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Membre étranger littéraire du 12 octobre 1946 au 22 avril 1974.
Prédécesseur : Gabriele D'Annunzio
Successeur : Jacques Monfrin
Fauteuil 33 |
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BIOGRAPHIE
Chéou-Kang Sié naît à Kan-Chow, province de Kiangsi, le 7 août 1898. Son enfance bourgeoise se passe dans une Chine traditionnelle, qui connaîtra au XXe siècle de profonds bouleversements. C'est en Europe que ses parents décident de lui faire entreprendre des études universitaires. Dès la fin du premier conflit mondial, le jeune Sié est à Paris, où il devient diplômé de l'École des sciences politiques. À Lausanne, il conquiert une licence en sciences sociales, puis, en Belgique, un doctorat. En 1924, il présente à l'Université de Bruxelles sa thèse sur Les emprunts de guerre français. Il a déjà acquis une parfaite maîtrise de la langue française.
Sié retourne dans son pays natal. Il a suivi, de la lointaine Europe, l'évolution politique de la Chine et a accueilli avec enthousiasme la fondation d'une république démocratique par Sun Yat-Sen, grâce au mouvement du Kuomintang. Dès son arrivée, il met au service du successeur de Sun Yat-Sen, Tchang Kaï-Chek, ses hautes connaissances et sa fidélité, qu'il lui conservera jusqu'à la fin de sa vie. En 1927, ses compétences le font nommer à la tête de la Faculté des lettres de Nankin, en qualité de doyen; il n'a que vingt-neuf ans.
Mais c'est une carrière diplomatique que le nouveau régime attend de lui. Devenu conseiller d'ambassade, il est, en 1930, ministre de Chine à Bruxelles. Il n'y est pas inconnu, puisqu'il a recueilli un succès au Théâtre royal du Parc, salué par toute la presse, en mars 1927. La création européenne de sa pièce Li Sui Yu ou le Jade brisé permet au public de la capitale de découvrir un univers de culture différente, bien que le drame soit universel : le déchirement éprouvé par deux jeunes gens entre leur famille respective et l'amour qui les unit. Cette pièce révèle la volonté de transformation d'un pays aux traditions séculaires, touché par la modernité. En cinq actes, Sié montre aux Européens que la Chine veut changer radicalement sa mentalité et adopter des schémas empruntés à notre continent.
Son passé d'étudiant dans nos pays destine Sié à des fonction d'ambassadeur culturel entre la Chine et l'Europe. Après Bruxelles, on le retrouve en France, en Suisse, en Italie, où ses talents de diplomate font merveille. Mais dans son pays, la situation évolue. En 1946, Mao Tsé-Toung prend le pouvoir; trois ans plus tard, Tchang Kaï-Chek s'installe dans l'exil, à Formose, et Sié lui reste fidèle. Il occupe son dernier poste au Vatican, à la légation de Chine près le Saint-Siège, et il entretient des relations d'amitié avec les papes Pie XII et Paul VI. C'est dans la province de Formose, à Taipeï, qu'il décide de s'installer après sa retraite en 1967. Il y meurt le 22 avril 1974, après avoir reçu le baptême.
Quand la pièce de Sié fut jouée au Théâtre du Parc, il avait à son actif un autre drame : Madame Source Précieuse et avait traduit en chinois deux pièces de Gustave Vanzype : Les Étapes et Les Semailles, qui parurent à Shanghai en 1931. Il faut citer une autre uvre en français pour la scène : Tsé Kiou ou Un nud ne peut être dénoué que par celui qui l'a noué, qui date de 1941 et qui a été adaptée en anglais trois ans plus tard. Il a permis aussi l'accès au public chinois d'une adaptation d'un roman de Julia Frézin et d'une comédie en un acte de Tristan Bernard.
Pendant les huit premiers mois de son séjour officiel en Belgique, Sié donne une série de conférences qui le conduisent à Paris, Lyon, Berlin et Francfort. Il y aborde des sujets variés comme les aspects de la Chine nouvelle et du gouvernement nationaliste, mais aussi les relations entre l'Orient et l'Occident, le théâtre et la littérature de son pays. En 1931, il fait un exposé à l'occasion du centenaire de la Belgique, dans lequel il évoque nos écrivains. L'ensemble de ces discours a été recueilli dans un volume intitulé Est-Ouest. Reflets croisés, publié à Bruxelles en 1932, avec des préfaces de Paul Hymans et de Gustave Vanzype. Dans cet ouvrage composite, on découvre des aspects de la personnalité de Sié : son profond attachement à une Chine empreinte de confucianisme, mais désireuse d'une renaissance opérant une fusion entre les traditions nationales et la modernité du continent européen. Sié transpose ce souhait dans la littérature, et plus particulièrement dans le théâtre de son pays, dont le style conventionnel, essentiellement symboliste, avec des techniques compliquées, des scènes très nombreuses, une musique prédominante et un maquillage recherché, devrait, selon ses théories, en arriver à un dépouillement de plus en plus grand. Pour cela, il encourage la connaissance du théâtre européen et incite à la traduction d'Ibsen, de Wilde ou de Vildrac.
En 1939, à Paris, Sié publie un petit ouvrage intitulé L'esprit chinois en face du problème des races. Il y développe l'idée d'une civilisation universelle fondée sur le principe d'une révolution pacifique des esprits, idée qu'il poursuivra concrètement dans l'ouvrage Le maréchal Tchang Kaï-Chek. Son enfance-sa jeunesse, écrit en 1941 et publié à Bruxelles, puis en 1943 à Berne, et réédité en 1946 dans notre capitale. Ce livre est un panégyrique, mais c'est avant tout une étude très documentée sur l'homme que Sié considère comme le symbole de l'indépendance et de la liberté de son peuple.
L'auteur écrit dans une langue très accessible, claire et précise, et à la lecture, on est frappé par l'intérêt qu'il parvient à renouveler sans cesse. Sa production, à laquelle il faut ajouter des textes écrits en chinois sur le théâtre et la diplomatie, mais encore des traductions françaises d'ouvrages à tendance philosophique, doit être considérée comme une volonté de rapprochement entre les civilisations occidentale et orientale; c'est à ce titre qu'elle garde sa valeur de témoignage.
Chéou-Kang Sié est élu membre de l'Académie royale de langue et de littérature françaises le 12 octobre 1949.– Jean Lacroix
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