Académie Royale de Langue et de Littérature Françaises de Belgique
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Lucien-Paul Thomas

Lucien-Paul Thomas / Photo © Le Soir (Bruxelles) Membre belge philologue du 8 décembre 1934 au 3 février 1948.
Prédécesseur : Albert Counson
Successeur : Fernand Desonay
Fauteuil 24

Biographie

Lucien-Paul Thomas naît le 25 décembre 1880 à Liège. Après des études secondaires à l'athénée de sa ville natale, il fréquente l'Université de Liège, où il est l'élève de Maurice Wilmotte. Il obtient avec brio le titre de docteur en philosophie et lettres et, dès 1905, il est lecteur à l'Université de Giessen, où le grammairien de l'ancien français Dietrich Behrens décèle rapidement les qualités du jeune Liégeois. Promu chargé de cours et, à partir de 1911, professeur extraordinaire, Lucien-Paul Thomas enseigne les littératures romanes à Giessen, qu'il quittera de son plein gré après l'agression allemande de 1914. Rentré en Belgique, il a une charge à l'Athénée de Liège. Il fait aussi des cours de langue et de littérature espagnoles à l'École des hautes études de cette même ville. En 1920, l'Université libre de Bruxelles, organisant l'enseignement de la philologie romane, fait appel à lui. Chargé de cours d'abord, professeur ordinaire en 1922, il partage pendant plus de dix ans, avec son collègue Gustave Charlier, tous les cours de cet enseignement nouveau. S'étant tourné vers la langue espagnole, sa littérature et sa culture, il est l'un des fondateurs de l'Institut d'études hispaniques, annexé à la Faculté de philosophie et lettres.

II s'intéresse en premier lieu aux lettres espagnoles contemporaines et en particulier au romancier Pio Baroja, l'esthéticien de l'humour, dont il traduit plusieurs œuvres, notamment en 1906 (dans la Revue de Belgique), en 1913 (Idylles et Songes) et en 1934 (dans Terres latines).

Dès 1908, l'Académie royale de Belgique couronne son travail sur Gôngora et le gongorisme considérés dans leurs rapports avec le marinisme (publié ensuite chez Champion, à Paris, en 1911). Lucien-Paul Thomas met en parallèle la production de Gôngora et celle de Marino et montre, avec finesse et rigueur à la fois, l'indépendance de Gôngora à l'égard du secentismo italien ou marinisme, surtout dans les grands poèmes comme Polyphème et Solitudes. Il arrive à dégager les beautés de la poésie gongorique sans en cacher les défauts. En 1909, il publie Le lyrisme et la préciosité cultiste en Espagne dans les Beihefte zur Zeitschrift für romanische Philologie. C'est une étude du mouvement cultiste dans ses origines et ses manifestations les plus diverses. La figure de Gôngora est analysée et située dans l'évolution des lettres espagnoles. La même année parait un complément à la bibliographie du poète de Cordoue dans le Bulletin hispanique.

Attiré par l'idéalisme et le génie dramatique de Calderôn, Lucien-Paul Thomas publie, en 1910, La genèse de la philosophie et le symbolisme dans La Vie est un songe. Il compare les deux formes sous lesquelles La Vida es sueño existe : la comedia, de 1636, et l'autosacramental, de 1676. Il reviendra aux théories de Calderôn sur les unités au théâtre, en 1924, et aux jeux de scènes et à l'architecture des idées dans le théâtre allégorique de Calderôn, en 1925. Il sera aussi un traducteur de Gôngora. La collection des Cent chefs-d'œuvre étrangers publie, en 1931, un petit volume intitulé Don Luis de Gôngora y Argote. Introduction, traduction et notes. Lucien-Paul Thomas ne se contente pas de rendre le sens, les trouvailles d'images; il exige envers lui-même ce qu'il définira théoriquement, c'est-à-dire une refonte complète des moyens d'expression, refonte qui ne peut se faire… que dans un état d'inspiration qui se superpose, en l'épousant, à l'inspiration déjà fixée de l'original.

Il ne cesse de se consacrer à l'Espagne. Il publie des articles sur l'épopée espagnole (1920), sur la nouvelle en Espagne (1922), sur la femme d'après les vieux proverbes espagnols (1927). On lui doit aussi des travaux de littérature comparée : Précieuses de France et précieuses d'Espagne (1920), Ronsard et quelques poètes de la rose du soir. Le thème de la fleur et du pré (1924), François Bertaut et les conceptions dramatiques de Calderôn (1924), Pascal et saint Ignace (1925).

À côté de cela, il se passionne pour le théâtre français à ses origines, surtout pour le drame liturgique des vierges folles et des vierges sages, le Sponsus. En 1924, Lucien-Paul Thomas, avec la collaboration du musicologue Tirabassi, le fait exécuter pour la première fois. Deux articles importants sur le Sponsus paraissent dans la Romania, l'un en 1927, où sont examinées la versification et les leçons douteuses du texte, l'autre en 1929, où sont étudiées la strophe et la composition. Son excellente édition de l'œuvre avec un commentaire très complet ne paraîtra qu'après sa mort (1951). Sur le Drame des innocents de Limoges il rédige des notes (en 1935) et dans la Passion du Christ de Clermont, il distingue (en 1938) les latinismes et les farcitures (expressions et mots latins pris à des textes sacrés et enchâssés tels quels).

Élu le 8 décembre 1934 au titre philologique à l'Académie royale de langue et de littérature françaises, Lucien-Paul Thomas est reçu le 14 février 1935 par Georges Doutrepont. Il était depuis 1927 membre étranger de la Real Academia Española et depuis 1936 membre de l'Académie argentine des lettres.

Son intérêt pour le Symbolisme n'est pas récent. Grâce à ses études sur la versification du Sponsus, il devient un excellent métricien. Il est poète lui-même. On trouve ses poèmes dans diverses publications : La Guiterne (1933), Terres latines (1934), L'Avant -poste (1935 et 1937), Les Cahiers nouveaux (1937) et l'Anthologie de la décade 1930-1940 (publiée en 1942). Il collabore dès 1932 au Journal des poètes et il fait partie du comité directeur du Courrier des poètes. Il publie des articles sur la culture générale, sur les vers (en particulier sur le vers libre). En 1943, il rassemble et complète ces articles pour en faire un véritable essai, sous le titre Le vers moderne, ses moyens d'expression, son esthétique. Les lettres hispano-américaines lui sont redevables de contributions sur J. Carrera Andrade et sur Antion Aita.

Lucien-Paul Thomas est mort à Uccle le 3 février 1948.

– Reine Mantou



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