BiographiePaul-Henri Spaak naît à Schaerbeek le 25 janvier 1899. Son père est poète, dramaturge et futur académicien. Sa mère est la fille du tribun politique Paul Janson; elle sera la première femme à entrer au Parlement belge. Paul-Henri est aussi le neveu de Paul-Émile Janson, futur premier ministre. Il a deux frères qui feront carrière, Charles dans le cinéma, Claude dans le théâtre. Il accomplit ses humanités classiques à l'Athénée de Saint-Gilles, où il a pour compagnons notamment Robert Goffin et Paul Delvaux. Lorsque la première guerre mondiale éclate, il veut participer aux combats. Il est arrêté et incarcéré à la prison de Turnhout, puis déporté en Allemagne où il demeure en captivité jusqu'à la fin des hostilités. La guerre finie, il s'inscrit en droit à l'Université libre de Bruxelles et devient avocat au barreau de la capitale en 1921.
Spaak est très attiré par la politique. Il s'inscrit au parti socialiste et est appelé au cabinet du ministre du Travail Joseph Wauters; il découvre la condition ouvrière. Ses idées sont considérées dans son mouvement comme extrémistes, proches des positions communistes. Il crée L'Action socialiste et fait notamment une campagne contre la guerre en 1928 à la tête des Jeunes Gardes socialistes. En 1930, il est aux côtés d'un autre futur académicien, Paul De Bock, pour défendre l'anarchiste italien Fernando De Rosa auteur d'un attentat contre le fiancé de la princesse Marie-José, le prince Umberto. Il plaide brillamment; l'accusé n'est condamné qu'à cinq ans de prison. Il effectue ensuite un voyage en Union Soviétique et publie ses impressions de séjour dans Le Soir.
En 1932, il est élu député. Sensible aux conséquences de la crise économique de 1929 et au chômage qui s'étend, il invite les ouvriers à se mobiliser. Après le congrès du Parti ouvrier belge de 1933, L'Action socialiste fait l'objet d'attaques internes qui le conduisent à se rallier au plan de Man en faveur du travail. En 1935, Van Zeeland devient premier ministre et Spaak est nommé ministre des P.T.T. et des Transports. Sa carrière politique va s'intensifier : en 1936, il est ministre des Affaires étrangères et conserve cette fonction dans le cabinet Paul-Émile Janson en 1937. Le 15 mai 1938, il est premier ministre tout en gardant le portefeuille des Affaires étrangères. La guerre menace; il tente en vain d'obtenir que la France, l'Allemagne et l'Angleterre considèrent la Belgique comme un pays neutre. Sous le cabinet Pierlot, il est encore chargé des Affaires étrangères; il émigre à Londres avec le gouvernement en 1940 et rentre en Belgique après la Libération. Il sera toujours ministre des Affaires étrangères sous les deux cabinets Van Acker en 1945 et 1946, avant de redevenir premier ministre pendant huit jours, du 13 au 21 mars 1946. Les gouvernements se succèdent dans cette époque troublée par la question royale. Spaak participe à l'édification de l'Organisation des Nations Unies. En janvier 1946, il en préside la première assemblée générale. Il s'insurge contre le droit de veto accordé aux grandes puissances. Son prestige international est immense et il occupe jusqu'en 1949 le poste des Affaires étrangères, après avoir été deux fois premier ministre, en deux cabinets successifs, du 20 mars 1947 au 27 juin 1949. Le 28 septembre 1948, il prononce un discours devenu célèbre à la tribune de la troisième session de l'ONU au Palais de Chaillot à Paris. Il y met en cause la politique de l'URSS et avoue son inquiétude devant les positions prises par ses représentants qui se sont faits les champions de la souveraineté absolue. Ce Discours à l'Organisation des Nations Unies est publié la même année, en tirage limité. Spaak veut que l'Europe devienne un bloc uni et il va se faire le défenseur de cette idée. En 1949, c'est lui qui dirige la première assemblée consultative du Conseil de l'Europe à Strasbourg. Robert Schumann ayant lancé l'idée de la CECA (Communauté européenne du charbon et de l'acier), Spaak signe à Paris le document qui concrétise ce projet.
Bourgmestre de Saint-Gilles en 1953, il est rappelé par Van Acker au poste des Affaires étrangères en 1954. Il occupe la fonction jusqu'à sa nomination comme secrétaire général de l'OTAN en 1957. Il signe, à Rome, le traité qui institue le Marché commun. En 1960, il prend la défense des intérêts de la Belgique lors des événements du Congo. En mars 1961, il démissionne de l'OTAN. Réélu député de Bruxelles, il est ministre des Affaires étrangères dans les cabinets Lefèvre et Harmel. Il démissionne en février 1966. Retiré à Sept-Fontaines, il écrit ses mémoires qui paraissent en deux volumes à Paris en 1969 sous le titre Combats inachevés. II demeure cependant un conseiller écouté sur le plan politique et ne cache pas qu'il est favorable à l'instauration du fédéralisme.
En juillet 1972, Paul-Henri Spaak passe ses vacances aux Açores. Pris d'un malaise, il est rapatrié par avion à Bruxelles, où il meurt le lendemain de son arrivée, le 31 juillet 1972. Il laisse un journal et des souvenirs inédits. En 1980, des textes de conférences et des articles sont rassemblés dans deux gros volumes présentés par Paul F. Smets sous le titre La pensée européenne et politique de Paul-Henri Spaak. Ce dernier avait été élu à l'Académie le 10 novembre 1945 au fauteuil de Horace Van Offel, exclu l'année précédente pour incivisme. La réception de Paul-Henri Spaak le 19 avril 1947 devait revêtir un caractère particulier. L'usage veut en effet que le nouveau membre fasse l'éloge de son prédécesseur. Vu les circonstances, cette formule n'était pas envisageable. Comme le fondateur de l'Académie avait expressément prévu que l'éloquence aurait sa place à l'Académie, le nouvel élu fit un brillant éloge de l'art oratoire. – Jean Lacroix
|