Biographie
Né à Liège le 16 avril 1926, André Goosse passe son enfance à Houffalize, dans les Ardennes, où l’a conduit la carrière de son père, fonctionnaire de l’État. Il accomplit ses humanités, section gréco-latine, à l’Institut Saint-Remacle, à Stavelot.
Vers ses dix-sept ans, il découvre la série des Corrigeons-nous du Père Deharveng. Une vocation, sinon de linguiste, du moins de curieux des faits du langage s’éveille en lui à la lecture de ces «Récréations philologiques et grammaticales». La bibliothèque paternelle est riche aussi en ouvrages d’auteurs wallons qui le passionnent. L’évidence est là : le jeune homme est fait pour des études littéraires. Les événements retardent l’entrée à l’université. La fin de la guerre est cruelle pour l’est du pays. La maison est détruite et les parents, tous deux, meurent peu après. Recueilli par des amis de la famille, André Goosse entame, en 1945, des études de philologie romane à l’Université catholique de Louvain. Parmi ses condisciples, on trouve Marie-Thérèse Grevisse, fille de l’illustre grammairien. Leurs études prennent fin en 1949. Ils se marient l’année suivante.
À l’université, Omer Jodogne, éminent médiéviste, et Joseph Hanse ont remarqué l’étudiant. Engagé dans un travail d’édition de texte, André Goosse poursuit ses recherches sur l’œuvre d’un polygraphe liégeois du XIVe siècle, Jean d’Outremeuse. Ces travaux, menés sous la direction d’Omer Jodogne, débouchent sur une thèse défendue en 1959 et publiée en 1965.
De Jean d’Outremeuse (1338-1400) on a trois œuvres : une sorte de lapidaire (inédit) et deux chroniques. La Geste de Liège est en vers; Ly Myreur des histors (miroir des histoires) est en prose. Au XIXe siècle, deux érudits avaient publié ce qui était conservé des deux chroniques. Pour une partie du second livre du Myreur, l’éditeur n’avait disposé que d’un texte condensé et très altéré. Le manuscrit contenant la version complète du second livre étant entré dans les collections de la Bibliothèque royale, André Goosse décide d’en éditer un long fragment inédit. C’est ainsi qu’il acquerra une connaissance approfondie de la langue médiévale qui enrichira sa vision du développement de la langue française.
Pendant qu’il travaille à sa thèse, André Goosse passe deux années au Fonds national de la recherche scientifique, suivies de trois années dans l’enseignement secondaire. En 1956, son université le rappelle. Il sera promu professeur ordinaire en 1967, année où il deviendra aussi membre du Conseil international de la langue française qu’il présidera de 1991 à 2017 et en sera promu président d’honneur, en 2018. Cette
institution le chargera de décrire de façon critique les principaux processus de création des néologismes contemporains, recherche dont résultera, en 1975, La Néologie française aujourd’hui. Très jeune encore, il sera appelé à siéger à la Commission royale de toponymie et de dialectologie, à la Société de langue et de littérature wallonnes et à la Commission royale d’histoire. L’Académie s’ouvre à lui le 9 octobre 1976.
Sa réflexion sur le français moderne se précisera au cours des chroniques de langage qu’il publie dans La Libre Belgique, de 1966 à 1990. Elles seront déjà rassemblées partiellement dans un volume de 1971 (Duculot) et complétées par un recueil, Façons belges de parler, en 2011 (Académie royale de langue et de littérature françaises). Outre une excellente connaissance de la variation du français en Belgique romane, on y perçoit une conception ouverte et non manichéenne de l’usage, ou mieux des usages, ce qui transparaîtra nettement dans les rééditions du Bon usage qu’il assurera à partir de 1986.
D’abord associé aux travaux de Grevisse qui l’avait très vite considéré comme son successeur, André Goosse procède, dès la 12e édition, à un profond remaniement qu’il poursuivra jusqu’à la 16e édition en 2016. Celui-ci portera à la fois sur une structure rénovée de l’ouvrage en fonction des évolutions de la linguistique et sur la notion même d’usage. Tout en restant fidèle à ce concept fondamental de l’œuvre de Grevisse, il réussit à en proposer une vision élargie, tenant compte de la variété des usages dans l’espace (français régionaux) mais aussi dans la société. D’où une large modernisation des exemples faisant une place à la littérature contemporaine, mais aussi à la langue du journalisme et à des formes influencées par l’oral. Comme il le montre bien à travers les préfaces des rééditions de la grammaire, il n’y a pas de norme prescriptive unique, mais des usages dont la pertinence est liée à la diversité des formes de communication, du registre soutenu au familier.
Devenu membre du Conseil supérieur de la langue française, à Paris en 1989, il sera amené à rédiger un rapport sur l’orthographe. Loin d’envisager un quelconque bouleversement, il propose des «rectifications» afin de remédier à des graphies arbitraires qui s’étaient accumulées au cours du temps. En France, surtout, il en résultera de sérieuses controverses, plus «affectives» que fondées sur une réelle analyse du système orthographique. Dans La Nouvelle Orthographe (Duculot, 1991), il défend et explicite les aménagements souhaités.
Même la charge de secrétaire perpétuel de l’Académie de 1996 à 2002 ne l’empêchera pas de poursuivre sa mise à jour du Bon usage, dont il publiera trois nouvelles éditions, en 2007, 2015 et 2016, année des 80 ans de la grammaire et des 90 ans d’André Goosse.
L’étendue des domaines de la langue explorés par André Goosse était très vaste, avec d’innombrables contributions portant sur la syntaxe, le lexique, la variation du français, ce que montrent ses Mélanges de grammaire et de lexicologie françaises (1991) ou encore Le Point sur la langue française, hommage à André Goosse (2006). Sa capacité de travail, remarquable jusqu’à un âge avancé, a sans doute été favorisée par un tempérament d’une grande sérénité qu’appréciaient tous ceux qui l’approchaient. André Goosse s’est éteint à 93 ans, le 4 août 2019.
– Jacques Detemmerman et Jean Klein
Bibliographie
- Jean d'Outremeuse, Ly myreur des histors, fragment du second livre, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1965.
- Façons de parler, Gembloux, Duculot, 1971.
- La néologie française aujourd'hui, Paris, Conseil international de la langue française, 1975.
- Nouvelle grammaire française. Grammaire, avec Maurice Grevisse, Gembloux, Duculot, édition 1989.
- Nouvelle grammaire française. Applications, avec Maurice Grevisse, Louvain-la-Neuve, Duculot, édition 1989.
- Nouvelle grammaire française. Corrigé des applications, avec Maurice Grevisse, Louvain-la-Neuve, Duculot, édition 1989.
- La nouvelle orthographe, exposé et commentaires, Louvain-la-Neuve, Duculot, 1991.
- La force de l'orthographe, avec Maurice Grevisse, Louvain-la-Neuve, Duculot, édition 1996.
- Le bon usage, avec Maurice Grevisse, Louvain-la-Neuve, Duculot, édition 2005.
- Façons belges de parler, Bruxelles, Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, 2011.
Bibliographie critique- Mélanges de grammaire et de lexicologie françaises, Louvain-la-Neuve, Peeters, «Bibliothèque des Cahiers de l'Institut de Linguistique de Louvain», n° 60, 1991.
- Michèle Lenoble-Pinson et Christian Delcourt (dir.), Le point sur la langue française. Hommage à André Goosse, Bruxelles, Revue belge de Philologie et d'Histoire et Le Livre Timperman, 2006.
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