influence de Ronsard sur la poésie française (1550-1585), deux tomes qui deviennent rapidement un classique (réédité en 1965). Raymond est nommé lecteur de français à Leipzig, où il passe deux ans et s'imprègne de philosophie allemande. Il rentre à Genève et, après un court passage par l'École supérieure de jeunes filles, il obtient un poste à Bâle, en qualité de professeur d'histoire de langue et de littérature françaises. En 1936, il succède à Albert Thibaudet à l'Université de Genève. Jusqu'en 1962, il occupera cette fonction et fera bénéficier ses étudiants d'un enseignement de haute qualité.

Dès 1933, Marcel Raymond est reconnu comme l'un des maîtres de la critique littéraire et acquiert une renommée internationale. La publication, cette année-là, du volume De Baudelaire au surréalisme est unanimement saluée. Le livre sera republié en 1940 et restera disponible de manière permanente. Raymond y développe l'idée que la poésie est un acte plénier et que le poème jouit d'une vie propre. Le lecteur doit aller jusqu'à s'oublier pour permettre au poème de respirer en soi. Il incite l'amateur de poésie à se former un regard qui soit à la fois proche et lointain, et à écouter le cœur de l'œuvre, d'où le sang circule.

Marcel Raymond se marie; de santé fragile, sensible, il trouve en sa compagne un appui indispensable. L'éventualité d'une seconde guerre mondiale le hante. Pendant les hostilités, il perd son père et voit plusieurs de ses amis disparaître, notamment Benjamin Crémieux qui meurt dans un camp de concentration, et Jean Prévost tué à la tête de son détachement. Pour échapper à la prise de conscience du mal qui prive l'homme de ses sources fondamentales, il s'acharne au travail. En trois ans, il fait paraître plusieurs volumes en Suisse. Des textes choisis de Montesquieu, d'Aubigné et de Victor Hugo s'ajoutent à Génies de France (1942) où les mêmes auteurs se retrouvent, et à un essai, Paul Valéry et la tentation de l'esprit (1945, réédité en 1964).

Les publications vont se succéder régulièrement. Deux grandes optiques vont les caractériser : la réédition commentée de textes classiques et l'analyse critique. Dans le premier domaine, Marcel Raymond s'attache à Bayle, Ronsard, Rimbaud, Verlaine, Senancour, Baudelaire pour ne citer qu'eux. Il signe en 1952 une Anthologie de la nouvelle française, et en 1968, en collaboration avec J.A. Steele, un choix de textes sur La poésie française et le maniérisme, 1546-1610. Mais la majorité de ses travaux s'oriente vers Jean-Jacques Rousseau. Chargé d'établir avec Bernard Gagnebin l'édition des œuvres complètes de son compatriote pour la Bibliothèque de la Pléiade, il édite Les Rêveries du promeneur solitaire et devient coéditeur des Confessions et des Fragments et documents autobiographiques.

Dans le domaine de la critique, Marcel Raymond écrit en 1948 un petit livre dont le titre même définit à lui seul la recherche permanente qu'il a poursuivie tout au long de sa carrière : Le Sens de la qualité. Cette qualité, c'est celle du poète et Marcel Raymond insiste sur le sens de la connaissance contemplative mêlée aux dimensions concrètes de la vie. En 1955, Baroque et renaissance poétique complète ses approches du XVIIIe siècle. En 1962, son essai J. J. Rousseau, la quête de soi et la rêverie vient en quelque sorte couronner la présentation des textes déjà évoqués. La même année, il prend sa retraite pour se consacrer davantage à l'écriture, mais en 1963, il est durement frappé par le décès de son épouse.

Désormais, son œuvre va prendre une orientation nouvelle. Sans abandonner la recherche ou la critique, Marcel Raymond va tenter lui-même l'aventure de la poésie. Il publie encore des études, sur Senancour (1965), sur Fénelon (1967) et sur Jacques Rivière (1972). Il développe ses idées sur la littérature poétique dans Vérité et poésie (1964) et Être et dire (1970). La publication de sa correspondance avec Georges Poulet, qui s'étend de 1950 à 1977 est un passionnant document. Marcel Raymond est proche d'Albert Béguin (avec lequel il fait partie du Groupe de Genève), dans le sens où les deux critiques placent l'étude de la littérature dans l'optique d'une ouverture spirituelle. Un colloque de Cartigny leur est consacré en 1977. Georges Poulet, qui recherche dans le texte le signe d'une expérience intérieure, Jean Starobinski et Jean Rousset en sont les animateurs. L'échange de la correspondance Béguin-Raymond a fait aussi l'objet d'une publication en 1976.

Marcel Raymond ne se console pas de la perte de son épouse. Il fait paraître un déchirant Mémorial en 1965 (il rappelle qu'en 1936 elle avait envoyé à Mounier un texte pour la revue Esprit sur son expérience de femme) et écrit pour elle de poignants Poèmes pour l'absente. Il publie ensuite plusieurs petits volumes : récits autobiographiques (Le Sel et la cendre, en 1970, et Souvenirs d'un enfant sage, en 1976), réflexion philosophique (Par-delà les eaux sombres, en 1975), fragments de journal (Le Trouble et la présence, en 1977, et Écrit au crépuscule, en 1980). Titulaire de nombreux prix, docteur honoris causa de plusieurs universités européennes, le critique meurt à Genève le 28 novembre 1981.

Marcel Raymond avait été élu à l'Académie royale de langue et de littérature françaises le 2 juin 1952.

– Jean Lacroix



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