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Acte premier
Premier tableau
À l'aube du 6 septembre 1492. Nous sommes sur le pont de la Santa-Maria, le navire de Christophe Colomb, à l'ancre devant les îles Canaries. Un mât, une partie de la rambarde, une écoutille entrouverte, des agrès
Quelques hommes disséminés, les uns debout, les autres couchés ou assis, tous immobiles. L'un d'eux joue doucement de la guitare.
L'obscurité est encore presque complète. Sur un tas de cordages, une lanterne ne donne qu'une faible lueur. La clarté qui illumine de temps en temps le ciel d'une brève lumière rouge, est celle du volcan de Ténériffe en éruption.
Une voix. Tais-toi, guitare! Dors, et laisse-nous dormir!
Chur. Dormir?
Qui parle de dormir?
N'a-t-il ni entrailles ni mémoire celui qui parle de dormir?
Deuxième voix. Trente-quatre jours! Déjà trente-quatre jours que nous avons quitté Palos!
Troisième voix. Trente-quatre jours pour atteindre au seuil de la désolation qu'on appelle les îles Fortunées!
Quatrième voix. Trente-quatre jours, trente-quatre nuits!
Chur. Entends-tu, dormeur?
Entends-tu ce qu'ils disent?
Ce n'est plus l'océan qui balance le navire dans la nuit, mais la longue houle de l'inquiétude
Deuxième voix. Même ce volcan nous fait signe de mauvaise venue!
Chur. À qui dirons-nous notre hésitation et notre perplexité, nous qui sommes la proie des événements, non leur guide?
Qui sera le confident de nos angoisses en ce point précis de la terre où un caprice de la Reine et la volonté de Colomb nous ont menés?
Quatrième voix. À Palos, l'année avait été mauvaise
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