Académie Royale de Langue et de Littérature Françaises de Belgique
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Composition


Paul Gorceix
Paul Gorceix / Photo © Jean-Luc Lossignol, ARLLFB Membre étranger philologue du 11 janvier 2003 au 17 novembre 2007.
Prédécesseur : Jean Rousset
Successeur : Marie-José Béguelin
Fauteuil 39

BIOGRAPHIE

Né à Joigny dans l'Yonne le 26 octobre 1930, d’un père limousin et d’une mère berrichonne, Paul Gorceix passe son enfance et son adolescence à Poitiers, où il entame en 1947 des études de langue et de littérature. Éloigné de l’université pendant deux ans pour cause de tuberculose, il met à profit cette retraite forcée pour assouvir sa soif de lectures. Ses livres de chevet sont L’Âme romantique et le rêve, d’Albert Béguin, et De Baudelaire au surréalisme, de Marcel Raymond, au contact desquels s’affirme sa vocation de critique littéraire. À peine sur pied, en dépit de sa santé fragile, le jeune homme se porte candidat pour des assistanats de français dans l’Europe d’après-guerre, en Autriche tout d’abord, dans un grand lycée de Vienne, puis à Offenbach près de Francfort. Tout en enseignant, il prépare ses examens et suit notamment, à l’Université de Vienne, les cours de Josef Nadler sur la sociologie ethnique de la littérature. En 1954, titulaire de son diplôme d’études supérieures de l’Université de Poitiers, il se fait affecter au lycée de Bône, en Algérie, avant de poursuivre sa carrière en tant que professeur stagiaire à Strasbourg. Il s’installe ensuite durablement en Allemagne, engagé à l’Institut français de Brême, puis comme lecteur de français à la Philipps-Universität de Marbourg.

La motivation et l’énergie dont témoigne ce début de carrière trouvent également à s’exprimer dans la recherche. Paul Gorceix soutient, en 1967, une thèse sur l’humaniste autrichien Ernst von Feuchtersleben, moraliste, pédagogue et précurseur de la psychanalyse. Dans la foulée, il entreprend un doctorat d’État sous la direction de Jules Bizet, spécialiste de la mystique allemande. La thèse qui en résulte, soutenue à Poitiers en 1973, paraît deux ans plus tard aux PUF, sous le titre Les Affinités allemandes dans l’œuvre de Maurice Maeterlinck. Contribution à l’étude du Symbolisme français et du Romantisme allemand. L’année même de sa soutenance, Paul Gorceix succède à son promoteur à la chaire de langue et de littérature allemandes de l’Université de Poitiers, où lui est en outre octroyée l’habilitation à diriger des maîtrises sur la littérature française de Belgique. En 1991, il est nommé professeur à l’Université Michel de Montaigne de Bordeaux. Ce changement d’affectation est pour lui l’occasion d’enrichir ses enseignements sur les lettres françaises de Belgique, devenues entre-temps son terrain de recherches de prédilection. À Bordeaux, mais aussi dans le cadre de missions successives en Allemagne, dans les pays du Nord, au Portugal, il fait inlassablement partager à ses auditeurs sa passion pour la Belgique fin de siècle et pour le courant symboliste; cette activité se prolonge au-delà de son éméritat, accordé en 1999.

Paul Gorceix a joué, mieux que tout autre, un rôle de passeur entre les traditions culturelles germanique et romane. De 1949 à 1973, il promeut en Autriche et en Allemagne la langue et les lettres françaises; symétriquement, au cours de son professorat à l’Université de Poitiers, il suscite l’intérêt des étudiants français pour la langue et la littérature allemandes. Dans l’intervalle, sa thèse d’État opère une conjonction brillante entre le domaine des lettres françaises et celui des lettres allemandes. Paul Gorceix y démontre que le double ancrage culturel du poète gantois Maurice Maeterlinck, Flamand de langue française, lui a ménagé un accès direct aux traditions culturelles germanique et anglo-saxonne, lui permettant de faire le lien, dans le sillage de Nerval et de Nodier, entre romantisme allemand et symbolisme français. À une époque où les études dites francophones n’étaient pas encore à l’honneur, Paul Gorceix se fit ainsi le chantre en France de cette littérature française de Belgique qu’il estimait injustement négligée et méconnue.

À l’aise dans tous les genres de la critique — monographies érudites, éditions commentées, essais, ouvrages collectifs, ouvrages introductifs — Paul Gorceix fut non seulement un professeur engagé, mais aussi un critique d’une prodigieuse fécondité, auteur de 35 ouvrages dans le domaine des littératures germanique et comparée et dans celui des lettres françaises de Belgique, auxquels s’ajoutent près de 120 articles et 50 recensions.

Dans cette œuvre impressionnante, distinguons ici l’admirable monographie sur Georges Rodenbach, parue en 2006 chez Champion, qui fait revivre non seulement l’auteur de Bruges-la-Morte et du Carillonneur, mais tout l’environnement social et intellectuel qui inspira sa production littéraire. Mentionnons aussi le double volume posthume de mélanges, paru en 2008 chez Eurédit, qui rassemble de précieuses contributions sous le titre Le Symbolisme en Belgique ou l’éveil à une identité culturelle. Une si rare différence…; enfin, datée de 2005, la synthèse magistrale intitulée Maurice Maeterlinck. L’Arpenteur de l’invisible, une somme devenue un classique. De ce riche testament scientifique émergent encore le Que sais-je? de 1977 sur l’histoire littéraire allemande, réédité en 1997 dans une édition mise à jour et, bien sûr, la thèse de doctorat d’État parue aux PUF (v. supra), couronnée en 1976 par le prix Strasbourg, ressortie en 2005 chez Eurédit avec l’ajout d’une substantielle postface consacrée à l’influence de Maeterlinck sur la modernité viennoise.

Couronnée en 1999 par le prix du Rayonnement des lettres françaises de Belgique à l’étranger, l’oeuvre de Paul Gorceix se signale non seulement par son envergure hors du commun, mais aussi par la clairvoyance de son auteur, la constance qu’il met à défendre ses positions, la générosité avec laquelle il partage une érudition immense qui, sous sa plume, n’a jamais rien de gratuit ni d’écrasant.

Paul Gorceix, élu à l’Académie royale le 11 janvier 2003, s’est éteint dans la nuit du 17 au 18 novembre 2007.

– Marie-José Beguelin



BIBLIOGRAPHIE

Les affinités allemandes dans l'œuvre de Maurice Maeterlinck. Contribution à l'étude du Symbolisme français et du Romantisme allemand, Paris, PUF, 1975 (rééd. Paris, Eurédit, 2005, avec postface : «Maeterlinck et la modernité viennoise»).

Les grandes étapes de l'histoire littéraire allemande, Paris, PUF, coll. «Que Sais-je?» n° 1699, 1977 (2e édition mise à jour sous le titre Histoire littéraire allemande, 1997).

Ernst von Feuchtersleben, moraliste et pédagogue (1806-1849). Contribution à l'étude de l'humanisme libéral dans l'Autriche d'avant 1848, Paris, PUF, 1978.

Le Symbolisme en Belgique. Étude de textes, Heidelberg, C. Winter Universitâtsverlag, «Studia romanica», 1982.

Maurice Maeterlinck, Serres chaudes, Quinze Chansons, La Princesse Maleine, Préface et Dossier par Paul Corceix, Paris, Gallimard/Poésie, 1983, (rééd. 1995).

Réalités flamandes et Symbolisme fantastique. «Bruges-la-Morte» et «Le Carillonneur» de G. Rodenbach, Paris, Minard, coll. «Archives des Lettres Modernes», 1992.

«Introduction à la poétique symboliste», dans Novalis, Fragments précédé de Les Disciples à Saïs, traduit de l'allemand par M. Maeterlinck, Paris, Corti, coll. «En lisant en écrivant», 1992 (2e édit., 2003).

Max Elskamp, La Chanson de la rue Saint-Paul, Sous les tentes de l'exode, Aegri Somnia, Paris, Gallimard/Poésie, 1997.

La Belgique fin de siècle. Romans - Nouvelles - Théâtre, Bruxelles, Éditions Complexe, 1997.

Maurice Maeterlinck. Le Symbolisme de la différence, Mont-de-Marsan, Éditions InterUniversitaires, 1997 (rééd., Paris, Eurédit, 2005).

L'identité culturelle de la Belgique et de la Suisse francophones, Paris, Champion, 1997.

Fin de siècle et Symbolisme en Belgique. Œuvres poétiques, Bruxelles, Éditions Complexe, 1998.

Maurice Maeterlinck, Œuvres (3 vol. en coffret), Œuvres I : Le Réveil de l'âme. Poésies et Essais; Œuvres II : Théâtre 1 ; Œuvres III : Théâtre 2, Bruxelles, Éditions Complexe, 1999.

Littérature francophone de Belgique et de Suisse, Paris, Ellipses, coll. «Réseau», 2000.

Émile Verhaeren, [Hugo et le romantisme; Racine et le classicisme; De Baudelaire à Mallarmé], 3 volumes, Bruxelles, Éditions Complexe, coll. «Le Regard littéraire», 2002.

Maurice Maeterlinck. L'Arpenteur de l'invisible, Bruxelles, Le Cri/ARLLFB, 2005.

De la pensée mystique à l'ésotérisme chez Maurice Maeterlinck, Paris, Eurédit, coll. «Théâtre du monde entier», 2006, (2 volumes : t. I Étude; t. II Textes).

Georges Rodenbach 1855-1898, Paris, Honoré Champion, 2006.

Dramaturgie de la Mort chez Maurice Maeterlinck, Paris, Eurédit, coll. «Théâtre du monde entier», 2006.

Georges Rodenbach. Les Essais critiques d'un journaliste, Paris, Honoré Champion, 2007.

Le symbolisme en Belgique ou L'éveil à une identité culturelle : une si rare différence. Mélanges, t. 1, Paris, Eurédit, 2008.



E-BIBLIOTHÈQUE

Maurice Maeterlinck et l'analogie (PDF 118Ko)
Communication à la séance mensuelle du 12 février 2000

La problématique de la mélancolie chez Henri-Frédéric Amiel (84Ko)
Communication à la séance mensuelle du 9 septembre 2006



DISCOURS DE RÉCEPTION (séance publique du 24 janvier 2004)

Discours de Roland Beyen (PDF 91Ko)

Discours de Paul Gorceix (PDF 83Ko)



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