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À la Pentecôte de 1863, Juliette embarque à Cadix sur le Sidney pour se rendre à Tanger, où elle est accueillie par le consul de Belgique, M. Dalhuin. Elle remarque, au débarquement, que ce sont des Juifs qui la transportent à terre. En effet, lui explique-t-on, «les Maures ne s'abaissent pas à ce métier». Elle loge à l'Hôtel Français, un joli hôtel tenu par des Italiens. Le séjour à Tanger ne la décevra pas. Elle y trouvera le dépaysement qu'elle espérait bien ressentir au Maroc.
«Il y a très peu de femmes dans les rues. Les juives, les esclaves (pense que je vois et que je touche du doigt des esclaves!) et les négresses seules vont le visage découvert. Un fantôme blanc et informe, qui passe, est une femme mauresque.
M. Dalhuin m'a conduite ce matin chez le Pacha, grand personnage qui a huit femmes. Il rend la justice dans son palais de la Casbah, sous une porte mauresque à arcades; ses gardes sont couchés tout autour, lui-même est accroupi sur une natte. Il est nègre, grand, bien fait, et généralement estimé.
Les femmes seules, comme tu sais, peuvent pénétrer dans le harem. Je suis entrée par des couloirs historiés et tournants, dans un très beau patio entouré de colonnes de marbre. Ces sultanes, pour passer leurs poétiques loisirs, avaient tendu une corde sur laquelle elles faisaient sécher du poisson. Elles étaient accroupies sur la marche d'une très belle salle, et m'ont paru toutes des plus laides, toutes des plus mal vêtues, toutes ayant des petits négrillons; elles m'ont regardée d'un air vague; une seule avait un peu d'intelligence dans les yeux. Le chapeau de mademoiselle Octavie les surprit, elles le lui firent ôter. Elles m'examinèrent de près, tâtèrent mes cheveux; une me demanda ma broche; enfin, des enfants légèrement hébétés.»
Juliette n'est pas plus tendre pour le régime politique en vigueur : «Il n'y a guère de commerce à Tanger et on y cultive à peine. Tout est arrêté, glacé; une volonté unique, absolue, sans règle, a fait une étrange création, elle a créé un peuple de vieux enfants.»
Juliette ne se lasse pas de marcher en ville : «Au milieu des Arabes impassibles, viennent et vont des juifs, des nègres, des négresses, des esclaves, jambes nues et vêtus de différents costumes.
Je me suis arrêtée à la porte de la ville, pour voir les Maures rentrer des travaux des champs. Bien qu'on dise que ce soit ridicule, ils m'ont fait penser aux patriarches, et la scène est devenue complètement biblique, lorsque, faisant quelques pas, je me suis trouvée au milieu des chameaux et de leurs conducteurs qui arrivaient de Fez, la capitale sacrée et impénétrable. Ah! je te regrette comme si l'on m'avait arraché la moelle des os.»
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